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des révolutions, ont bien fenti que cet article devenoit nul auffi-tôt après que le danger feroit publié, parce que le peuple exerceroit lui-même la fouveraineté & le droit imprefcriptible de la réfiftance à l'oppreflion; en conféquence ils n'auront pas infifté fur la rédaction cet article. Les ignorans ne voyant aucune oppofition fe feront levés, croyant que cela étoit bon; & c'eft ainfi qu'aura paffé cette contradiction monftrueufe en apparence, mais infignifiante par le fait, & indigne d'aucune espèce d'attention. Si la majorité de l'afiemblée nationale avoit adopté fincérement cette difpofition, la majorité de l'afsemblée nationale auroit évidemment ftipulé pour le roi contre le peuple, & nous ne faurions nous réfoudre à à le penfer. Paffons à l'article 13.

Art. 13. Aufli-tôt la publication du préfent décret, » les directoires de diftrict fe muniront chacun de mille » cartouches à balle, en les adaptant au calibre des di»vers fufils, qu'ils conferveront en lieu fain & sûr, » pour en faire la diftribution aux volontaires, lorfqu'ils » le jugeront convenable. Le pouvoir exécutif fera chargé » de prendre les moyens pour que les corps adminif ≫tratifs aient la quantité de poudre & de munitions né» ceffaires ». Répartition de mille cartouches dans chaque district, distribution des cartouches remife aux adminiftrateurs de diftrict, ordre au pouvoir exécutif de munir les diftricts de plomb, de poudre & de toutes autres munitions, voilà les difpofitions d'un article auffi ridicule, auffi extraordinaire que le précédent. Mille cartouches par chaque diftri&t ne donnent pas une demi cartouche à chaque foldat; des foldats armés pour défendre la patrie menacée par le roi, par les adminiftrateurs dont il est le chef, ne doivent pas être à la difcrétion de ces mêmes administrations, & fi la France n'attendoit de poudre & de munitions que des foins du roi, elle feroit long-temps fans poudre, fans munitions, fans défente, elle feroit bientôt envahie par les bataillons autrichiens; il en feroit de l'approvifionnement des gardes nationales, comme il en a été, comme il en eft encore de l'approvifionnement de nos armées; quelque nouveau Narbonne affureroit l'affemblée nationale que les volontaires font approvifionnés, & quand il s'agiroit d'employer la force, on s'écriroit, mais trop tard, que le pouvoir exécutif a encore une fois trahi la nation.

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Art. 15. Toute perfonne revêtue d'un figne de rebel» lion, fera poursuivie devant les tribunaux ordinaires, » & punie de mort. Il eft ordonné à tout citoyen de » l'arrêter ou de la dénoncer fur le champ, à peine » d'être réputé complice. Toute cocarde autre que celle » aux trois couleurs nationales, eft un figne de rebel>> lion. Tout homme réfidant & voyageant en France, » eft tenu de porter la cocarde nationale. Sont exceptés » de la préfente difpofition, les ambafadeurs & agens » accrédités des puiflances étrangères ». Cet article, qui l'affemblée nationale, a effuyé tant de contradictions & dont les difpofitions ont paru fi rigoureufes, renferme bien quelques principes de révolution, quelque théorême de liberté; mais il est encore infiniment trop modéré dans les circonftances préfentes, & nous allons prouver que ce qui paroiffoit un acte de vigueur il y a quinze jours, ne feroit plus aujourd'hui qu'un acte de pufillanimité. Que fommes-nous? un peuple en révolution, un peuple en guerre pour la révolution. Quel eft le genre de cette guerre ? C'est la guerre de tous les amis de la liberté contre tous les ennemis de la liberté : or, ceux qui font revêtus d'une cocarde blanche ou de tout autre figne de rebellion, font les ennemis déclarés de la liberté, nous fommes en guerre avec eux, & bientôt il nous fera autant permis de les affaffiner nous-mêmes, qu'il eft permis, qu'il eft ordonné à un volontaire des frontières de fufiller le hulan ou le chaffeur tyrolien qui le couche en joue. Mais, dira-t-on, les combats perfonnels, les de attaques font les commencecorps corps mens de la guerre civile; ils en font les effets affreux & nous ne pouvons pas vouloir la guerre civile ? pour fauver la patrie. Il eft aifé de répondre à cette objection puérile, par la feule application du principe que nous venons de pofer touchant la nature de la guerre que nons foutenons. Il y a bien évidemment deux partis en France; le parti du peuple & le parti du roi. Si vous voulez appeler guerre civile le combat à mort entre les deux partis, oui fans doute nous touchons à la guerre civile, puifqu'ils font prêts d'en venir aux mains, qu'il eft néceffaire aujourd'hui que l'un écrafe l'autre. O, il faut que les royaliftes & tous les traîtres tombent fous les coups des plebeiens ou que les plébéïens rentrent fous le joug de l'esclavage; mais comme la partie

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n'eft pas égale, comme les patriotes forment une mafle 'dix fois plus nombreuse que les royalistes & les traîtres, on peut conclure de là qu'il n'y aura pas de guerre civile; car la guerre civile ne peut exifter que là où il fe trouve deux partis à peu près égaux en force. Le combat auquel on voudroit donner ce nom, ne fera qu'un acte de vengeance nationale. Où en ferions-nous, grand Dieu! fi lorfque le roi fera chaffé, lorfque fes partifans fe feront raflemblés, lorfqu'ils auront arboré le figne de la rebellion, lorsqu'ils menaceront les patriotes, où en ferions-nous, fi les patriotes ne pouvoient que les dénoncer aux tribunaux? Nous ferions vaincus par le feul· effet de cette loi, & nous ne nous laifferons pas vaincre, même par la loi : c'eft bien affez que le refpect pour la loi & la conflitution nous ait affoiblis, dívifés, nous ait attiré la guerre. Il faut la faire cette guerre, il faut la faire avec avantage, il faut la faire à nos ennemis, ¿ tous nos ennemis, avec nos forces, avec toutes nos forces. Quand il s'agit de la liberté, du deftin d'un grand empire de l'honneur & de la vie de vingt-cinq millions d'hommes, il n'y a plus de loix que la réfiftance à l'oppreffion & la déclaration des droits qui la garantit.

Art. 17. Lorfque le danger de la patrie aura ceffé, l'affemblée nationale le déclarera par la formule fuivante: Citoyens, la patrie n'eft plus en danger. Cette formule mérite une explication: le peuple peut l'adopter, fi l'intention du corps légiflatif a été de faire, de laiffer la nation elle même juge de la ceffation du danger de la patrie; mais fi le corps législatif a cru que ce jugement étoit de fa compétence, il s'eft trompé, & la nation ne peut promettre d'avance d'obéir à un décret qui pourroit dans la fuite la replonger, malgré elle, dans la nullité, l'apathie & l'afferviffement. Ici, comme dans toutes les questions importantes, il n'y a qu'un feul principe, duquel découlent toutes les décifions', toutes les conféquences parti culières; c'eft dans ce principe unique que nous trouvons la réfutation de cet article comme de tous les précédens: le corps législatif a lui-même fait ceffer fes fonctions législatives en publiant le danger de la patrie. Par l'effet de cet acte, les membres de la législature ne font plus que les préfidens du peuple, & l'on fait que par-tout les préfidens ne font que les premiers entre leurs pairs, ayant feur voix comme tous les autres, mais n'ayant que leur

voix comme le dernier des membres de l'affemblée qu'ils préfident: ce principe établi, l'affemblée nationale n'a pas le pouvoir de faire ceffer l'effet de fa publication, pas plus qu'elle n'a celui de faire ceffer les dangers; c'est à la nation feule à fe mettre en garde, à attaquer, à combatttre, comme ce fera à elle à faire déclarer par fes préfidens que la patrie a ceffé d'être en danger, après qu'elle aura remporté la victoire & assuré la paix & le bonheur public.

Si cette loi éternelle pouvoit être enfreinte, à quel déluge de maux ne ferions-nous point expofés? Français patriotes! ne perdez pas de vue que le décret qui déclare la patrie en danger a été rendu à l'unanimité: fongez que Dumas, que Jaucourt, , que Ramond, que Girardin, que Vaublanc, que tous les infâmes ont concouru à ce décret, & ne pensez pas que ces vils inftrumens de la tyrannie comptent parmi les dangers de la patrie ni l'abus de la puiflance royale, ni l'armement des puiffances étrangères, ni la corruption des directoires de département, ni la malveillance conftante de Louis XVI, dont ils font les complices: non, des législateurs tels que ceux-là ne voient les dangers de la patrie que dans le courage impatient des Français dans l'utilité des fociétés populaires, dans l'énergie des foldats, dans la pourfuite opiniâtre de la liberté; & fi vos bons représentans font difpofés à ne croire la patrie fauvée qu'après que la nation fouveraine aura châtié, écrafé, pulvérifé tous fes ennemis, les députés du côté du roi ne voient ce qu'ils appellent auffi le falut du peuple que dans fa fervitude & dans fon abaiffement; enfin nous favons que dans peu les traîtres doivent livrer quelques-unes de nos villes frontières; nous favons qu'alors le roi & les émigrés feront paroître un manifefte; nous favons que ce manifefte propofera le rétabiiffement de la nobleffe, & la formation d'une feconde chambre. Or, fi les députés qui fiègent du côté du roi pouvoient faire décréter cette tranfaction infâme par la majorité de l'affemblée nationale, ils déclareroient alors que la patrie a ceflé d'être en danger, &, pour prix de fon obéiflance aveugle, la nation recevroit des fers.

Sufpenfion de MM. Petion & Manuel.

Pétion avoit empêché le fang de couler; il avoit em

pêché que la journée du 20 fût une journée de mort & de carnage; il avoit rendu à fon pays, à la capitale un des plus importans fervices qui foit au pouvoir d'un magiftrat. Cette conduite avoit attiré fur la tête un concert unanime de reconnoillance & de bénédictions; les méchans feuls ofdient blâmer Pétion : le roi, quelques directoires de département, Lafayette & Coblentz, voilà les ennemis du maire de la capitale; mais n'étoit-ce point affez pour attirer fur lui les perfécutions de l'infame directoire préfidé par le duc de la Rochefoucault.

Ce directoire, le même qui a demandé avant Lafayette la deftruction des fociétés populaires, qui a provoqué les vero liberticides, qui a fait déployer le drapeau martial au champ de mars, qui vouloit le faire déployer le 18 avril, lors du départ de Saint - Cloud; ce directoire dont l'honnête homme ne fe rappelle pas l'existence fans frémir d'indignation; enfin ce directoire, que dis-je ! le confeil général du département de Paris ofa, dans une de fes féances, prononcer un arrêt de fufpenfion contre deux des plus dignes magiftrats du peuple.

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A peine cet arrêté fut-il fignifié au vertueux maire & au courageux Manuel, qu'un mouvement fubit d'indignation paffa dans tous les coeurs, & que la capitale fut prête à fe mette en état d'infurrection contre les brigands qui venaient de lui arracher fes magiftrats. Pétion fit afficher l'avis fuivant à fes concitoyens; & peut-être ce n'eft qu'à cet acte d'une infigne modération que les membres du département font redevables de.......... la tranquillité dont on les a laiffé jouir.

« Le département vient de prononcer fur les événemens du 20 juin, je fuis fufpendu de mes fonctions. Recevez cette décifion, comme je l'ai reçue moi-même, avec calme & fang-froid. Bientôt une autorité fupérieure prononcera, & j'espère que l'innocence fera vengée de la feule manière digne d'elle, par la loi. PÉTION.

Ce fut en vain que l'exécrable directoire de Paris tenta de faire afficher fon arrêté; parmi tous les afficheurs on ne trouva pas un feul homme qui voulfit prêter sa main à l'injustice exercée contre ces deux magiftrats du peuple. Faftes de l'histoire, ouvrez-vous pour configner ce fait! il donne la véritable mefure du patriotisme & du difcernement du peuple; il honore, il juftifie cette claffe refpectable de citoyens que le defpotifme a tant calomniés.

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