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reuse qui détermina la révolution. C'est ce jour-là que les canonniers de ligne tournèrent le dos au defpotifme dont ils faifoient le fervice, & vinrent offrir leur talent & leurs bras aux citoyens prêts à s'iufurger.

Cependant, pour cette année feulement, & à caufe des circonstances, les mêmes canonniers propofent de reculer leur fête jufqu'au 22 juillet.

Depuis un temps immémorial auffi, fur la plupart des canons qui tous fe trouvoient à la feule difpofition du roi, on y lifoit ces mots en lettres de bronze:

Ultima ratio regum.

La dernière raifon des rois.

Toujours les mêmes canonniers ont arrêté de présenter une adreffe à l'affemblée nationale, pour en obtenir de changer cette devise auffi infolente, difent-ils, qu'elle est déraisonnable.

Ne pourroit-on pas lui fuftituer cetre autre ?

Ultima ratio populi

contra tyrannos.

La dernière raifon du peuple

contre les defpotes,

puifqu'on ne peut faire entendre raison aux tyrans, qu'au bruit du canon,

Par une circulaire, les canonniers de Paris demandent à leurs camarades de tous les départemens leur avis fur ce changement, & un mode pour leur fête nationale du 11 juillet de chaque année.

A Paris peut-être fuffiroit-il de paffer dès le matin une couronne de chêne à la bouche de tous les canons, d'en détacher un de chaque pofte pour le traîner devant la maifon commune, ceux de ligne en tête, & là de faire une première décharge; puis de les tranfporter fur la place de la liberté, de les ranger circulairement autour de la colonne, & d'y attendre le moment précis de la chûte de la Baftilie, c'eft-à-dire entre les 4 & heures de l'aprèsmidi pour faire une décharge générale de tous les canons enfemble. Cette explosion annonceroit à toute la ville la plus glorieufe de fes époques, & inviteroit les citoyens. & les citoyennes à un bal civique autour de la ftatue de la liberté, dans la vafte enceinte formée par les canons fur leurs affuts; les canonniers de ligne, ronnés de chênes, en feroient tous les honneurs conjoinjoitement avec les volontaires.

cou

ASSEMBLÉE NATIONALE.
Séance du vendredi foir 6 juillet 1792.

Après quelques rapports fur des objets particuliers d'adminiftration, l'affemblée a adopté, d'après la propofition qui lui en a été faite par le comité militaire, la levée de quarante-deux nouveaux bataillons de volontaires. M. Thuriot a interrompu fa difcuffion fur cet objet, pour demander que préalablement l'affemblée déclarât que la patrie eft en danger. Cette propofition a été appuyée par quelques membres, combattue par quelques autres, les débats commençoient à devenir vifs, l'affemblée les a terminés en ajournant la difcuffion à la prochaine féance.

Séance du famedi 7. ( Voyez le n°. 156, p. 30.)

Séance du famedi foir. Le comité des domaines a fait décréter que les forêts domaniales qui, font fur des domaines engagés ne pourront être occupées. Les taillis n'y feront coupés qu'à la charge par les engagiftes d'en féqueftrer le produit dans les caiffes des receveurs de diftrict.

L'affemblée a reçu plufteurs dons patriotiques. M. Véron a fait décréter que les dépenfes de la fédération fe ront à la charge de la nation; la fomme a été portée à 25,000 liv.

Le roi a écrit à l'affemblée que le département de Paris lui a adreffé fon arrêté par lequel il a fufpendu de fes fonctions le maire & le procureur-fyndic de la municipalité de Paris, comme prévenus de negligence dans les événemens du 20 juin. L'affemblée a paffé à l'ordre du jour en attendant l'avis du roi.

Les corps, adminiftratifs & judiciaires de Paris avoient été tous mandés à l'affemblée, ils y font venus. M. le préfident leur a notifié le procès-verbal de la féance du matin. Il les a exhortés, au nom de l'affemblée nationale & de la patrie, à redoubler de zèle pour faire triompher les loix.

Séance du dimanche 8. Quelques dénonciations contre les journalistes fe font terminés par un décret qui ordonne au comité de faire inceffamment fon rapport fur la punition des attentats à la liberté de la preffe.

L'ordre du jour étoit l'admiffion des pétitionnaires. Des citoyens de Paris font venus fe plaindre de l'inexécution de la loi qui prefcrit le récenfement très-rapide des ci

moyens de la capitale, afin de les mettre fous l'oeil vigilaat d'une police active. Applaudi & renvoyé au comité de légiflation.

On a lu une lettre du roi, qui propofe, comme mesure de renfort pour notre armée, la formation d'une légion Batave; M. Briffot a combattu cette mefure, & en a propofé le renvoi au comité; il a été adopté. Le in niftre de la guerre, qui avoit ajouté quelques explications au meffage du roi, a annoncé qu'il venoit d'écrire au maréchal Luckner pour lui demander de plus amples informations fur l'incendie de Courtray.

Un grand nombre de pétitionnaires a été entendu, tous s'accordent à dénoncer Lafayette & le directoire du département de Paris, & à redemander MM. Manuel & Pétion.

La députation du département de l'Ardèche a remis fur le bureau des dépêches de ce département, qui annoncent à l'affemblée un raffemblement de trois mille contre-révolutionnaires dans le canton de Jalès. Ils affiégent le château de Bonne, où il y a une garnison de garde nationale & de gendarmerie. Cette armée, qui groffit de jour en jour, a pour chef un homme déjà accufé devant la haute cour nationale, le fieur Saillant, ci-devant officier, qui fe dit lieutenant général des frères du roi. Au nom de Dieu & de la religion il appelle à lui tous ceux qu'il nomme royaliftes; il leur montre déjà la France envahie, les citoyens égorgés, l'affemblée nationale diffoute par le fer & les fupplices.

Pour exalter la confiance de fes fanatiques, Saillant leur dit qu'il a 45,000 hommes dans les Cévennes & dans le Vivarais, & 25,000 hommes dans le Bas-Languedoc.

Il déclare qu'il ne demande qu'une nuit pour prendre la ville du Puy & s'emparer de tout le pays environnant. Il ordonne aux ci-devant moines, aux ci-devant juges, aux ci-devant curés de rentrer dans leurs monastères.

Il ordonne à tous les Français de regarder comme rebelles les membres de l'affemblée nationale, des administrations, des tribunaux. Il ordonne à tous les receveurs de lui apporter le produit des contributions. Il défend de porter la cocarde nationale; enfin il défend de proclamer les décrets de l'affemblée. L'affemblée a renvoyé ces pièces au comité, & décrété que le pouvoir exécutif rendra compte le lendemain des mesures prifes pour la répreffion des malveillans dans le département de l'Ardèche.

L'un de MM. les fecrétaires a lu une lettre de M. Charles Lameth, maréchal-de-camp dans l'armée du nord, qui dé avoue hautement tous les faits allégués dans les lettres qui l'inculpent, & que M. Genfonné a lues à l'affemblée nationale,

Séance du lundi 9. M. Rüh a annoncé que la députa'tion du Bas-Rhin venoit de recevoir des nouvelles de Strasbourg. Elles portent que dix mille Autrichiens font arrivés à Kell; qu'ils ont voulu s'emparer du pont du Rhin, mais qu'ayant trouvé de la réfiftance, ils ont été obligés de fe retirer. D'après ces faits, il a demandé que le pouvoir exécutif fût tenu de prendre compte des mefures qu'il a prifes pour renforcer l'armée du Rhin. Divers membres ont rappelé que les miniftres devoient rendre compte, daas la féance, des mefures prifes par chacun d'eux dans fon département; & fur ce motif ils ont réclamé l'ordre du jour. L'affemblée y a paffé.

On a renvoyé à la commiffion des douze une plainte du département du Nord, adreffée au général Luckner sur les dévaftations commifes journellement dans les campagnes par les hulans & troupes autrichiennes qui bordent les frontières.

M. Guérin demande que l'affemblée nationale fufpende le département de Paris; il appuie fa motion fur la connoiffance qu'avoit le directoire, dès le 19 juin, du projet de raflemblement, & fur l'obligation que lui impofoit la loi d'agir au lieu & place de la municipalité, puifqu'il connoifoit fes difpofitions. Renvoyé au comité des douze.

Sur la motion de M. Dieudonné, l'affemblée a décrété que le commiffaire du roi de la caiffe de l'extraor dinaire remettra à la tréforerie nationale deux cents mille livres en affignats de dix fous & de quinze fous pour être échangées contre une pareille fomme d'affignats de cinq livres, par la municipalité de Beaucaire, à laquelle elles feront envoyées, & dont elle fera refponfable ainfi que le département du Gard.

On a lu une lettre du roi qui fait part à l'affemblée de la nomination de M. de Joly, juge au troisième tride Paris, à la place de fecrétaire de fon confeil, qu'occupoit M. de Joly, miniftre de la justice.

Une lettre d'un officier belge qui annonce le plus grand courage de la part de nos troupes contre les Autrichiens, & l'état de délabrement où font leurs vête

mens.

M. Briffor eft monté à la tribune; il a parlé fur les

mefures à prendre dans la crife à laquelle nous touchons: ne rapporterons que fon projet de décret. Le

nous

voici :

« 1°. L'assemblée nationale déclare que la patrie eft en danger. 2. Il fera créé une commiffion extraordinaire qui fera chargée d'examiner la conduite du pouvoir exécutif jufqu'au 7 juillet. 3°. Un comité chargé d'examiner les difficultés que préfente l'interprétation de l'article 6 de la fection première du chapitre 2'de la conftitution, fur la royauté. 4°. L'affemblée déclare ennemis de la chofe publique tous ceux qui donnent des confeils pernicieux au roi, & qui l'ont invité à écarter des miniftres patriotes. 5. Les miniftres font déclarés refponfables de tous les troubles intérieurs. 6°. Le miniftre actuel n'a pas la confiance de la nation. 7°. Le miniftre des affaires étrate gères eft mis en état d'accufation. 8°. Un comité fera chargé d'examiner la conduite du miniftre de l'intérieur & de celui de la guerre, 9°. Ceux qui, par leurs écrits, leurs difcours, ou de toute autre manière, tendent à avilir l'affemblée nationale, font déclarés ennemis de la nation. 10°. Il fera créé un comité fecret, chargé des fonctions du comité de fury illance & de la commiffion des douze, qui, dès ce moment, feront fupprimés. 11o. Ce comité fecret, chargé de tout ce qui eft relatif aux metures de sûreté générale, examinera la conduite des miniftres Montmorin & Damourier ».

Le difcours & le projet ont été très-applaudis, l'affemblée en a ordonné l'impreffion.

Le miniftre de la juftice a annoncé que le décret fur les formalités de la déclaration que la patrie eft en danger étoit fanctionné; rendant compte du résultat des délibérations du pouvoir exécutif fur la fufpenfion de MM. Pétion & Manuel le miniftre dit que le roi n'a n'a point encore les pièces; fur ce l'affemblée décrète, après quelques débas, que, féance tenante, le fecrétaire du département dépofera fur le bureau les regiftres du directoire.

Ea attendant on a fait lecture d'une lettre de M. Luckner, qui tend à juftifier MM. Lameth & Berthier.

Le miniftre de l'intérieur a parlé enfuite des mesures prifes pour appailer les troubles du département de l'Atdeche le miniftre des affaires étrangères, qui eft malade, a envoyé fon compte par écrit. Le compte du miniftre de l'intérieur, vivement attaqué par M. Merlin, eft renvoyé au comité des douze.

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