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» où il fera prifonnier dans le camp. ennemi; voulant, fon alteffe, tuer tous les Français qui laifferont paffer » le roi, s'il vouloit fortir de Paris avant d'avoir une » escorte pruffienne ». Cette bravade germanique cadre parfaitement avec le bruit répandu ici que les Pruffiens y font attendus pour le 25 août, fête de Saint-Louis, d'heureuse mémoire. On fait déjà que la cour a fait préparer des logemens, des magafins, des approvifionnemens pour les recevoir; tous les foins des environs de la capitale, tous les chevaux de Paris font accaparés pour leur fournir une cavalerie auxiliaire, &, felon les calculs des Autrichiens d'Allemagne, de Coblentz, des Tuileries & du manége, tout eft prêt, tout prévu pour ce vafte deffein. Paris, attend Brunswick, Brunswick part dès demain ; mais le fort fecondé par l'adreffe patriotique de quelques députés à l'affemblée nationale, n'en auroit-il pas décidé autrement? Et le décret vraiment grand, vraiment national qui accorde une récompenfe aux foldats autrichiens & pruffiens qui déferteront les drapeaux de la tyrannie ne dérangera-t-il pas les calculs de M. de Brunswick ? L'affemblée conftituante, dans les jours de fa gloire, n'a jamais rendu de décret auffi honorable à l'humanité que celui qui appelle à nous les déferteurs des armées ennemies. On ne fauroit, dit Montefquieu, acheter la liberté trop cher; & par l'effet de ce décret, nous l'achetons pour rien, pour de l'or, pour un vil métal qu'on ne prife plus quand on aime la liberté.

Ce n'eft pas que ce décret eût été rigoureusement néceffaire pour décider beaucoup d'Allemands à la défertion; le défir de la liberté eft fi naturel aux hommes, que même avant d'être alléchés par aucune efpèce de récompenfe, beaucoup d'Allemands & de Pruffiens étoient déjà venus fe jeter dans les bras des Français; & qu'il eft notoire en Europe que des régimens; des armées entières y feroient paffées, fi la cruelle perfidie de leurs chefs ne leur avoit infinué que les Français étoient des Cannibales qui dévoroient, qui mettoient en pièces tous les étrangers qui fe préfentoient chez eux. Les deux traits fuivans, qui font tous deux atteftés par des témoins oculaires, vont prouver au lecteur la vérité de cette mancuvre ennemie.

Le 24 juin, un Hulan égaré, qui parloit un peu fran

çais, rencontre plufieurs pay fans qui alloient à Maubeuge; & leur demande cù il étoit : vous êtes fur terre de France, & à trois quarts de lieue de Maubeuge, lui répondit un d'eux; & auffi-tôt le Hulan fe mit à pleurer amèrement: les payfans étonnés lui demandèrent ce qu'il avoit. Ah! dit-il, moi être pendu & coupé par morceau, pouvoir pas m'échapper, & Français ne pas faire grace à moi. N'ayez pas peur, on vous a trompé ; venez avec nous à Mau-: beuge, & vous y ferez bien reçu. Il fe laiffe perfuader, defcend de cheval,&arrive à la ville avec eux ; les foldats de garde à la porte: l'accueillent avec amitié ; on lui ôte feulement fes armes, & les officiers lui difent qu'il eft maître d'aller où il voudrà. Quoi ! dit ee Hulan extrémement furpris: Emmener mon cheval, le vendre pours moi, & aller où je voudrai. Oui, mon camarade; aufli-tôt il fe met à fauter, & entre dans un accès de joie bur lefque qui divertit beaucoup les fpectateurs.

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L'autre trait eft encore plus marquant. Les prifonniers qui ont été faits dans l'affaire fous Maubeuge, pendant! Pabfence, de M. Lafayette, furent amenés fur la grande place de cette ville; ils avoient l'air fi trifte qu'ils fai foient pitié, & foldats & citoyens s'empreffèrent de leur offrir des rafraîchiffemens, les uns de la bière, les autres de l'eau-de-vie, & mêine du vin, mais ils refufoient: obitinément d'en goûter; tandis qu'on fe demandoit les uns aux autres la caufe d'un refus fi fingulier, un foldat s'avifa de boire un peu de la bière qu'il offroit à un Hulan,: & lui préfenta après; celui-ci la but auffi-tôt, & tout le monde ayant fuivi cer exemple, ils acceptèrent tout ce qu'on leur offrit avec reconnoiffance on vit la joie, fe répandre fur leur vifage, & ceux qui parloient un peu notre langue, répétoient fouvent: Braves Français on nous avoit dit que vous étiez bien méchans, tandis que vous és bien bons. On les mena enfuite dans une grande églife, où on leur donna tout ce dont ils pouvoient! avoir befoin. Il n'y avoit pas une heure qu'ils y étoient qu'on entendit beaucoup de bruit; la garde s'y tranf porta, & on les trouva qui roffoient fix de leurs, camarades à grands coups de bottes, difant que c'étoient eux qui avotent dit que les Français égorgeoient tous les prifonniers; on eut bien de la peine à les leur ôter des mains, & pour les fouftraire à leurs coups on les mit dans un lieu féparé."

N°. 161. Tome 13.

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Eft-il étonnant, après cela, que les Hulans, les Tyroliens aient mis tant d'acharnement contre les Français ? Et-il étonnant que les défertions n'aient pas été plus fréquentes, fur tout quand on fait attention que quelquesuns de nos généraux, au lieu de les favorifer, rudoyoient & repouffoient méchamment les délerteurs. Témoin Lafayette, qui répondit à l'un d'eux qui lui demandait du fervice: allez, mon ami, retournez dans votre pays, nous n'avons pas befoin de vous.

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Mais depuis que le décret eft rendu, les papiers publics ne retentiflent que du bruit des défertions. On écrit de Valenciennes que 120 Autrichiens viennent de s'y rendre avec armes & bagage; le 3 août il en est arrivé25 au camp de Maulde, it en arrive journellement dans toutes les places frontières, & fi nous ne fommes pas de nouveau trahis par nos généraux, ou bien fi nous avons la prudence & le courage de nommer d'autres généraux, nous conquerrons la liberté fans coup férir. Déjà l'armée autrichienne eft en in urrection, déjà les Pruffiens ont dit hautement qu'on les avoit trompés fur l'état de la France, déjà les villes de Mons & Tournay ne font plus contenues que par la force & la cruauté des chefs militaires, déjà on répand que le général Beaulieu est mort victime de fa féroce obé flance à la maison d'Autriche & du cabinet des Tuileries; & quand il feroit vrai qu'il y eût un peu d'exagération dans ces nouvelles, toujours eft-il qu'elles ne font pas fans fondement, & que l'horifon politique de Coblentz commence à fe brouiller. Les majeftes impériale & pruffienne ne font pas tombées d'accord fur la part qu'elles vouloient refpectivement fe faire dans le démembrement projeté de l'empire français, & l'on affure qu'elles font retournées chacune chez elles, fans être extrêmement contentes de leurs difpofitions refpectives. Ce font des brigands qui fe battent entre eux pour le partage d'un butin qu'ils n'ont pas encore.

Quoi qu'il en foit, nos troupes qui ne font pas les complices de leurs généraux, fe battent en attendant de manière à faire renoncer le duc de Brunsw ck à son projet de célébrer en France la fête de Saint-Louis. Les délerteurs qui font arrivés au camp de Maulde le 3 août, ayant déclaré au général que nos avant-poftes devoient être égorgés dans la nuit par 1200 Autrichiens, le général a

bien traité ces 25 nouveaux Français, mais il les a fait garder à vue.

Sur l'avis qu'ils lui donnoient, il a placé en embufcade, pendant la nuit, quatre bataillons avec des canons chargés à mitrailles. A deux heures du matin, un -bruit fourd a annoncé la marche de la troupe ennemie. On 'a laiffé venir à belle portée: elle s'avançoit dans le filence de la nuit; tout-à-coup ce filence eft rompu par une volée d'artillerie & de moufqueterie. Cette première décharge, appuyée à brûle-bourre, & fuivie d'une autre attaque foudaine & non moins terrible, a jeté la mort & l'effroi parmi les ennemis.

Ils fe précipitent en défordre les uns fur les autres ils fuient; leurs capitaines veulent en vain les rallier; ils courent, laffant facs, fufils & gibernes.

Le général a fait apporter au camp 20 chariots d'Autrichiens bleffés. Il a été fait beaucoup de prifonniers, On a pris quinze chevaux d'officiers. Le nombre des morts eft confidérable.

On écrit encore du camp de Maulde que depuis longtemps on défiroit couper des haies, des faules & autres arbres du village de Bleharies, qui donnoit facilité aux Tyroliens de tirailler toute la journée fur le village de Maulde, & fur les champs qui terminent le front du camp.

Le 4 août, il étoit arrivé au camp trois chaffeurs ennemis; ils avoient propofé d'être les conducteurs d'un détachement qui pourroit aller enlever à Maubray, à une lieue & demie de Mortagne, le capitaine de leur compagnie, qui cantonnoit dans une grande ferme. M. Duinourier crut devoir lier ces deux petites entreprifes pour en fáciliter l'exécution, en occupant à la fois l'ennemi des deux côtés de l'Escaut. MM. Moreton & Bournouville virent auffi, dans cette double expédition, l'avantage de faire, de celle de Bleharies, une promenade inftructive, & de celle de Maubray une leçon pour la petite guerre, en même temps pour faire courir moins de rifques aux troupes, & pour y faire participer plus de monde. M. Dumourier fit de très-gros détachemens. Celui avec lequel on eft forti fur Bleharies, commandé par M. Bournouville, étoit de 250 Belges, le premier bataillon de flanc de Paris, & la première brigade de la deuxième divifion,

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avec deux pièces de canon & 50 dragons; il eft forti à une heure & demie du village de Maulde pour tourner Bleharies, & prendre tout ce qui fe trouveroit de Tyroliens & de dragons.

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Ce mouvement a été parfaitement exécuté au clair de la lune mais une erreur inexplicable entre le premier bataillon de Paris & le foixante-dix-huitième regiment, a fait éprouver à nos troupes la perte de cinq hommes. Il y a eu auti quelques bleffés. Heureufement l'erreur a été bientôt réparée, & les cinq. bataillons, ainsi que les Belges, fe font rangés en bataille au-defius de Bieharies dans un très-bel ordre; mais la petite fufillade de nos gens a donne l'alerte aux Tyroliens & aux dragons de la Tour, qui ont eu la facilité de fe fauver. Néanmoins le refle du projet a été rempli.

On a éclairci les haies, & coupé les gros arbres de Bleharies & de la ferme du même lieu; après l'avoir fouillé ainfi que Rougy & les bois de Chomey, la troupe eft rentrée à six heures du matin dans le meilleur ordre..

Le détachement que le général Dumourier avoit chargé de l'expédition de Maubray, commandé par un excellent officier, le deux ème lieutenant-colonel du premier bataillon de Paris, étoit compofé de 50 Belges, un maréchal des logis & douze maitres, une compagnie de grenadiers du premier bataillon de Paris, & de huit com-pagnies de la première brigade de la première divifion. Il est parti à dix heures du foir de Mortagne, eft arrivé à la ferme de Morles, près Maubray, pallant au travers des poftes ennemis fans être apperçu, a emporté de vive force cette ferme, où il a tué un lieutenant & dix Tyroliens. Il eft revenu par une autre route à travers le bois de Mortagne, n'ayant perdu qu'un grenadier & deux volontaires, & ramenant trois prifonniers & douze che

.vaux.

De fon côté, le général Luckner mande de Wiff: mbourg, le 4 août, que MM. Biron & Cuftine s'étant portés en avant de Landau, un régiment de dragons de l'avant-garde, commandée par M. Cuftine, a rencontré .400 huffards hongrois; & les a taillés en pièces.. Notre régiment a perdu de 20 à 25 dragons, dont un officier. Les deux généraux ont reconnu que s'ils avançoient

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