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relle, d'appeler la force publique, de fe faire conduire au corps-de-garde, d'où l'on érot transféré au bureau central des juges de paix: là, les foldats d'Angremont fe faifoient reconnoître à certains fignatix te juge de paix les relachoit, & le patriote étoit précipité au fond des cachots.

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La nuit ces mêmes fcélérats avoient la permiffion dé voler & d'affaffiner en détail: la plupart des vols & des meurtres qui ont été commis pendant' Phiver ne proviennent que d'eux; & s'ils n'ont pas été punis, c'est que les juges de paix étoient payés pour les fouftraire à la loi.

Mais ces vols, ces affafinats partiels 'he s'exérçoient qu'en attendant ce qu'ils appeloient le grand coup Dans les ténèbres d'une nuit indiquée, ces brigands raffemblés devoient à la même heure, au même inftant, fe gifler ou entrer de force dans les marfons de tous les défenfeurs du peuple; ils devoient les égorger, s'emparer des poftes de la garde nationale, empecher les citoyens de fe réunir, & à un certain fignal donné appeler fous les drapeaux du roi plus de 46 mille fcélérats comme eux, qui étoient venus à ce deffein du fond des départemens, & qui; joints aux chevaliers du poignard, à l'état-major de la garde nationale, & au régiment des gardes-fuiffes devoient faire, & auroient infailliblement fait la contre-révolution dans Paris.

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· Telle est l'hiftoire de cette partie de la confpiration telle eft celle du fcélérat qui devoit la faire exécuter. D'Angremont eft donc Fun de ceux fur la vie defquels le peuple avoit le plus de droit; d'Angrémont appartenoit au peuple dès l'inftant de fon arreftation; mais admirez la prudence & l'exceffive bonts de ce même peuple, qu'on ne calomniera' plus déformais fans mériter la mort. Le peuple avoit vaincu, fes magiftfats l'avoient prié de fufpendre fa vengeance, il avoit le droit de mettre en pièces le chef de fes affaffins..... Mais non, il ne fe contenta pas d'être jufte, 'il voulut fe montrer tel à l'univers, & demanda lui-même qu'un juré national interrogeât le coupable, qu'il ne regarda plus que comme accufé; il voulut que des juges impartiaux appliquaffent la loi au délit; il voulut enfin que d'Angrement luimême & tous les complices de la journée du 10 jouiffent des avantages communs de la déclaration des droits.

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La cérémonie de installation du juré populaire s'est faite avec une pompe, une grandeur, une impartialité dont l'histoire entière des rois & des empires n'offre aucun exemple. Les membres du juré, avant d'entrer en fonctions, fe préfentirent un à un fur une efpèce d'eftrade; & la, s'adrellant à une foule immenfe de cioyens, tous proférèrent fucceffivement ces mots: Peuple, je fuis un tel, de telle fection, demeurant dans tel endroit, exercant telle profeffion, avez-vous quelque reproche à me faire ? jugez-moi avant que j'aie le droit de juger les

autres.

*

Pendant que d'Angremont eût exécuté fon horrible projet, le fieur Papillon de la Ferté, colonel de la gendarmerie nationale, devoit employer une mefure bien plus étendue & non moins atroce: le plan de la cour etoit de le faire partir de Paris avec des détachemens nombreux à fes ordres, de lui faire parcourir, rapidement toutes les villes du royaume, afin d'y juger & faire pendre prévofalement tous les citoyens connus par leur patriotime. On a mis les fcellés fur les papiers de cet Infame, & le comité de furveillance de la ville, entre autres pièces, y a trouve une life de profcription con, tenant les noms de plus de trente mille citoyens des départemens, l'élite des enfans de la patrie.

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Voilà, Français, voilà ce qu'on appeloit la conftitutoute la conflitution, rien que la conflitution; cela fignifioit la mort des patriores, de tous les patriotes, rien que des patriotes: don, la cour ne vouloit égorger qu'eux, mais elle vouloit les égorger tous, pour ne régner que fur des elclaves.

Ces découvertes ne laiffent pas de doute fur le fens des lettres du traitre Mottier. D'accord avec la cour, d'accord avec Coblentz, d'accord avee Vienne Ber fin & Pétersbourg, ce méprifable valet de tant de transi vouloit noter, aux yeux de la France & de l'Europe, tous les amis de la liberté comme des factieux, des ennemis de l'ordre, des hommes dangereux au peuple; il vouloit, ainfi que Brunswick, que le peuple. abandonnât lui-même fes ardens, défenfeurs; il elperoit abufer à ce point un peuple qu'il n'apprécioit pas; enfin, il croyoit égarer l'armée, cette armée toute compofée de foldats citoyens, & lui faire tourner, fes armes contre la liberté, fous prétexte de ne combattre que des factions.

Que cet homme a fait de mal à la France! qu'il a com mis de crimes pendant le cours de fa vie politique! que fon nom doit être en horreur à quiconque n'est pas né efclave de la tyrannie! Enfin, il a fui le fol de la liberté il a purgé notre terre de fa présence, il l'a quittée après avoir commis de nouveaux attentats: fa facrilege audace a été jufqu'à faire arrêter des repréfentans du peuple, jufqu'à fe retrancher en ennemi dans une de nos villes, jufqu'à exciter fon armée à une lâche défertion, jusqu'à eflayer de l'engager dans des défilés pour la faire impitoyablement égorger par les foldats d'Autriche. Monstre à nul autre pareil, compofé bizarre d'ambition & de baf feffe, être digne à la fois de mépris & d'exécration, va, nous te haïffons plus encore pour le mal que tu nous a voulu faire, que pour le mal que tu nous as fait ! Où portes-tu tes pas ? vastu à Coblentz ? vas-tu en Amérique? ou bien vas-tu à Londres, où le congrès des tyrans doit, dit-on, s'assembler, avant un mois pour délibérer fur le fort d'une nation qui les brave tous ? Quelque part que tu portes tes pas, tu y trouveras l'ignominie déformais attachée à ton nom & peut-être la jufte rétribution de tes forfaits. Mais c'eft ici qu'il faut que ton fupplice commence; c'eft dans cet empire qu'il faut enfin qu'on te rende juftice. L'affemblée nationale doit ordonner que ten effigie demeure éternellement placée dans un coin de la place du Carroufel, & qu'il fera permis à tout citoyen d'aller te confpuer en figne de mépris; elle doit ordonner que ta maifon foit ralée jufque dans fes fondemens; elle doit décréter que le premier traître qu'on convaincra du crime de haute trahison fera condamné, non pas à mourir, mais à la peine cent fois plus terrible de porter toute fa vie le noin de Lafayette.

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Si le fort de la révolution du 10 août a paru balancer un inftant, fi nos fidèles armées ont été calomniées quelques jours, fi les Parifiens ont pu croire un moment qu'elles marchoient vers Paris, c'eft encore à Lafayette qu'on doit ces pénibles erreurs; il avoit dénaturé les faits de la plus belle, de la plus mémorable journée; il avoit trouvé l'art d'intéreffer à lui tous les généraux commandant avec lui ou fous lui; l'état-major de toutes nos armées n'étoit, prefqu'en entier, qu'un affemblage de confpirateurs & de complices de La

fayette. Examinons fa conduite, examinons celle de Dillon, de Luckner, de Montefquiou, & nous verrons que par-tout elle est à-peu-près la même : même altération des faits, même ferment d'obéiffance au roi, même reius de reconnoître la fouveraineté exclufive de la nation; voilà comme des généraux, deftinés par Louis XVI à combattre les Autrichiens, fe font comportés dans cette fublime circonftance; mais d jà le pouvoir exécutif national a deftitué Luckner, déjà le corps législatif a fufpendu Dillon, & bientôt Monteiquiou sera deftitué à fon tour. Que Dillon ne s'attende pas non plus qu'un pouvoir exécutif nommé par les représentans du peuple, réhabilite jamais celui qui, à la première af femblée conftituante, étoit devenu l'émule de Cazalès & de Maury. Quant à Luckner, il eft bon qu'on fache qu'un de fes fils eft officier général dans l'armée des Autrichiens, & qu'il a lui-même, lui en perfonne, fait de coupables tentatives pour faire prêter à fon armée le ferment d'obéiffance au roi. Qu'êtes-vous, difoit - il aux officiers & foldats? qu'êtes-vous, finon par le roi? Ceft lui qui nous a fait ce que nous fommes; c'eft lui qui m'a fait ce que je fuis; c'est à lui que je dois tout même ce cheval fur lequel vous voyez votre général; c'eft notre bon roi qui me l'a donné. Après cela, après le fouvenir des vacillations perpétuelles de ce vieillard, plus qu'imbécille, qui ofera dire que le confeil exécu tif n'a pas bien mérité de la patrie en le deftituant de fes fonctions & de fon grade de général? Quant à nous, nous disons au contraire que le pouvoir exécutif ne doit pas borner là fa juftice. La chaîne des confpi rateurs eft immenfe; il y en avoit autant en France, qu'il y avoit de ces hommes qu'on nommoit Feuillans : or, prefque tous les officiers nommés par le ci-devant roi étoient pris dans cette claffe, & il faut que le confeil exécutif, d'accord avec le pouvoir légiflatif, les def titue tous, oui, tous, nul excepté; un grand peuple ne doit pas confier fes deftinées au repentir. Si nous avons pensé être victimes d'un grand complot, fi la cour étoit venue à bout d'intéreffer dans cette conjuration tous les agens nommés par elle, foit au civil, foit au militaire, c'eft-à-dire, plus de dix mille perfonnes payées pour préparer ou exécuter une contre-révolution, ce n'eft pas aflez d'avoir anéanti cette cour; il faut brifer jufqu'au

dernier des inftrumens qui lui ont fervi, & le confeil exécutif provifoire nous montrera qu'il eft digne de notre confiance, en adoptant ces mefures impérieufes dictées par le falut du peuple.

Nous voudrions bien refpirer un inftant, nous voudrions bien jouir quelques heures de la contemplation de notre victoire, mais le temps de la jouiffance n'est pas encore arrivé. Courage, Français ! courage, légiflateurs! courage, magiftrats chargés de l'exécution de la volonté du peuple! Encore quelques mois de travail; faifons de bonnes élections, formons une bonne convention nationale, châtions tous les traîtres, expulfons tous les hommes fufpects, & dans peu de mois nous aurons complétement vaincu chez nous; & quand nous aurons vaincu chez nous, dans le centre nous aurons vaincu fur la frontière. Le fiége des Tuileries a déjà produit feul plus d'effet que n'auroient pu faire deux grandes victoires remportées dans la plaine.

Louis XVI. & dernier au Temple.

Ce que nous appelions la révolution du 14 juillet 1789, n'en eft plus une depuis le 10 août 1792. Qu'avionsnous fait? La conquête de la Baftille & la déclaration des droits de l'homme; nous avions mis bas la noblefle & enlevé au clergé des biens mal acquis; nous avions pris les armes pour ne plus les pofer; mais loin de porter la coignée à la racine du mal, nous avions non-feulement confervé la royauté, mais encore nous l'avions rendue conftitutionnelle, de précaire & d'illégale qu'elle étoit auparavant.

Assurément à voir Louis XVI & fa cour au château de Verfailles la veille encore du 5 octobre 1789, &`au château des Tuileries jufqu'au 10 août 1792, on ne fe feroit jamais douté qu'il y avoit une révolution férieuse en France. Sous le miférable prétexte de donner plus d'eclat à ce qu'on appeloit l'empire français, le premier fonctionnaire public étoit toujours refté un demi-dieu dont le culte coûtoit une quarantaine de millions, c'est-à-dire, jufte la moitié du culte falarié qu'on rend encore au Dieu des prêtres conftitutionnels.

Nous favions bien, nous favions tous que Louis XVI

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