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»vinces des Pays-Bas ». Déclaration de guerre provoquée par l'empereur lui-même, poftulée par Louis XVI, achetée des deniers de la lifte civile; voilà ce qu'on appelle encore un grief contre la France. La bonne foi du duc de Brunswick va même jufqu'à en trouver un fixième dans la retraite de' Courtray, de cette cité malheureuse que nos généraux lui ont abandonnée après en avoir été les maîtres.

« Quelques-unes des poffeffions de l'empire germanique » ont été enveloppées dans cette oppreffion, & plufieurs » autres n'ont échappé au même danger, qu'en cédant » aux menaces impérieufes du parti dominant & de fes » émiffaires ». Sans doute l'organe des rois entend par ces poffeffions de l'empire germanique, qu'il compare aux Pays-Bas, les biens féodaux que les princes allemands pollédoient en Alface & en Lorraine; mais comme ces mêmes biens font déjà l'objet du premier grief, il étoit inutile de le reproduire ici. Nous voyons donc que jufque là le duc de Brunswick n'a articulé que fix motifs de l'armement des puiffances étrangères; favoir, 1°. cette fuppreffion des droits féodaux ; 2°. le renversement du bon ordre; 3°. le trouble apporté à la puiffance illimi tée des rois de France; 4°. les prétendus outrages faits à la perfonne de Louis XVI; 5°. la déclaration de guerre au roi de Hongrie & de Bohême; 6°. la retraite honteufe de Courtray.

Sur le premier de ces points, nous obfervons que fi la France a fupprimé les droits féodaux dans toute l'étendue de fon territoire, fi elle les a fupprimés en Alface & en Lorraine, elle a offert une généreufe indemnité aux princes allemands poffeffionnés dans ces deux provinces; que l'on ne peut rien exiger de plus de fa loyauté, à moins de foutenir qu'elle n'avoit pas le droit de faire ces fuppreffions. Mais comme ces fortes d'actes tiennent effentiellement à l'exercice de la fouveraineté nationale, celui qui contefteroit à la nation française let droit de charger ou de décharger fon territoire à volonté, foutiendroit par là même que la nation n'eft pas fouveraine c'eft ce que prétend aujourd'hui le duc de Brunfwick. Il en résulte que le premier but de l'armement des rois eft de contéfter au peuple français l'exercice de fon indépendance & de fa fouveraineté.

Nous dirons fur le fecond point, que par ces mots

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renversement du bon ordre, le général de Coblentz n'en tend & ne peut entendre que la deftruction des parlemens, des bailliages, des prévôtés, des cours des aides. des chambres des comptes; la fuppreflion de la nobleffe & de la finance; partant de la chaffe, de la gabelle & de la corvée; partant des galères & de la peine de mort pour le meurtre d'un lapin; de forte que pour nous entendre fur ce point, & rétablir en France le bon ordre, à la manière de Coblentz, il ne faudroit rien moins qu'une contre-révolution générale & le bouleversement de tout ce qui a été fait jufqu'à ce jour.

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On peut dire fur le troifième qu'il feroit difficile d'expliquer ce qu'entend le fieur Brunswick par un gouvernement légitime. Nous avions penfé, jufqu'à ce jour, avec Jean-Jacques Rouffeau & quelques rêveurs de fon efpèce, que le gouvernement d'une nation n'étoit que fon pouvoir exécutif; que le gouvernement ou le pouvoir exécutif légitime étoit celui qui fe trouvoit organifé par des loix; & comme le pouvoir exécutif de France eft organifé par une conftitution que lui-même a jurée & librement acceptée, nous en avions tout bonnement conclu que cette efpèce de gouvernement étoit très-légitime; mais nous voyons que Brunswick ne connoît ni Jean-Jacques, ni la conftitution française; ce gouvernement légitime eft pour lui le gouvernement de Vienne, de Pruffe, de Verfailles, fous le règne de Louis XIV, de Louis XV, & au commencement du règne de Louis XVI. Français ! c'est à vous de voir fi vous voulez un gouvernement de cette nature; car, vous l'avez entendu, les rois ne font armés que pour le ramener chez vous & le fubftituer à celui de la conftitution.

Quant aux attentats & aux violences prétendûment exercées fur la perfonne du roi, nous demanderons au général allemand files attentats dont il parle ont été commis avant ou après le 20 juin. S'ils ont été commis avant le 20 juin, les événemens du 20 juin n'ont donc influé en rien fur l'armement des puiffances; & fi Brunswick prétend que les événemens dont il parle font ceux du 20 juin, il en impofe, puifque le 20 juin il y avoit long-temps que la guerre étoit déclarée, que les puiffances étoient armées, & que Brunswick lui-même étoit à la tête de leurs fatellites: du refte,, cette plainte fur la journée du 20 juin cadre parfaitement avec la diatribe de

Lafayette, orateur des honnêtes gens. On y retrouve le même fens & prefque les mêmes expreffions techniques: or, fi Lafayette n'étoit pas connu de tous les patriotes de France, combien ne trouveroit-on pas fingulier que le général des armées deftinées à combattre les Autrichiens, partat abfolument le même langage que le gé néral des Autrichiens? Nous en concluons qu'il vaudroit autant mettre Brunswick à la tête de nos troupes que d'y laiffer plus long-temps l'ex-commandant de l'armée parifienne.

Le cinquième grief publié par le général Brunswick, eft la déclaration de guerre faite par la France au roi de Hongrie & de Bohême; mais cette tournure est bien gauche & bien digne d'un général allemand. Comment M. de Brunswick, qui fe plaint de la fuppreflion des droits féodaux, qui veut rétablir en France le régime de Vienne ou de Poftdam, qui dénie à la nation on droit imprefcriptible de fouveraineté, qui appelle les légitimes repréfentans du peuple des ufurpateurs; comment ce même homme veut-il que la France n'ait pas regardé fes maûres comme les ennemis de la conftitution & de la liberté françaife? Et ne fufhifoit-il pas que l'empereur fût fon ennemi à ce titre? Ne fuffifoit-il pas qu'il refusât de reconnoître fon indépendance? Ne fuffifoit-il pas qu'il accordat l'afile & une protection éclatante à tous les Français rebelles? D'ailleurs, M. de Brunswick voudroit ici nous donner le change fur la nature de la déclaration de guerre & fur les motifs qui l'ont amenée. Qui font ceux qui ont provoqué la guerre? Le roi & toutes fes créatures & tous les intrigans de l'empire. Les patriotes clair voyans ne vouloient que le fyftême défenfif; ils prévoyoient dès-lors tous les maux qui maintenant nous menacent, qui déjà nous accablent; ils fentoient que faire la guerre avec un roi & des nobles, contre un roi & des nobles, étoit la contradiction politique la plus inouie. Et, certes, dans leur confcience, les rois étrangers & Brunswick, & Lafayette & Louis XVI, font plus près de voter des remercimens à l'affemblée nationale pour fa déclaration de guerre, qu'ils ne font prêts à reprocher à la France l'emploi d'une mefure qui feule peut amener la douce contrerévolution, & qui l'amenera infailliblement, fi la nation ne fe fent la force & le courage de la repouffer

elle-même.

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Comment le général Brunswick peut-il encore ranger la retraite de Courtray parmi les griefs de l'empereur & du roi de Pruffe? Depuis quatre mois nous avons déclaré une guerre offenfive; depuis quatre mois, nous ne faifons qu'une guerre défenfive; l'une de nos armées s'eft avancée par hafard fur le territoire autrichien; M. Valence a pris Courtray fans l'ordre & contre l'ordre du général commandant; ce général, qui n'avoit plus qu'à vaincre & à vaincre fans obftacle, s'eft traîtreufement replié fur le territoire français; un de nos officiers a même puni les malheureux Belges d'avoir crié vive les Français; il a incendié leurs maifons: enfin il femble que nous n'ayions déclaré la guerre à l'Autriche, que pour donner à tous les defpo:es de l'Europe le temps de venir à fon fecours; & le fieur Brunswick a l'impudeur de faire à la nation française, de faire à l'affemblée nationale le reproche d'avoir attaqué les Pays-Bas? Quelle lâche ironie! C'eft comme s'il nous difoit : Vous avez voulu prendre les Pays-Bas, mais votre roi & votre Lafayette, & votre Luckner & tous vos généraux, fauront bien dans tous les temps empêcher d'avoir des fuccès. Mais voyons la fuite de ce fameux manifefte.

Sa majeflé pruffienne, alliée à fa majefte impériale, par » les liens d'une alliance étroite & défenfive, & mem→bre prépondérant lui-même du corps germanique, n'a » donc pu fe difpenfer de marcher au fecours de fon » allié & de fon co-état; & c'eft fous ce double rap"port qu'il prend la défenfe de ce monarque & de » l'Allemagne ». Il n'y a qu'une petite obiervation à faire ici; c'eft que depuis l'érection de la monarchie pruffienne, la maifon d'Autriche n'a ceffé d'être l'ennemie implacable, l'ennemie née de la Pruffe, & qu'il a fallu toute la mauvaise foi du miniftre Montmorin pour détacher cette cour des intérêts de la France, & la porter à cet acte de réconciliation qui n'eft, en dernière analyfe, que le réfultat des plates interceffions de Louis XVI, adreffées à ce qu'on appelle toutes les puiffances étrangères. Si le roi de la conftitution française eût voulu fincérement la conftitution, la Pruffe en feroit tout naturellement devenue la protectrice contre le roi de Hongrie, qu'il étoit on ne peut pas plus aifé de faire difparoitre de la lifte de ceux qui fe font nommer les fouverains de l'Europe.

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« A ces grands intérêts fe joint encore un but éga »lement important; celui de faire ceffer l'anarchie dans » l'intérieur de la France, d'arrêter les attaques portées » au trône & à l'autel, de rétablir le pouvoir, légal » de rendre au roi la sûreté & la liberté dont il eft » privé, & de le mettre en état d'exercer l'autorité lé »gitime qui lui eft due ». C'est-à-dire, en d'autres termes, que le but également important des deux majestés de la Germanie et d'étouffer chez nous le patriotifme, en difperfant les fociétés populaires, en arrêtant la circulation des écrits patriotiques; de rétablir l'ancienne cour de Verfailles, de Trianon, de Marly, de SaintCloud, &c. dé réintégrer l'ancien clergé dans fes biens, dans fes fonctions, dans fes débauches; de rendre au confeil d'état du roi la légiflation & toute la puiffance piblique; de rappeler auprès de la perfonne du roi fes anciens gardes du corps, tous fes fatellites, tous les honnêtes gens de Coblentz; & enfin de rendre au roi un exercice illimité de fa volonté defpotique & arbitraire. « Convaincu que la partie faine de la nation française » abhorre les excès d'une faction qui la fubjugue, & que le plus grand nombre des habitans attend avec » impatience le moment du fecours pour fe déclarer ou » vertement contre les entreprifes odieufes de fes cpl » preffeurs, fa majesté l'empereur & fa majesté le roi de » Pruffe les appellent & les invitent à retourner fans dé> lai aux votes de la raison & de la juftice, de l'ordre » & de la paix ». Voilà qui eft fort galant pour un général pruffien un autre que M. le duc de Brunswick auroit commencé par prendre Strasbourg, Landau, Thionville, Merz, &c. de là feroit venu à Paris avec deux cent mille hommes auroit enfuite difperfé l'affemblée nationale, les municipalités, toutes les autorités conftituées, puis fait un choix des meilleurs patriotes, qu'on auroit pendus en place de Grève, puis pillé les boutiques de la rue Saint Honoré & de tous les endroits marchands, puis déshonoré les femmes & les filles puis rafé la moitié de Paris, comme le defpotifine en a le projet depuis long-temps; & enfuite fon alteffe fe feroit gracieufement montrée aux honnêtes gens, à la partie faine de la nation; elle lui auroit dit: Meffieurs, voilà des fers; prenez-les; vous êtes vengés de ces hommes incommodes qui vous empêchoient de voler le public, qui

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