Page images
PDF
EPUB

L'assemblée Nationale et le Roi monterent sur l'lutel de la patrie pour prêter le ferment.

[ocr errors]
[merged small][merged small][ocr errors]

ET AU DISTRICT DES PETITS-AUGUSTINS,

Avec gravures et cartes des départemens de France. QUATRIÈME ANNEE

DE LA LIBERTÉ FRANÇAISE.

TREIZIÈME TRIMESTRE.

Les grands ne nous paroiflent grands que parce que nous fommes à genoux. Levons-nous..

ARIS-SEUL

PRUDHOMME

1.

DU 14 AU 21 JUILLET 1792

Fie commémorative du 14 juillet.

Ly avoit bien de généreux projets d'une part, bien de coupables efpérances de l'autre, pour le jour de la fête du 14 juillet 1792; ni les uns ni les autres n'ont été réalifés: tout s'y paffa à peu près comme jadis aux fêtes d'étiquette de la cour.

Le roi fe rendit le premier au lieu de la cérémonie,
No. 158. Tome 13.

A

avec une efcorte, digne plutôt d'un defpote d'Afie que du chef d'un peuple libre il fe dédommagea bien du licencîment de fa garde: au lieu de 1800 hommes armés, il étoit accompagné de 5 à 6000. Ses miniftres comme autant de valets de pied, étoient aux portières du carroffe de leur maître. Il s'enferma dans l'école militaire jufqu'à l'inftant du ferment, au lieu de fe joindre à l'affemblée nationale & de fortir ensemble des Tuileries pour aller à pied à l'autel fédératif. Mais le monarque, qui hérifie fa demeure de grilles & de baïonnettes, n'eft pas homme à marcher environné des citoyens. Louis XVI voulut éviter apparemment d'avoir tout le long de la route la gauche du préfident du corps légiflatif.

Tout s'arrangea de manière qu'on eût dit que c'étoit une fête que le peuple heureux & reconnoiffant donnoit à la cour. Celle-ci avoit la place d'honneur, tout comme autrefois, & paroiffoit dominer fur tous les affiftans. On ne déroba à fes regards que les feuls objets qui pouvoient lui caufer quelque déplaifir. Ce fut à l'autre extrémité du champ, du côté de la rivière, qu'on drea ce grand arbre convert d'écuffons d'armoiries, & aux branches duquel étoient attachés des couronnes de comtes, de barons, mais non de rois, des cordons bleus des chaînes d'or, des manteaux d'hermine, des titres en parchemin, tous les hochets de feue la nobleffe. A la cime du peuplier, pour fatisfaire le peuple, on avoit placé en évidence les armes du marquis de Lafayette, qui n'eft plus le faint du jour, & celles du duc la Rochefoucault, préfident du département.

Ce monument de la fottife & de la vanité avoit pour bafe un bûcher auquel on mit le feu pendant la cérémonie; le président de l'affemblée nationale & le roi devoient l'allumer; mais fi l'on trouva moyen de faire jour à Louis XVI à travers la foule innombrable depuis ĺa maison de l'école militaire jufqu'à l'autel fédératif: on fut trouver des obftacles pour pénétrer des marches de l'autel jufqu'au pied de cette espèce d'arbre de Cocagne, qui, au refte, amufa beaucoup le peuple.

Entre l'école militaire & l'autel s'elevoit une pyramide funéraire en l'honneur des citoyens morts pour la patrie aux frontières....... Les regardans achevèrent la phrafe.. par la TRAITRISE de la cour. Comme.ce.

[ocr errors]
[ocr errors]

monument avoit quatre faces, pourquoi n'en avoir pas confacré une aux citoyens morts à Nancy par les or dres de Bouillé, & encore une aux citoyens fufilles fur cette même place au final qu'en donnèrent Bailly & Lafayette, en confervant l'infcription générale: Tremblez, typour les venger ? Mais le peuple n'eut pas besoin d'une décoration pour fe rappeler ces deux époques confignées à jamais dans fa mémoire en lettres de fang.

rans,

nous nous levons

Il y eut peu d'ordre, qu'il faut bien fe garder d'attribuer au concours prodigieux des citoyens abandonnés à eux-mêmes. Ce ne fut pas non plus la faute des officiers municipaux & des ordonnateurs civils de la fête; nous ne parlons pas ici de M. Campion, qui foutint fi mal la dignité de l'écharpe qu'il porte, par le maintien ridicule qu'il avoit fur fon cheval quand il fit la vifite du champ fédératif après l'adminiftrateur patriote Sergent. Un magiftrat du peuple ne doit jamais fe montrer en public fous des formes qui apprêtent à rire aux fots de la

cour.

Sans la présence de Louis XVI, il n'y auroit point eu de confufion; ç'eût été bien autre chofe fans la réintégration du maire; plufieurs bataillons eurent le déplaifir d'arriver après la cérémonie: mais on voulut contenter la cour avant tout le monde. L'escorte nombreuse du roi ne caufa pas peu d'embarras & de fcandale. Celle du corps législatif étoit bien plus modefte; il fallut l'écriteau de la fouveraineté nationale pour qu'un étranger pût s'appercevoir qu'un peuple libre, préfidé par fes repréfentans, célébroit la plus belle de fes fêtes; mais une infcription n'étoit point néceffaire pour diftinguer le pouvoir exécutif. La majefté royale éclipfa celle de la nation, du moins quant au decorum; car le peuple, pour en impofer, n'a pas befoin d'ornemens poftiches, il lui fuffit de fe montrer; il eft bon pourtant de le lui rappeler; il n'eft encore que trop de gens portés à l'oublier, & c'est ce qui eft arrivé plufieurs fois, famedi 14 juillet dernier.

Dans maints endroits du champ fédératif, au moment du ferment, nous avons vu des gens en extafe; nous avons entendu des voix s'écrier: « Le voyez-vous ! le >> voyez-vous ! le voilà qui met la main fur l'évangile » national; le voilà qui agite fon chapeau en l'air; je le

» reconnois bien à fon cordon rouge. C'est lui-même » c'eft Louis XVI, c'eft bien le roi. Nous feroit-il rendu? » Puiffe-t-il cette fois être fincère »!

Et que vous importe, bourgeois imbécilles? quel fi grand prix attachez-vous donc au fuffrage d'un individu? Tout feroit donc perdu; la contitution françaife ferot donc déteftable, fi elle avoit le malheur de déplaire à Louis XVI, s'il fe refufoit à prononcer ces trois mots Je le jure ? A vous entendre, il femble vous faire une grace en daignant toucher l'autel de la patrie, confondu, parmi nous, qui aurions dû peut-être en interdire l'accès à un monarque inhofpitalier qui nous ferme la porte de fes jardins, & nous retufe paffage à travers fon chateau.

Volontaires des départemens, qui êtes allés vous plaindre à l'affemblée rationale des mauvais traitemens qu'on vous fit effuyer dans les Tuileries, le lendemain même de la fédération; le corps législatif paffa à l'ordre du jour fur vos plaintes, & fit bien. Qu'alliez-vous faire là? D'après tout ce que vous favez de ceux qui habitent ce château, la curiofité devoit-elle vous expofer à vous trouver face à face de Médicis - Antoinette? La patrię eft en danger, & vous perdez vos momens à vous picmener fous les fenêtres de ceux qui ont mis la patrie dans le danger où elle eft. Le mépris & l'indignation n'ont point détourné vos pas de ce foyer impur de contrerévolution!

Nous ferons le même reproche aux députés, qui pour abréger leur chemin, fe hatardent de traverfer le jardin des Tuileries; eh! mofficurs, prenez le plus long plutôt que d'honorer de votre préfence un lieu hanté par les courtifans les plus vils, par les intrigans les plus bas, par ce que la France a produit de plus corrompu & de plus malfaifant. Quant au ficur Girardin, il ne s'eft pas plaint d'avoir té injurié dans les Tuileries. Il et la avic fes pairs; mais qu'il pardonne un trait de franchife, un peu rude à la vérité, c'est bien involontairement fans doute que l'autre jour dans le paffage des feuillans, au nom de Girardin, le mot de lanterne et venti tout de fuite fe placer fur les lèvres du peuple, qui dit tout ce qu'il penfe.

Mais retournons au champ de la fédération, & difons; Citoyens, ne vous imaginez pas être libres, ou dignes de l'être, tant que, dans nos folennités nationales, la pré

« PreviousContinue »