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qui font dans le centre de toutes ces places. Or, voici quel étoit leur projet: De Longwy ils devoient prendre Thionville; ils devoient prendre Metz, tout cela fans réfiftance. De Metz, la colonne de Brunswick fe portoit également, fans réfiftance, fur Sainte-Menehould, Saint-Difier Châlons & Reims. Le roi de Pruffe avec fon armée, actuellement flanquée fur Thionville, efit occupé l'armée de Kellermann, qui eft placée à la droite de Thionville & de Metz, Clerfait eût occupé celle de Dumourier, qui étoit alors placée du côté de Sedan. La cour fufcitoit une guerre civile à Paris; des magas étoient difpofés par elle depuis Verdun jufqu'ici; & tandis que les deux partisie fullent battus dans la capitale, tandis que le roi de Pruffe & Clerfait, par une fauffe manoeuvre, euffent occupé les armées de Kellermann & Dumourier, la colonne de Brunfz wick auroit en effet pénétré jufqu'à nous, & ce fameux paladin fe feroit préfenté ici comme médiateur & pacificateur de la France. La contre- révolution étoit faite mais les difpofitions du pouvoir exécutif & des généraux ont un peu dérangé les projets du pacificateur Brunf wick. La triple armée, formant en tout cent mille hom‐ mes, a pénétré dans le territoire français à la bonne heure; aucune puiffance humaine n'a pu lempe her. Le miniftre Lajard avoit laiffé cette partie de la frontière dans un tel état de dénûment; l'exécrable Lafayette lavoit tellement dégarnie de troupes, que la colonne n'a eu qu'à le montrer pour s'emparer de tout ce térrein qui eft aujourd'hui en fa puifiance. Un caporal, à la tête de quelques compagnies baffes, duroit fait tout ce qu' exécuté l'admirable général Brunswick.

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Mais, dira-t-on, l'ennemi n'en eft pas moins chez nous; cent mille hommes ne font pas une chofe à dédaigner, & dites-nous enfin quels font les moyens qu'on pris pour l'empêcher de pénétrer plus avant dans les terres, & même d'avancer jufqu'à Paris Ces moyens font fimples. L'armée de Lafayette, actuellement de Dumourier, étoit, comme nous l'avons dit, placée du côté de Sedan. A fon arrivée du camp de Maulde, Dumourier n'y a pas trouve plus de 10000 hommes difponibles,le rafte étoit employé dans des cantonnemens inutiles & délaftreux, fi bien que l'armée de Clerfait étoit plus que fuffifante pour neutralifer entié rement cette partie de nos forces; mais Dumourier à prévu & prévenu l'intention du général autrichien, par une măNo. 165. Tome 13. C

nœuvre favante & digne de Turenne. Il a en vingt-quatre 1 heures raffemblé tout fon monde, & s'eft, dans

une

nuit, emparé de toutes les hauteurs de l'Argonne & du Clermontois, fi bien qu'au lieu d'être ftationnaire à Sedan, avec 10 mille hommes, il eft actuellement étendu fur foutes ces montagnes, depuis Beaufort jufqu'à Varennes, avec une armée de 35 à 40 mille hommes; en forte que la tête de fes troupes ferme abfolument le paffage à la colonne Brunswick, qui ne fauroit avancer ni du côté de Lechêne, ni du côté de Reims: les gorges du Clermontois font pour cette colonne le paffage des Thermopyles, & les foldats qui occupent ce pailage valent bien les Spartiates. D'un autre côté Dumourier a des poftes avancés tant fur Beaufort que fur Clermont; il a avec lui un parc d'artillerie le plus complet qui exifte en Europe, & il eft impoffible de débufquer fon armée de la pofition extrêmement avantageufe où il l'a fi favamment placée, il ne refte donc plus à la colonne pruflienne que de fe jeter fur Sainte-Menehould & Saint-Dizier', afin de pénétrer enfuite à Châlons; mais Kellermann qui étoit fur la gauche de Metz avec 35 mille hommes, vient de fe porter entre Saint-Dizier & Châlons, de forte que l'ennemi eft encore coupé de ce côté-là. Ajoutons que Biron, que eft à Strasbourg avec 56 mille hommes, en a auffr 15 mille précisément fur la gauche de Sainte-Menehould, entre cette dernière ville & la place de Metz. Nous voyons donc qu'avec ces feules difpofitions des trois armées de Dumourier, de Kellermann & de Biron, nous fommes plus qu'en mefure pour empêcher l'ennemi de pénétrer.

Mais que fera-ce quand nous aurons offert au lecteur le tableau de cette nouvelle armée qui s'eft composée d'une manière magique, & qui marche à grands pas vers Châlons & Reims. Cette armée, fous le comman dement du général Labourdonnaye, qui s'eft fait connoître à Lille pour un excellent patriote, fera compofée de plus de 60 mille hommes de Paris, qui font déjà en marche pour leur destination; on y comptera en outre les fédérés du 10 août, les braves Marfeiliois, & tous les bataillons des départemens voisins de la capitale : ce n'est pas une armée, c'eft une nuée de foldats intrépides, tous réfolus de périr s'il le faut pour le maintien de la liberté, de l'égalité: fous huit jours l'armée de Châlons fera forte

de plus de 200 mille hommes: entre cette armée & Paris il fera en outre formé des lignes deftinées à recueillir les nôtres en cas de défaite; plus de 100 mille hommes feront encore dans ces lignes, où on les exercera à la manoeuvre des piques, & où l'on placera une artillerie formidable. Or, après cela quel eft le lâche qui craindroit pour la liberté, qui craindroit de voir Paris au pouvoir des Autrichiens?

Il a été naturel au paladin Brunfwick d'imaginer que Clerfaït tiendroit Dumourier en échec, & que le roi de Pruffe, après avoir fait une entrée facile dans la ville de Metz, harceleroit conftamment & l'armée de Luckner, & le corps de 15 mille hommes détachés de l'armée de Biron; il lui a été facile d'imaginer que les villes de Carignan, Montmédy, Sedan, Mouzon, Beaufort, Clermont, Lechêne, Saint-Dizier, Metz & Thionville ne faifant pas plus de réfiftance que celles de Longwy & Verdun, il lui feroit aifé, finon d'avancer fur Paris, du moins de fe jeter dans toutes ces places & d'hiverner fur notre territoire, à nos dépens; mais comme nos places, comme la ville de Metz fur-tout eft dans le meilleur état de défenfe poffible, tant par les foins du patriote Antoine que par ceux du pouvoir exécutif, il fe trouve aujourd'hui que ce ne font plus les Français qui font embarraffés de repouffer l'ennemi, mais que c'eft l'ennemi qui eft embarraffé de fortir avec quelque honneur du territoire des Français: il ne feroit pas difficile de donner la preuve, non-feulement que l'ennemi ne penfe pas à Paris, mais qu'il ne pente pas même à hiverner chez nous : l'artillerie de Longwy a été tranf portée à Luxembourg; les magafins dont ils fe font faifis entre Longwy & Verdun ont été tranfportés à Luxembourg; ils font actuellement battre les moiffons pour les transporter à Luxembourg: or, nous demandons à l'homme le moins clairvoyant fi l'ennemi avoit la volonté de fe maintenir fur notre territoire, le dégarniroit-il des objets qui lui font actuellement néceffaires pour s'y défendre? que cette fécurité, loin de ralentir notre marche, ne la rende que plus rapide: portons-nous à Châlons, portonsnous-y en foule & armés; que l'efpace qui fépare Paris de Châlons ne foit qu'un camp; que le miniftre de l'intérieur & celui de la guerre fe concertent pour les approvifionnemens & pour les vivres, & au lieu de laiffer hiverner

Mais

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les-foldats autrichiens fur notre territoire, nous irons hi Verner chez eux. Telle eft la conduité que devront tenir, que tiendront probablement les généraux, auffi-ôt que T'armée de Soiffons, fera parfaitement organifée. Labourdonnaye prefera la colonne de Brunfwick; Kellermann & Biron prendront en flanc l'armée du roi de Prufle, Dumourier en fera autant de l'armée de Clerfaït, & de deux chofes l'une: ou ces trois armées évacueront notre territoire, ou elle fe réuniront pour livrer bataille. Si elles livrent bataille, nous occupons les hauteurs, nos troupes ont un courage que rien n'égale, nous fommes quatre fois plus forts en nombre, & nous ne pouvons pas ne pas vaincre. Si l'ennemi prend le parti de fe retirer, de fuir en lâche, il faut le fuivre l'épée dans les reins, il faut le fuivre jufqu'à ce que les neiges & les glaçons nous commandent de ftationner: dans ce cas la munication de nos armées hivernant en Allemagne, demeurera franche; nous ferons fabriquer des fufils & des piques pendant l'hiver; nos fonderies, dont nous doublerons s'il le faut le nombre, nous doneront fix mille pièces d'artillerie; nous équiperons nos flottes; nous armerons notre marine fur le même pied que nos troupes de terre, & dans une feule campagne, oui, dans une feule campagne, nous terrafferons tous les rois de l'Europe, donnerons la liberté à tous les peuples de la terre.

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Nation magnanime! telles font tes destinées: tu avois fait une première révolution pour les rois, les rois n'ont pas voulu en profiter, tu vas la faire pour les peuples. On dit qu'un parti d'intrigans croyoit profiter de ton fublime courage pour donner un fucceffeur à Louis XVI; on dit qu'une partie de l'affemblée nationale actuelle vouloit offrir la couronne, foit à Brunfwick, foit au fils du roi d'Angleterre; on remarque que, fûrs de cette intelligence, les Pruffiens ne commettent aucun excès, ni fur leur paffage, ni dans les villes qui leur font livrées, tandis que les Autrichiens exercent les cruautés les plus inouies par-tout où ils fe préfentent; on a pour ainsi dire fa preuve matérielle de cette nouvelle confpiration: mais que peuvent quelques vi's conjurés dans l'immenfité d'une nation toute aimée pour la conquête & la défenfe de fes droits? ces mépritables confpirateurs fe perdent dans la fole; on ne daigne pas feulement s'appercevoir ni qu'ils exiftent, ni qu'ils confpirent; on va droit à la liberté,

& l'on y arrive avant que le nom des traîtres foit

connu.

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Tel eft l'état de nos armées, tel eft l'état politique de la France; cet empire eft au plus haut degré de gloire où l'on puiffe jamais arriver; la hache du peuple a fait justice des confpirateurs du dedans ; bientôt lcur coupable chef tombera fous la hache des loix; plus tôt encore les armées des defpotes conjurés feront repouffées ou taillées en pièces. Le peuple va refter en infurrection permanente jufqu'au parfait établiffement de la liberté univerfelle. Qu'on eft glorieux d'être Français!

Sur la prochaine convention nationale.

Des ouvrages périodiques, des écrits lumineux ont déjà préparé l'opinion fur plufieurs questions relatives à la prochaine convention nationale, mais aucun n'a dit un` mor fur fon organifation; de là dépendent pourtant la rapidité, le progrès de fa marche & le fuccès de fes travaux. Qu'il nous foit permis de propofer quelques vues générales fur cet objet; elles auront peut-être l'a-. vantage de fixer l'attention du public éclairé & judicieux fur un point affez important.

On ne doute plus aujourd'hui qu'il n'y ait eu dans tous les départemens une coalition formidable " pour porter à la légiflature actuelle des hommes ou vendus à la cour, ou très-fufceptibles d'être influencés. Des émiffaires gagés couroient capter des fuffrages dans des lieux prefque inacceffibles; d'autres fois l'intrigue, pour furmonter les obftacles, fe métamorphofoit, comme le dieu de la fable, en pluie d'or, & lorfque ces moyens étoient infuffifans, des affaffins apoftés dans le fein même des affemblées électorales en impofoient par la violence, & fouvent même l'urne facrée des fuffrages ne fut pas à l'abri de leurs attentats. Les intrigans qui ne devoient leur élection qu'à ces excès horribles, firent décider tumultuairement par l'affemblée qu'on ne feroit droit à aucune proteftation: ainfi fe préparoit le triomphe des méchans. De finiftres préfages nous annoncent les mêmes machinations pour les actuelles élections.

Argus patriotes, pourfuivez l'intrigue dans les détours de fon dédale obfcur; tonnez contre fes coupables maRœuvres; votre filence, dans la crife actuelle, perdroit

!

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