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tées, les dictateurs feront tenus d'affembler une convention nationale, à laquelle ils rendront compte de leur conduite. >>

Nous ne nous attacherons point à prouver que la dictature est néceffairement une meture liberticide; ncus ne dirons pas que la dictature temporaire a toujours engendré la dictature héréditaire; nous ne nous appefantirons pas fur les dangers de diffoudre ainfi le corps législatif; nous ne répéterons pas qu'une grande nation ne fauroit être libre. un feul inftant, fi elle n'a pas toujours un corps nombreux de repréfentans affemblés. Tout le monde fent que dans l'hypothèse propofée, trois coups de poignards jeteroient la France dans la fubverfion, dans l'anarchie la plus complète; & ceux qui connoiffent bien & Servant & Pétion, deux des dictateurs défignés, font convaincus qu'ils ont trop de lumières & trop de patriotiime pour accepter ces places, encore bien que l'affemblée nationale les leur offrit.

Mais fans nous attacher à relever l'erreur (difons le crime, car c'en eft un) de celui qui n'a pas rougi d'imprimer qu'il falloit que l'affemblee nationale s'ajournát & renonçát au pouvoir de s'affembler jufqu'à la paix, fans relever ce projet audacieux, coupable, & réprouvé par tout ce qu'il y a d'ames honnêtes; nous nous demandons s'il ne feroit pas poffible qu'on n'eût fait cette ouverture que pour donner lieu d'en tirer des conféquences adroites & favorables au fyftême chéri de la cour & de fes agens, celui de la diffolution du corps légiflatif. Remarquez bien que l'article du journal Genéral de l'Europe eft du mardi 24 juillet; or lifez la Gazete universelle du mercredi 25, & vous verrez comment elle a fu tirer parti de la propofition faite la veille. « Il n'eft queftion, dit-elle, de rien moins que de fufpendre le roi, & d'autres mesures non moins inconftitutionnelles. On fait combien ce plan offre par là d'inconvéniens, puifque les citoyens, les villes, les départemens & les armées même pourroient, en invoquant leur engagement conftitutionnel, méconnoître cette dictature. Pourquoi donc ne pas adopter le feul moyen auquel il faudra revenir en dernière analyse, puisqu'il conferve tous les principes & peut fauver l'état?

» Puifqu'on annonce que l'affemblée nationale peut s'ajourner, puifque 'd'ailleurs le roi a la direction des opérations militaires & des négociations politiques, puifque les puif

fances

fances étrangères ne voudront négocier qu'avec le roi, pourquoi l'affemblée nationale, en s'ajournant, ne remettroit-elle pas le timon des affaires à Louis XVI, qui s'engageroit folennellement à n'arrêter aucune condition que fous la referve expreffe d'une ratification nationale ?

» Ce moyen est le feul conftitutionnel, le feul efficace; il prévient la guerre civile au dedans, & peut-être l'invafion étrangère. Nation françaife, & vous fes repréfentans, quelle que foit votre opinion, là & là feulement eft votre falut, toute autre alternative vous perdra ».

Quel eft le bon citoyen que cette lecture n'a pas fait frémir d'une fainte indignation? Remettre le timon des affaires à Louis XVI, c'eft donc l'efpoir de devenir dictateur qui lui a fait refufer le titre de roi conftitutionnel des Français ? C'est donc pour cela qu'il a fans ceffe avili l'alsemblée nationale? C'eft pour cela, c'eft dans la croyance que le peuple auroit recours à lui qu'il a conftamment refufé de s'unir à fes repréfentans, qu'il a empêché tout le bien qu'ils ont voulu faire, & qu'il a fait tout le mal qué lui a fuggéré le génie infernal du defpotifme. Non, Louis XVI, non l'affemblée nationale ne s'ajournera pas pour te conférer la dictature, ni à qui que ce foit, mais elle fufpendra provifoirement de fes fonctions un roi parjure, & demandera une convention nationale pour prononcer définitivement fur fon fort.

Nous favons que toute efpèce de changement dans le gouvernement entraîne après fui des commotions violentes; nous favons que la pufillanimité de beaucoup de citoyens répugne à ces mouvemens incommodes, mais falutaires; mais il n'y a rien à répondre fi l'on prouve que la fufpenfion du roi & une convention nationale font les feuls moyens de fauver la patrie.

Pourquoi la patrie eft-elle en danger? Parce que des armées étrangères la menacent, parce que des troubles inteftins la déchirent, parce que le fanatifme la ronge, parce que les miniftres ne font exécuter la loi que felon les calculs de leur partialité, parce que les généraux d'armée nous trahiffent, parce que nos légions ne font ni armées, ni approvifionnées, parce que prefque toutes les autorités conftituées ne font que les complices de la cour, parce que la lifte civile influence jufqu'aux décifions de l'affemblée narionale, parce que le cabinet des Tuileries eft manifeftement N°. 159. Tome 13.

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d'intelligence avec le cabinet de Vienne & de Berlin, parce que la caufe des émigrés eft intimement liée à celle du roi, parce que les nobles de France, les prêtres, les tyrans étrangers & Louis XVI font caufe commune, parce qu'enfin il eft ridicule d'adopter pour chef le complice de tous ceux que l'on veut combattre.

Et les armées ennemies ne combattent que pour Louis XVI & au nom de Louis XVI, croit-on que Louis XVI puiffe vouloir nous défendre contre elles?

Si les troubles intérieurs ne font fufcités que de concert avec les puiffances du dehors, & au nom du roi & pour le roi, fi Louis XVI les a protégés jufqu'à ce jour, fi les effroyables reffources de fa lifte civile ne font employées qu'à foutenir Coblentz & Dufaillant, qui agiffoit au camp de Jalès par ordre de Coblentz; fi l'on a faifi des pièces qui atteftent tous ces faits, comment croire que l'intention de Louis XVI eft d'appaiser les troubles intérieurs ? Et comment croire que les troubles intérieurs puiffent s'appaifer fans volonté, ou plutôt contre la volonté du chef du pou voir exécutif?

Si le fanatifme ravage les campagnes, fi les prêtres réfractaires prêchent la rebellion, s'il eft devenu indifpenfable de les réprimer, le moyen de croire que celui qui n'eft entouré que de ces prêtres fanatiques, qui eft fanatifé luimême, qui paralyfe toutes les loix repreffives contre le fanatifme; le moyen de croire que cet homme adoptera jamais de grandes mefures contre ce genre de contre-révolutionnaires, auffi ennemis de Dieu que des hommes, de la vertu que de la liberté ?

Si les miniftres du roi dépravent l'opinion publique en ne faisant circuler dans les départemens que des libelles dangereux, s'ils trahiffent la nation en la compromettant par les correfpondances étrangères, s'ils ne font exécuter que les loix contraires à la marche de la révolution, fi les bonnes loix reftent enfevélies dans leurs bureaux, fi cependant il eft de fait que la conftitution ne peut marcher qu'autant que les miniftres voudront la faire marcher, comment fe perfuadera-t-on que celui qui a chaffé les minifares qui vouloient la faire marcher, qui leur a donné pour fuccefleurs des hommes pervers & tarés, qui vient de nommer au ministère de la guerre à Paris le neveu de Calonne, miniftre des émigrés à Coblentz; comment fe perfuader que ce même homme veut fincèrement faire marcher la conftitution?

Si les généraux d'armée nous trahissent, s'ils abandonnent les Belges, s'ils incendient leurs villes, fi l'un d'eux fe déclare le protecteur du roi, comment eft-il poffible que le roi, qui a feul le choix de ces généraux, puiffe choisir des hommes qui ne préfèrent pas l'honneur fon fervice à toute autre gloire, & qui ne défendent pas les propriétés du roi de Hongrie, l'allié, le parent, l'ami du roi de France? Cependant la nation a beau s'armer, elle a beau se lever toute entière; fi elle eft réduite à com battre fous des chefs qui ne veulent pas la faire vaincre, elle ne vaincra jamais; fa maffe, quelque énorme qu'elle foit, fuccombera fous les rufes & les trahifons de fes chefs.

Si nos légions ne font ni armées, ni approvifionnées; files plaintes continuelles des départemens conftatent la pénurie des armes; fi un corps on armé, non approvifionné, n'eft qu'une proie pour l'ennemi, comment croire que Louis feize qui eft feul chargé de pourvoir à l'armement & à l'approvifionnement de l'armée, voudra l'armer & l'approvifionner? Tous les miniftres, excepté Servant, ont indinement trompé la nation fur l'état de l'armée; ils n'ont eu l'air d'ordonner des préparatifs qu'autant qu'il falloit l'avoir pour n'être pas pendu ou décollé or peut-on raisonnablement croire que le neveu de Calonne fera plus patriote que la créature de Lafayette?

Si prefque toutes les autorités conftituées font devenues les complices de la cour, fi leurs nombreufes adreffes au roi ont fcandalité, indigné toute la France, fi l'enrôlement des citoyens eft confié à leurs foins, fi les loix les rendent prefque maîtres de la nouvelle confcription militaire fi ceux d'entre eux qui ne ferviront pas les

vues de la cour peuvent être deftitués par elle, comment croire que cette confcription fera telle qu'on fe la promet, qu'on n'y mettra pas d'entraves, que les directoires favoriferont eux-mêmes les efforts du peuple, tant qu'on laiffera fubfifter là caufe qui les a jufqu'ici corrrompus, qui leur a fans ceffe fait neutralifer ces mêmes efforts, au point d'empêcher à Paris la réunion de 200 mille fédérés dont la présence eût déjà décidé du fort de la liberté ?

Si la lifte civile corrompt tout, fi elle influence jufqu'aux décifions de l'affemblée nationale, fi le roi n'emploie fes immenfes revenus qu'à fe faire des partisans, s'il est de

venu évident que dans le fein du corps législatif il a acheté plus de deux cents membres qui ne font plus les repréfentans du peuple, mais les repréfentans du roi ; quel est l'homme qui croit affez à la vertu publique pour nous affurer qu'il pourra y avoir un jour une bonne assemblée nationale à côté d'un roi, & partant qu'on peut fe difpenfer, dans le moment actuel, de fufpendre la lifte civile en fufpendant le roi ?

Si le cabinet des Tuileries eft d'intelligence avec les cabinets de Vienne & de Berlin, fi la cour du roi n'est compofée que de contre-révolutionnaires & de fcélérats, fi le roi refle imperturbablement attaché à une femme qui veut, qui doit vouloir le malheur de la France s'il ne peut pas exhiber une feule pièce qui prouve qu'il ne confpire pas avec les rois de Hongrie & de Pruile; fi cependant les événemens de la guerre dépendent du fecret de notre cabinet, de nos marches, de nos ́ plans de campagne, comment veut-on que ces événemens foient heureux pour nous, lorsqu'il eft conftant que ces mêmes plans font combinés avec Coblentz, avec Vienne, avec Berlin? Et comment veut-on empêcher ce mal, fi ce n'est par la fufpenfion de Louis XVI ?

Si la caufe des émigrés eft intimement liée à celle du roi; fi les nobles, les prêtres & tous les rois de l'Europe font la guerre à tous les peuples de l'Europe, dans la feule perfonne du peuple français, le peuple français ne feroit-il pas ftupide, imbécille & lâche s'il alloit combattre contre les rois & les nobles, fous le commandement des nobles & fous la direction d'un roi?

Oui, fans doute, la nation doit fe défaire d'un femblable roi, elle le veut, elle a manifefté cette opinion, & déjà le corps législatif en eft, à l'égard de la déchéance de Louis XVI, au point de ne devoir plus délibérer, que par la raifon éternellement vraie, que là où le . repréfenté a parlé, le repréfentant n'a plus qu'à obéir. Mais quand le peuple n'auroit pas parlé, quand le législateur n'auroit à confulter que la conftitution, la conftitution elle-même a prévu le cas où nous fommes, & prononcé d'avance la deftitutión de Louis XVI. « Si le » roi, porte-elle, fe met à la tête d'une armée & en » dirige les forces contre la nation, ou s'il ne s'oppofe » pas par un afte formel à une telle entreprife qui s'éxecuteroit en fon nom, il fera cenfé avoir abdiqué »

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