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pernay. Il y a fix mois, ou environ, que le curé Bonhomme, ayant refufé de jurer, fut forcé d'en déguerpir; il falloit cependant avoir une meffe & des vêpres. Le maître d'école, homme marié, s'offre à remplir toute les fonctions: on l'accepte; &, de, puis ce temps, il remplit les fonctions curiales.

"L'évêque conftitutionnel fe preffa d'y envoyer un deffervant on le refufa: le maître d'école chante la préface à merveille;. vide proprement les burettes, & expédie promptement le fervice. Sa melle doit être auffi bonne que celle d'un autre. Voilà le dire des gens de Venteuil. On ne fe fcandalife point dans les environs, d'autant que le curé poftiche ne demande point de falaire, & qu'il ne peut y avoir de fcandaleux que les aristocrates & les non-jureurs.

Le district ne fe mêle point d'arrêter ce défordre, il a choifi la folle où l'on enterroit les morts pour en faire fes latrines; & il y a trois mois & demi qu'un tapage étant furvenu dans l'églife des religieufes du chef-lieu, à l'occasion de la maladie d'un pretre qui fe refufoit à dire la meffe, parce qu'il étoit incommodé, comme on parloit d'employer la violence pour le tirer de fon lit, le juge de paix, pour modérer l'impatience des prétendus fidèles, monta dans la chaire, & prêcha à l'affemblée qu'il ne falloit pas fe mutiner pour une meffe; que s'il leur en étoit fi grand befoin, il leur en diroit une qui feroit tout auffi bonne que toutes les au

tres on fe calma.

» Il n'y a pas un moment à perdre, mon ami. Si les émigrés rentrent avant que le roi foit libre, les enragés inondent de fang le royaume, & le couvrent de ruine en trois fois vingt-quatre-heures. Je fens que cette crainte touche fort peu Paris, qui eft le centre de l'égoïfme; mais comme tout le mal est venu par lui, on le rendra Comptable de tous les maux dont il aura été la caufe. C'eft ce qu'il faudra faire preffentir à la bourgeoifie fon roi feul peut la fauver des châtimens qu'elle a mérités & mérite ».

Extrait d'une lettre en date du dimanche 11 décembre 1791.

« J'attends des nouvelles du fuccès de la reine à l'opéra, vendredi. Il doit avoir été complet, nous ayant été annoncé, il y a deux mois & demi. Nous prions bien Dieu, &c.

Lettre écrite de Milan, le 27 avril.

Je ne puis, mon cher ami, vous donner une auffi bonne nouvelle que celle que nous avons reçue, il y a trois jours, par la voie des courriers extraordinaires expédiés de Paris à Turin, & de Turin à Milan, qui nous ont appris que l'affemblée nationale a décrété, le 16, que la guerre fera déclarée au roi de Hongrie. Elle a donné bêtement dans le panneau, & c'eft tout ce qui pouvoit nous arriver de plus heureux. Elle nous a véritablement fervis à fouhait; & lorfque vous monterez à la tribune, je vons prie de remercier de ma part nos imbécilles légiflateurs; ils viennent de fe mettre la corde au cou. S'ils avoient été plus modérés, ils auroient eu du répit jusqu'à l'élection de l'empereur, car ce n'eft qu'a

près cette élection qu'on devoit vous attaquer à' raifon de l'infradión des traités & de la léfion des droits des princes de l'empire poffeffionnés en Alface. Ce délai eût été par trop long. Les Jacobins, par leur faute, nous tirent d'embarras, & nous rapprochent du dénoûment, en forçant toutes les puiffances à réunir & à déployer leur force contre les factieux & les fcélérats qui tyrannifent la France. Il faut efpérer que juftice fera bientôt faite de ces derniers, & que leur châtiment fervira d'exemple à tous ceux qui feront tentés de renverser les trônes & de troubler la paix des empires, Vous pouvez compter fur cent cinquante mille hommes, au moins, tant Pruffiens `qu’Autrichiens & Impériaux.

Les émigrés peuvent former une armée de 20,000 hommes. Le roi de Boheme ira bon jeu & bon argent. Les deux Colloredo auxquels il a donné fa confiance, font bien difpofés. Nous pouvons nous paffer de Kaunitz. J'ai traversé la Suiffe : j'y ai vu par-tout le mème efprit d'ariftocratie pour ce qui regarde les affaires de France, même dans les cantons démocratiques, tels que Schwitz, Underwald & Uri : il n'y a de fufpect que les petits cantons de Bale & Schattoufe. Le premier eft généralement méprifé dans le refte de la Suiffe. Les cantons vont tenir leur diète générale, & font très-portés à accéder à la demande de l'Efpagne, qui prendra à fa folde & à fon fervice tous les régimens catholiques qu'on pourra lui donner, & cédera au roi de Sardaigne les régimens proteftans, qu'elle paiera jufqu'à ce qu'on puiffe les rendre å la France.. Par-tour, & fur-tout en Suiffe, j'ai vu les Jacobins & l'affemblée nationale en exécration. Il y a quelques démocrates à Milan, mais qui n'ofent pas montrer le nez. On eft ici dans la plus grande défiance; on parle de congédier tous les Français. Il y a dans le Milanais onze mille hommes de vieilles troupes qui ont fait la dernière guerre il vient d'arriver encore deux régimens, & on en attend d'autres. Les troupes autrichiennes entreront dans le Piémont à la première réquisition du roi de Sardaigne, qui en aura befoin pour garder les états lors de fon expédition en Provence; car je crois que c'est là qu'il vous attaquera. Il a fait arrêter en dernier lieu à Alexandrie le fieur de Sémonville, envoyé à Gênes, qui, par ordre de l'aflemblée nationale, fe rendoit à Turin pour fommer fa majefté de s'expliquer cathégoriquement dans l'efpace de trois jours. Peut-être l'a-t-on fufpeé de plus noirs projets. De quoi n'eft pas capable un Jacobin? L'Espagne eft en melure, & ne pourra plus temporifer. La Catalogne eft pleine de troupes; l'armée de terre fera appuyée d'une flotte, & pour caufe. On affure que les corps francs ruffes, au nombre de huit mille hommes, font embarqués fur la mer noire, pour venir joindre les Efpagnols. On fait des préparatifs dans, un port pour les recevoir. Je ne fais rien de la Suède. La ville de Marfeillee, ou le club des Jacobins, a voulu introduire la pefte à Barcelonne par le moyen d'un bâtiment expédié ad hoc. Le complot a été découvert, le navire coulé pendant la nuit dans le port, & ceux qui le montoient arrêtés & mis en prifon. Le fait eft atroce je fouhaite qu'il ne foit pas vrai. Des régimens efpagnols, en garnison fur nos frontières, ont été corrompus; on les a fait rentrer dans l'in térieur du royaume, & la majeure partie des officiers a été caffée. I a gazette milanaife d'hier dit qu'en Hollande on a des inquiétudes fur Pimpératrice de Ruilie, parce que le courrier de Petersbourg n'est

pás arrivé, & que le roi de Pruffe eft affez malade. Eft-ce que les Jacobins auroient juré la mort de tous les fouverains de l'Europe? L'abbé Maury eft nommé nonce à Francfort. Il fera enfuite cardinal, & pourra jouer un très-grand rôle. Le roi d'Efpagne a exigé le renvoi de Coblentz de madame Folaftron de Balbi. Celle-ci va à Rome, & a défenfe de s'arrêter plus de vingt-quatre heures à Turin. Dans les états du pape, on ne veut que des François connus ; & bien l'on fait. Je viens de faire écrire à Rome pour être recommandé à Bologne par le cardinal-miniftre. Je pars aprèsdemain de Milan, & je ferai à Bologne mercredi ou jeudi; j'y refterai jufqu'à la fin de nos troubles. Je vous prie de m'y donner de vos nouvelles fous l'adresse de M. fans autre qualité.

Gare aux affignats. La banqueroute commencera par là. Rétabliffément des parlemens, des évêchés & cathédrales, punition des coupables. Tant pis pour ceux qui ont acheté les biens du clergé. Concile rational pour la dépofition des archevêques & évêques.. Les intrus a Bicêtre. Mille complimens à nos amis. Bon courage; adieu je vous embraffe de tout mon cœur ».

Lettre trouvée dans les papiers de M. Delaporte, intendant de la lifte civile.

"Je fuis bien content du papier à deux liards, mon bon ami: il eft plus près de l'oreille du peuple, que le Journal de Gau thier, & n'eft point ordurier comme lui. La converfation du café demande trop de connoiffance des différentes fectes, pour que les gens d'ici y entendent rien; mais elle doit faire effet dans les cafés de Paris.

» Courage, mon ami! courage! je voudrois bien vous aider, mais je fuis fans verve; l'indignation qui s'eft emparée de moi a éteint tout ce que j'avois de gaîté: encore, fi elle pouvoit me fournir quelque gros farcaríme! mais elle m'abrutit.

"Je ne puis vous dire combien vous m'avez fait de peine en me mandant qu'on fe difputoit à Worms, pour favoir fi on tiendroit des étars-généraux en règle, & fi on formeroit ou une chambie

ou deux.

"Ces gens-là font fous. Preffez-vous de leur faire favoir, de manière ou d'autre, car je n'ai point de correfpondance là, que....

Ils n'ont qu'un parti à prendre; c'eft celui d'une proteftation générale, même contre la manière dont M. Necker avoit fait former les affemblées primaires, pour parvenir à celle des étatsgénéraux. Tout a été vicieux, tout eft parti du principe que, pour bouleverfer l'état, il falloit rendre la populace maîtreffe. C'eft une furprife faite à la nation, dont il faut la venger, en rejetant le mal, fur fon auteur.

Si les états-généraux étoient illégaux, s'ils tenoient leurs pouvors de la populace, comment les députés émigrés peuvent-ils agir comme repréfentans de la nation? Mais ils font plus que fuffifans pour protefter coutre tout ce qui a été fait en partant du principe.

Le fimulacre de parlement affemblé à Worms recevra la proseftation, en fera regiftre; &, fur conclufions, prononcerà la aullité.

"Pour achever de dénouer efficacement ee neeud gordien MM. d'Artois & de Condé tireront leurs fabres. Faffe le ciel que la lame n'en brille qu'à la frontière, que la frayeur s'emparant des Parifiens, ils fe jettent aux genoux du roi, pour le prier d'écarter d'eux la tempête, & de propofer l'établiffement de fa déclaration du 5 juin, pour termé à tous les différends qui mettent l'Europe en mouvement.

"Vous difpofez d'une preffe faires imprimer & répandre une adreffe aux émigrés, qui les décide à prendre ce parti, le seul qu'ils puiffent raifonnablement fuivre.

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"Je reçois, dans ce moment, le petit papier à deux liards, où, il eft queflion de la lie. Cela va à merveille. Si la banqueroute des trois millions s'effectuoit la contre- révolution pourroit faire un pas de géant; mais fi dans le tas de papiers dont Paris eft,. inondé, il s'en trouve un expofé à banqueroute par la friponnerie, ou inconduite d'un bureau, trois millions font trop peu de chose pour que la confrérie de l'agiot ne faffe pas un facrifice pour arrêter fa ruine totale. Voilà ce qui fait que votre nouvelle, toute vraie qu'elle puiffe être, ne fe vérifiera pas.

"Je vous prie de faire rendre, fans frais, une lettre que je, vous adreffe pour la rue Coquillière.

"Aimons-nous & redoublons de zèle pour la caufe de Dieu & celle de nos pauvres maîtres ».

La fuite au numéro prochain.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Suite de la féance permanente du 10 août 1792.

Jeudi 16, à fix heures du foir. Sur une motion de M. Cambon, l'affemblée a décrété l'impreffion du tableau des dons patriotiques qui ont été dépofés fur le bureau.

M. Berthelot, huiffier de l'affemblée, chargé de l'exécution du décret qui ordonne l'appofition du fcellé chez le fieur Montmorin, a rendu compte de fa miffion. Montmorin & fa famille étoient partis depuis vendredi. On a trouvé beaucoup d'armes chez lui.

Sur la motion de M. Cambon, le comité des finances a été chargé de faire un rapport fur la vente des bijoux & diamans de la couronné.

Beaucoup de citoyens de Paris & des départemens viennent prêter le ferment de l'égalité; des lettres de plufieurs adminiftrateurs de directoires expriment les mêmes fentimens, entre autres, des Vofges & de la Charente, de Saone & Loire.

Sur une pétition de M. Caigrand fils, convertie en motion par M. Loriffon, il a été décrété que les droits féodaux & feigneu"riaux de toute efpèce font fupprimés, excepté ceux pour lefquels il fera prouvé, par titre primordial, qu'ils ont été établis " par conceffion de fonds ".

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On a lu une lettre du général Cuftine, qui fe plaint de ce que, le dernier ministère lui a enjoint de quitter fe pofte de la frontière

on if et pour venir au cap de Soillons. Ce général mande qu'il croit être plus utile à Landal place qu'il avoit trouvée démante-, lée en y entrant, & qu'il vient de faire mettre en état de défente; après quoi il annonce qu'il a repouté l'ennemi qui s'étoit approche a 1500 toiles de cette, ville. On a renvoyé la lettre de M. Cuftine au comité.

Les citoyens fédérés des quatre-vingt-trois départemens, ont ifffit Patfemblée, par une adreile, que le dimanche fuivant ils feroient rendre des honneurs funèbres à la mémoire des hommes du 12 août 1792, qui ont péri en combattant devant le château' des Tuileries. L'affemblée a décrété qu'elle enverra à cette céré-; monie une députation de quatre membres.

Sur la propofition d'un membre du comité militaire, l'assemblée décrète qu'il fera adjoint à tous les bataillons de volontaires une compagnie de canonniers, & que le miniftre de la guerre avancera les fonds néceffaires à la fonte des canons qui feront attachés aux bataillons qui n'en ont pas.

Un membre du comité de légiflation a fait le rapport de l'affaire de MM..Jouneau & Grangeneuve. Le comité ne voyant qu'un délit de police correctionnelle, propofoit d'y renvoyer M. Grangeneuve en décrétant qu'il n'y avoit pas lieu à accufation contre M. Jouneau. Un membre a obfervé que ces actions mêmes ne peuvent être intentées fans un décret d'accufation, & M. Lafource' propose la rédaction fuivante : L'affemblée nationale confidérant qu'aucune pourfuite ne peut être faite contre un de fes membres même par-devant la police correctionnelle, fans un décret d'accu fation, décrète qu'il y a lieu à accufation. Cette propofition obtient la priorité; elle est décrétée.

Vendredi 17, à fept heures du matin. Différens pétitionnaires font venus demander que l'affemblée mît promptement en activité le tribunal deftiné à prononcer fur les crimes du 10 août.

M. Hérault, membre du comité de légiflation, étoit chargé du rapport relatif à la formation du tribunal criminck, attendu par les citoyens de la capitale. Il fe préfente à la tribune, & lit un projet de décret qui eft adopté fans difficulté.

1. Il-fera allemblé un corps électoral à Paris pour la formation d'un juré de jugement & d'un juré d'accufation, pour prononcer fur les crimes commis dans la journée du 10 août 1792, circonftances & dépendances. 2°. Ce tribunal fera compofé de huit juges, huit fuppléans, deux accufateurs publics, quatre greffiers, huit commis-greffiers, deux commiffaires nationaux nommés par le pou-, voir exécutif. Le tribunal fe partagera en deux fcctions, les deux plus anciens juges préfideront. 3°. Les procédures s'inftruiront fuivant la loi du 29 feptembre 1791. 4°. Il fera fourni,, pour l'af-. femblée électorale, un électeur par chaque jection. Le plus ancien préfidera l'aflemblée électorale; les trois fuféquens en âge feront fcrutateurs, les deux plus jeunes feront fecrétaires. 5°. Le procuseur de la commune convoquera fur le champ les fections, pour nommer les électeurs. 6°. Quand les électeurs feront réunis à la commune au nombre de trente-fix, ils commenceront leurs opérations. 7. Les électeurs nommeront fept directeurs du juré. Les quatre plus anciens d'àge formeront un tribunal, qui, près du juré d'accufation & de jugement, fera les fonctions de tribunal crimi-: ne!. 89. Pour ture élu directeur du juré, il faudra avoir exercé

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