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Français en Savoie

LA
BATION

68.

Le 23

bre

Les Français sont entrés victorieusement à Chambery. Le Peuple Savoisien est venu au devant d'eux et leur a prodigué les témoignages de fraternité et d'allegresse.

Le confeil exécutif a fait fagement, fans doute; de rappeler les commiffaires qu'il avoit envoyés dans les départemens. Cette mefure générale étoit la feule qu'il pût prendre pour prévenir de grands maux cependant s'il eft beaucoup de ces commiffaires qui aient prévariqué, il en eft plufieurs auffi qui ont rendu de grands fervices, & qui peuvent en rendre encore. Nous avons le plaifir d'en connoître deux parmi ces derniers. A la réception de l'arrêté qui les rappeloit, nous avons vu les bons citoyens s'alarmer de leur départ, & fe difpofer à les redemander au confeil exécutif. D'après ces faits, nous invitons les patriotes des villes fe trouveroient des commiffaires zélés autant que fages non pas de ceux qui ont porté atteinte à la sûreté des perfonnes, & violé les propriétés, mais de ceux qui ont rappelé à leur devoir les corps adminiftratifs égarés ou malveillans, qui ont éclairé la conduite des chefs, qui ont prêché l'union aux citoyens, & fait aimer la difcipline aux foldats; nous invitons, dis-je, à faire connoître aux miniftres ces hommes précieux, & à demander ou la coninuation de leurs pouvoirs, ou qu'il leur en foit donné de nouveaux, fi leur préfence eft encore utile dans les lieux où ils le trouveront. Il feroit poffible d'abufer de ce moyen de réclamation, mais l'erreur ne feroit pas de longue durée.

ARMÉE DU MIDI

Lettre du général Montefquiou au miniftre de la guerre. Au camp des Marches, le 23 feptembre 1792, l'an quatrième de la liberté, & le premier de l'égalité. « C'eft de Savoie, monfieur, que j'ai l'honneur de vous écrire; je vais vous rendre compte des premières opérations que je vous avois annoncées; elles ont eu un fuccès plus rapide que je n'avois ofé efpérer. Je vous ai inftruit que les Piémontais faifoient conftruire, à une portée de fufil de nos limites, vis-à-vis la gauche du feul débouché qui con1 duit en Savoie, trois redoutes dans un lieu connu fous le nom des Abimes de Mians. Ces redoutes prefque entiérement terminées, étoient au moment de recevoir le canon qui devoit, avec celui du château des Marches, établir un feu croifé fur le débouché de Chaperillan. Il n'y avoit pas un moment à perdre pour détruire ce moyen de défenfe, avant qu'il fût porté à un point de perfection qui au

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roit néceffité une attaque fanglante. En conféquence, j'ai donné erdre à M. Laroque, maréchal-de-camp, de marcher dans la nuit du 21 au 22, à la tête de douze compagnies de grenadiers, de douze piquets de quatre cents chaffeurs à pied, & de deux cents dragons. Le rendezvous de ces troupes a été à minuit à Chaperillan; elles y ont prêté le ferment de refpecter les citoyens défarmés & les propriétés du pays où nous allions entrer, d'être généreufes envers les ennemis qui leur rendroient les armes. Le détachement s'eft mis en marche fur deux colonnes, de manière à envelopper les monticules fur lefquelles étoient fituées les redoutes que je voulois détruire; & il devoit fe trouver poflé à la pointe du jour, de manière à couper la retraite aux Piémontais. Ces difpofitions ont été contrariées par le temps affreux qu'il à fait toute la nuit & la plus grande partie de la journée. Cet inconvénient qu'il n'avoit pas été poffible de prévoir, a retardé la marche du détachement, qui n'a pu être rendu avant le jour aux points indiqués, & les Piémontais ont eu le temps de fe retirer avant d'être entiérement enveloppés. L'objet principal a cependant été rempli; les trois redoutes étoient occupées par nos troupes avant fept heures du matin; tous les ouvrages, qui effectivement n'attendoient plus que le canon, & qui étoient prêts à le recevoir, ont été détruits dans la matinée. Il à été tiré quelques coups de fufils; perfonne n'a été blessé ; mais nous n'avons pu faire que trois prifonniers, dont un lieutenant de la légion Sarde.

» M. Laroque a conduit fon détachement avec autant d'ordre que d'intelligence, & les troupes ont montré la plus grande ardeur, ont obfervé le plus grand filence, la plus exacte difcipline, & fe font conduites, vis-à-vis des Piémontais, avec la générofité & le défintéreflement qui conviennent à un peuple libre. Il paroît que les Piémontais avoient établi tout leur fyftême de défenfive fur le pofte qui leur a été enlevé; car auffi-tôt qu'ils ont eu connoiffance de cette expédition, ils ont, avec la plus grande précipitation, évacué les châteaux des Marches, de Bellegarde, d'Apremont & Notre-Dame de Mians. J'ai pris poffeffion de ces différens poftes dans la journée.

J'ai porté hier au foir, en avant du château des Marches, deux brigades d'infanterie, une brigade de dragons, & vingt pièces de canon; j'ai fait marcher aujourd'hui deux autres brigades d'infanterie & une de ca

valerie, avec le refte de l'artillerie. La célérité de cette opération coupe en deux parties l'armée piémontaife, dont une moitié s'eft retirée fur Montmélian, tandis que l'autre eft obligée de fe replier fur Annecy. Je vais continuer de poufler tous les poites qui garnifloient la frontière depuis Aprémont jufqu'à Saint-Geniez, afin d'ouvrir le paffage à l'avant-garde que j'avois laiffée dans cette partie aux ordres de M. Caza-Bianca; & j'ai lieu d'efpérer que la première lettre que j'aurai l'honneur de vous écrire fera datée de Chambéry.

» Au moment que j'ai l'honneur de vous écrire, Montmélian vient d'ouvrir fes portes. Il entre dans mon projet de porter une colonne fur la rive gauche de l'Isère, pour gagner Maurienne, & embarraffer la retraite des Piémontais; mais une crue fubite de l'isère ayant rompu hier le feul pont que j'ai fur cette rivière, m'empêcha de remplir cette partie de mon projet, je n'y ai cepen dant pas renoncé; & fi, comme je l'efpère, le pont eft rétabli demain, j'effaierai demain de me mettre en mesure de pourfuivre l'arrière-garde de l'armée piémontaife, fi, comme je le préfume, elle exécute fa retraite; j'espère aufli que bientôt je vous annoncerai la prife de polletfion de tout le pays, au nom de la nation & de la li-, berté françaises, jufqu'au bord du Lac de Genève.

» J'aurai 'honneur de vous rendre compte, dans ma première dépêche, de l'état du magafin, des armes & des munitions dont je me ferai emparé. Les habitans nous ont reçus avec de grandes démonftrations de joie, & nous avons paru au milieu d'eux plus en libérateurs qu'en ennemis. Je ne pourrois trop me louer de M. Antonio-Roley, lieutenant-général, qui avoit préparé cette opération, & qui en avoit affuré le fuccès par les précautions les plus fages.

» Je me félicite de ce qu'un feul mouvement, heureufement combiné & exécuté avec précision, a épargné un fang précieux, & nous a procuré tous les avantages d'une victoire. Je vous rends grace., monfieur, de m'avoir pros curé cette manière de répondre à la calomnie; c'eft ainfi que j'aimerai toujours à la repouffer.

Signé, le général de l'armée du Midi, MONTESQUIOU ».

Chamberry, le 25 septembre.

« J'avois eu l'honneur de vous mander, monficur, que

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