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à l'effet de quoi il leur est enjoint d'aller au- devant de ces mêmes officiers - généraux, s'ils le trouvent néceffaire.

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>> Voici, monsieur, ce qui est arrivé depuis. Le 10, il est arrivé une lettre de Flandre, par laquelle un fieur Beaurain écrit, sous double enveloppe au fieur Çalonne. Je l'ai remise moi-même, & j'ai vu celui qui la lifoit laisser échapper des marques de joie, j'ai cherché à me la procurer; & le même jour, vers cinq heures, j'ai pu la prendre dans le carton. Je commençois à lire, lorsque le sieur Calonne est entré; il n'a pas fait femblant de le remarquer; mais, le 11, j'ai reçu, à fix heures du matin, une somme de 600 livres & mon congé. Tout ce que je puis dire de cette lettre, c'est qu'elle commence par ces mots : Tout va toujours le mieux du monde pour nous; les chefs sont d'accord sur les moyens. Elle est timbrée au bas de la première page. J'ai profité de mon congé pour venir faire l'aristocrate ici, & retirer vingt louis que j'ai eu la foiblesse de prêter à un de ces hoberaux, dont les trois-quarts meurent de faim'; j'espère cependant être payé, & pouvoir repartir le 25 ou 26 d'ici, pour me rendre à Paris, par la Flandre Française. Mon premier soin, monsieur, fera d'aller vous voir. Comme je ne puis y aller en poste, je ne suis pas sûr d'y être avant le 8 ou 10 juillet; je vous porterai des notes sur la farce de Coblentz & j'irai admirer avec le plus grand plaifir l'assemblée nationale, & entendre encore les airs chéris de la liberté ». (Extrait du journal de M. Robespierre).

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ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du mercredi soir 20 juin 1792.

El'e a été remplie par les rapports successiss des députations envoyées chez le roi par l'assemblée, MM. Regnault, Beaucaron, Beugnot, Dumas, Adam & Baert ont en beau crier que le roi étoit dans le plus grand danger, que le représentant héréditaire de la nation avoit été infulté, menacé, avili par la foule armée qui

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étoit entrée au château, les différens rapports des députations se sont accordés pour prouver que le roi étoit tranquille & n'avoit rien à redouter, & que les députés de l'assemblée nationale avoient reçu par-tout fur leur passage les témoignages les moins équivoques de confiance & de respect.

La municipalité de Paris a paru à la barre, M. Pétion & deux officiers municipaux compofoient la députation; ils ont été vivement applaudis des tribunes & d'une moitié de l'assemblée. M. Pétion a pris la parole, il a rendu compte des mesures prises par la municipalité pour éviter le désordre & légaliser le rassemblement armé, des ordres donnés à cet effet aux commandans de bataillons de réunir fous leurs drapeaux les citoyens de toutes armes, &c. Quelques membres demandoient qu'il fût fait mention honorable de la conduite de la municipalité. Les cris de MM. Jaucourt, Becquey & Dumolard ont fait passer à l'ordre du jour.

On a fait lecture d'une lettre du général Luckner, qui confime la prise de Courtray, il n'y étoit parlé ni de la prife d'Ypres, ni du grand nombre de prifonniers annoncés la veille. Les troupes françaises ont été très-bien reçues par les habitans de Courtray.

Séance du jeudi 21. M. Bigot-Préameneu a demandé, comme motion d'ordre, que l'assemblée consacrât par un décret le principe que, des pétitions, aucuns citoyens ne puissent se rassembler sous prétexte de présenter en armes. Cette proposition a été suivie des plus violens débats; enfin elle a été amendèe & décrétée en ces termes après l'urgence préalable.

<< L'assemblée nationale confidérant que tout ce qui a l'appareil de la force doit être écarté des corps délibérans, & qu'il est instant de rappeler ce principe essentiellement lié aux bases de la conftitution & de l'ordre social, décrète que désormais, sous aucun prétexte que ce puisse être, aucune réunion de citoyens armés ne pourra se présenter à sa barre, défiler dans la salle de ses séances, ni se présenter à aucune autorité constituée ».

Immédiatement après grand nombre de citoyens de la ville de Versailles font venus présenter une pétition & un don patriotique, ils ont été admis à défiler devant l'assemblée, & l'ont fait conformément au décret.

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Les miniftres font arrivés & ont remis la lettre que

nous avons tranfcrite dans le dernier numéros Elle a été renvoyée au comité des douze, ainsi que la correfpondance du ministre de l'intérieur avec le directoire du département de Paris, relative au rassemblement de la veille.

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Le ministre des affaires étrangères est venu notifier à Passemblée la neutralité de la république de Gênes pendant la guerre.

L'assemblée a décrété qu'il seroit mis à la disposition du ministre de la marine la somme de fix millions pour les armemens de protection de notre commerce.

M. Couthon, après un préambule, dans lequel il a rappelé l'expression si souvent mise en avant par le roi de ses sentimens d'amour du bien public, a demandé que l'assemblée s'occupât enfin de la question de savoir fi les décrets de circonstance sont sujets au veto. Le ci-devant côté droit a crié à la constitution, la motion de M. Couthon a été écartée par la question préalable.

Séance du jeudi foir. Une lettre de M. Rhederer annonçant qu'un rassemblement armé se portoit vers le château des Tuileries, a jeté quelques inquiétudes dans l'assemblée; M. Cailhasson propofoit qu'elle se transportât toute entière auprès du roi, M. Cambon demandoit la question préalable sur cette proposition, plusieurs membres ont affuré que le rassemblement n'existoit point; M. Pétion a confirmé cette assertion: on demandoit que le procureur-syndic du département fût mandé pour rendre raison de fa lettre. Pendant cette discussion, il en est arrivé une autre de lui, qui a annoncé la difperfion du prétendu rassemblement. M. Rhœderer prioit P'assemblée de l'excuser s'il y avoit quelque chose de précipité dans son zèle. M. Charlier a demandé que le commandant-général fût mandé, séance tenante, pour savoir en vertu de quel ordre il avoit rassemblé des forces au château. M. Pétion, qui étoit encore à la féance, en ayant obtenu les honneurs, s'est replacé à la barre: il a dit que c'étoit par ses ordres que la garde du château avoit été doublée.

Séance du vendredi 22. L'assemblée a reçu beaucoup de députations de Paris & des départemens, qui apportoient des offrandes patriotiques pour le soutien de la guerre: elle a renvoyé à son comité militaire quelques demandes du ministre de la guerre, sur des objets rela

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tifs à son département; ensuite elle a passé à l'ordre du jour, qui étoit la discussion du mode de constater l'état civil des citoyens relativement aux naissances, mariages & fépultures. Il a été décrété unanimement, comme principe, que les officiers municipaux feroient chargés de recevoir & conserver les registres de naissances, mariages & décès.

M. Guitton - Morveau, rapporteur de la nouvelle commission des douze, a obtenu la parole. Avant, a-t-il dit, de fixer votre attention sur les grandes mesures qui doivent fauver l'état, il est une mesure préparatoire que nous croyons devoir vous proposer. Voici le projet de décret. L'assemblée nationale décrète que tous les miniftres du roi se rendront demain, a anidi, à l'assemblée natio nale. Le président leur adressera la parole en ces termes :. Meffieurs, deux objets importans appellent l'attention de P'assemblée; 1°. les moyens de contenir, d'anéantir le fanatisme; 2°. l'établissement d'une armée de réserve entre les frontières & la capitale. Le roi est chargé de veiller à la sûreté publique. L'assemblée nationale vous ordonne de rendre compte, par écrit, des moyens employés pour remplir ce devoir. Le projet présenté par M. Guitton eft mis aux voix & adopté à l'unanimité, au milieu des applaudissemens.

L'ordre du jour appeloit le rapport du comité de legislation sur le mode d'abolir ou de modifier les jugemens rendus par les anciens tribunaux, dans le cas où les circonstances rendent le délit ou nul, ou excusable, ou moins grave. M. Goujon a combattu quelques dispositions du projet de décret présenté par M. Hua, rapporteur du comité; il a présenté diverses observations, & propofé un autre projet de décret. L'assemblée a ordonné l'impresfion du tout.

Le ministre de la guerre a fait passer l'état effectif des troupes qui font dans les départemens du Haut & du Bas-Rhin. Il y a 46,195 hommes.

L'aflemblée a entendu la suite d'un rapport fur les dépenses de 1792. On proposoit d'augmenter le traitement des premiers commis des miniftres; Messieurs Lamark & Cambon ont obtenu le rejet de cette proposition.

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Séance du vendredi soir. Après la lecture de plusieurs lettres, & l'audition de quelques pétitionnaires, le ministre de la guerre a apporté à l'assemblée un message du roi, qui propose la levée de quarante deux bataillons de volontaires, qu'il destine à couvrir la capitale. On a décrété le renvoi au comité militaire. Le ministre a ensuite notifié la lettre suivante de M. Lafayette.

Du camp de Tenières, le 20 juin, l'an quatrième. « J'ai fait un mouvement dans mon armée pour occuper l'ennemi, afin de l'empêcher de se porter sur l'armée de M. Luckner. L'ennemi a suivi mes mouvemens, & les deux armées se trouvent très-rapprochées. Nos patrouilles se rencontrent & se fufillent à chaque instant. Les renseignemens que j'ai pris sur l'affaire du 11, m'apprennent qu'il y a eu plus de tués que nous ne l'avions pensé d'abord. La raison en est que des détachemens s'étoient fufillés à travers des haies éparses, & qu'on n'avoit pas pu compter dans le premier moment l'effet de leur feu. Il est rentré trente-fix blessés à l'hôpital. Le bataillon de la Côte-d'Or est le corps qui a le plus souffert; mais la perte de l'ennemi a été beaucoup plus considérable que la nôtre. Signé, LAFAYETTE ».

Séance du famedi 23. M. Guitton-Morveau a déposé fur le bureau & fait renvoyer à la commiffion des douze. des procès-verbaux envoyés par le département de la Côte-d'Or. Les habitans de Dijon, en recevant la nouvelle du combat où plusieurs de leurs concitoyens ont péri, ont appris que parmi les cadavres des ennemis on a reconnu plusieurs prêtres français déguisés. Une indignation universelle s'est emparée de tous les esprits. Le 18 de ce mois, à huit heures du foir, cent vingt prêtres non-fermentés ont été enlevés & transportés dans la maifon du féminaire de Dijon; ils y font encore détenus. Aucune scène sanglante n'a accompagné cet événement, & chaque jour les prêtres détenus reçoivent tout ce qui leur est nécessaire. La commission des douze fera inceffamment fon rapport fur cette affaire.

Sur le rapport de M. Calvet, l'assemblée a décrété que les militaires pourront toucher leurs créances fur l'état, en produisant un certificat de fix mois de résidence, délivré par le confeil d'administration du régiment où ils fervent, & visé par un commissaire des guerres.

M. Jonnot, membre du comité militaire, a fait décréter plusieurs articles additionnels à la loi fur la gendarmerie nationale; le comité en présentera incessamment la rédaction définitive.

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