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des ennemis implacables mais adroits vous ont surpris ils n'ont point changé; ils soutiendront toujours leur cause avec le même acharnement. Défendez celle de la patrie avec le même courage; mais point de paixni trève entre les bons & les méchans, il n'y a que les derniers qui en profitent.

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Quelques bons patriotes des campagnes (2), & même de la ville, éloignés du grand théâtre, ou qui n'en voient pas les machines, viennent vous féliciter fur cette heureuse réunion; répondez-leur avec franchise: comme vous nous avons cru un moment à la possibilité d'une réconciliation; mais il y a tant de perfidie & d'astuce dans un certain côté, on y répète tout haut : la conftitution avec la liberté; mais tout bas onidit: le despofifme par la conftitutien. Désormais nous ferons davantage fur nos gardes; la concorde est sans doute néceffaire plus que jamais, à présent que la patrie est en danger. Mais, ce feroit le calcul d'une fausse politique, que de fraternifer avec nos ennemis domestiques, afin de mieux résister à ceux du dehors; de faux amis sont plus à craindre qu'un adversaire en face Guerre aux Autrichiens, mais point de trève aux aristocrates, aux royalistes, aux feuillantins; en un mot à tous ceux qui ont déchiré du livre de la constitution les feuillets des droits de l'homme, qu'ils voudroient faire passer pour une préface qu'on peut se dis penser de lire.

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La Patrie en danger.

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Le moment est arrivé d'examiner la question la plus importante qui puisse fixer l'attention des publicifte des patriotes. L'assemblée nationale l'a enfin prononcée,

qu'un baifer d'amourette. Le peuple, plus énergique & plus vraí, l'a qualifiée de baifer de Judas, de reconciliation normande.

(2) Plusieurs sections de Paris, les habitans de Corbeil, &c. La section des Quatre-Nations a fait un repas en réjouissance de la réconciliation. Elle se propose d'en donner un aux fédérés cantonnés sur son territoire. Toujours des repas.

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cette formule terrible ce signal du péril, cet appel au courage du peuple: CITOYENS, LA PATRIE EST EN DAN GER. Or, que signifient ces mots ? C'est de leur interprétation que dépend aujourd'hui le fort de la liberté française. S'il n'y avoit en France ni imprimerie, ni journaux, ni lumières, ni opinion publique; fi les Français vivoient ifolés comme des fauvages, ou entaflés comme des barbares; fi nos relations externes & notre pofition intérieure n'étoient pas auffi bien & fouvent mieux connues des 'représentés que des représentans; enfin fi Paffemblée nationale avoit affaire à un peuplé ignorant, flupide, imbécille, nous dirions que la déclaration du danger de la patrie n'est & ne peut être considérée que comme un avertissement folennel que la France eft menacée par les puissances étrangères; que le roi de Hongrie taffemble tous ses esclaves; que le roi de Pruffe est à la tête d'une armée nombreuse; que les émigrés font, dans le moment actuel, rangés en bataille, quê les tyrans fubalternes de la Germanie ont tous pris part an concert des grandes puissances; que la Ruffie fait paf fer aux princes ligués une armée auxiliaire de ving: quatte mille hommes; que la Sardaigne eft prête à le joindre à eux; que l'Espagne n'attend que le moment de faire une invafion par les Pyrénées; que Lafayette S'est lui-même désigné comme le généralislime de toutes ces troupes; que Louis XVI favorise Lafayette & la ligue; que le plus implacable ennemi de la liberté, c'est la cour; que tous les jours, à chaqué instant, on y ourdit des trames nouvelles; que Louis XVI y a établi un tribunal d'inquifition, où les patriotes font interrogés, vexés, en présence des ambafladeurs étrangers; que le département de Paris est le premier instrument dont se sert la cour pour opprimer la liberté; que la majorité des autres directoires de département, que prefque tous les administrateurs, presque tous les tribunaux de justice, presque toutes les autorités conftituées, font formellement les complices de Louis XVI, d'Antoinette fa femme, du général rebelle, de la cour de Berlin & de la cour de Vienne; que Louis XVI accorde une protection éclatante aux feditieux, aux fanatiques, aux arti fans de la guerre civile ; que que cet ennemi, déguifé sous le nom de roi constitutionnel des Français, nous a fait, Juiseul, plus de mal que ne peuvent nous en faire tous N°. 157. Tome 13.

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les despotes & tous les oppresseurs de l'Europe; que les juges de paix du département de Paris sont devenus entre les mains du roi des instrumens de persécution; enfin que par l'influence de la liste civile, par l'injuste rigueur du pouvoir exécutif envers les amis de la révolution, par la constante diffimulation de tous les outrages, de tous les attentats à cette même révolution, la France est tombée dans un état convulfif qui la précipite constamment vers la servitude ou l'anarchie....

Oui, la déclaration du danger de la patrie devroit être considérée sous cet aspect; oui, elle se réduiroit à un fimple manifeste, à une simple publication de faits, fi les faits fur lesquels elle est fondée n'étoient également sus de tous les Français; mais comme toutes les villes, toutes les bourgades, tous les hameaux de l'empire ont retenti cent fois des perfidies de Louis XVI, de la scélératesse de sa cour, de l'incivisme des généraux, de la corruption des administrateurs & des juges; comme l'assemblée nationale elle-même n'a appris tant d'atrocités que de la voix des citoyens français, nous avens droit d'en conclure que la mesure qu'elle vient d'adopter n'est pas simplement un avis, puisque cet avis feroit inutile, furabondant, nous dirons même outrageant pour le peuple. Ne feroit-ce pas l'outrager que de lui annoncer ftérilement des faits, des persécutions dont il a été le témoin, la victime & le dénonciateur? Nous ne pouvons pas supposer que le corps législatif soit une afsemblée d'idiots & d'imbécilles, & le corps législatif se roit une assemblée d'idiots & d'imbécilles, s'il n'avoit pas eu d'intention, en proclamant le danger public. Quelle est donc cette intention? quel a été le but moral du légifslateur? Nous l'appercevons distinctement dans la nature même de sa proclamation. La patrie ne feroit point en danger, fi le corps législatif avoit en main les moyens & la faculté de le prévenir: elle ne seroit point en danger, si la constitution autorisoit le corps législatif à user de toutes les ressources de la nation; elle ne feroit point en danger, fi le corps législatif pouvoit s'emparer de la dictature, &, fans avoir égard à la constitution, déclarer nuls les veto apposés à les décrets, suspendre les nobles de leurs fonctions, nommer des généraux patriotes, & faire exécuter les loix par des agens intéreslés au maintien de la liberté; enfin la liberté ne feroit poin

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en danger, si, pour résister à une armée de deux cent mille hommes, (1) le corps législatif pouvoit ordonner librement des levées, s'il pouvoit seulement donner à nos armées la direction qu'exige la nature de cette guerre; mais comme la constitution lie les mains au pouvoir lé giftatif, comme nos représentans n'ont reçu de mission que pour maintenir la constitution telle qu'elle est & s'y tonformer, il est évident qu'en déclarant que la patrie eft en danger, l'assemblée nationale a, par le fait, dé claré qu'elle n'avoit pas les moyens de fauver la patrie, qu'elle remettoit ce foin au peuple, en le chargeant d'opérer lui-même son salut. Oui, voilà le sens immédiat de la déclaration du corps législatif; par cet acte, le peuple se trouve ressaisi de l'exercice de la souveraineté; les assemblées primaires sont devenues permanentes; elles ont repris leur ancienne forme & leur ancienne confiftance; elles sont aujourd'hui ce qu'elles étoient au 14 juillet 1789, & il ne feroit pas difficile de prouver que les directoires de département, de district, que les municipalités, les tribunaux, le pouvoir exécutif, la royauté, enfin toutes les autorités constituées sont suspendues par le feul effet de la déclaration que la patrie est en danger.

La patrie est en danger, & des députés extraordinaires de tous les départemens sont à Paris; la patrie est en danger, le peuple est en insurrection. Quel beau mouvement ! quelle crise sublime! Français ! vous allez donc devenir libres? << A l'instant que le peuple est légi>> timement assemblé, dit l'auteur du Contrat social, >> toute jurisdiction du gouvernement cesse, la puissance, >> exécutrice est suspendue, & la personne dú dernier ci >> toyen est aussi sacrée & inviolable que celle du pre>> mier magiftrat, parce qu'où se trouve le représenté; >> il n'y a plus de représentant. La plupart des tumultes * qui s'évevèrent à Rome dans les conciles, vinrenz » d'avoir négligé ou ignoré cette règle. Les confulst, >> alors, n'étoient que les présidens du peuple; les tri>> buns de fimples orateurs; le fénat n'étoit rien du tour >> Ces intervalles de suspension, où le prince reconnoît

(1) Les notes officielles attestent que les princes ligués p'ont pas même encore 200 mille hommes effectifs.

➡ ou doit reconnoître un supérieur actuel, lui ont tous >> jours été redoutables; & ces assemblées du peuple, qui sont l'égide du corps politique & le frein du gouvernement, ont été, de tous temps, l'horreur des chefs: autli n'épargnent-ils jamais ni foins, ni objections, ni difficultés, ni promesses, pour en rebuter >> les citoyens »,

Non, législateurs! depuis que vous avez déclaré la patrie en danger, depuis que les quatre-vingt-trois dér partemens ont envoyé des députations nombreuses à Patis, depuis que le peuple de France est assemblé, depuis qu'il est infurgé, vous n'êtes plus que ce qu'étoient les confuls à Rome dans les momens d'insurrections; vous êtes les présidens du peuple, vous devez recueillir son vœu, & vous n'aurez plus qu'à le proclamer, quand il l'aura émis d'une manière folennelle. Ne croyez pas que vos fonctions en soient moins augustes; croyez, au contraire, que dans la nature & la société, il ne peut rien exister de comparable à la fublime miffion à laquelle vous êtes appelé; vous êtes véritablement devenus les pères du peuple; fi vous êtes justes & grands, vous ferez ses conducteurs : & quel fuperbe emploi que celui de conduire un grand peuple ǎ la gloire & à la liberté !

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Il-eft temps que tous les prestiges disparoissent, que les préjugés s'évanouissent, que toutes les fausses terreurs se diffipent; il faut être libre, & l'occafion est belle. Français! notre pufillanimité nous a fait manquer une première révolution : manquerons-nous la seconde? Non, nous ne la manquerons pas, ou nous ferions des lâches, des ilotes, de vils esclaves que le ciel n'auroit pas fait pour la liberté; & loin de nous l'idée de cette calomnie, loin de nous l'idée que de courageux citoyens n'ont abandonné leurs femmes, leurs foyers, leurs affaires domestiques, que pour venir signer à Paris une nouvelle transaction avec le despotisme.

On croit peut-être qu'il faut un grand courage, de grands efforts, de grands facrifices pour faire cesser les dangers de la patrie? On se trompe; il ne faut que de la bonne foi, de l'harmonie, du désintéressement; c'està-dire l'intérêt public, l'intérêt de tous, substitué à l'aveugle ambition, à l'insatiable avidité de quelques-uns. La bonne foi dont nous parlons, confiste à avouer frang

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