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&y foit garanti de toute attaque par toute la force pu blique, & qu'on voit cependant que le palais donné par la nation. à fon repréfentant héréditaire a été forcé, que la majefté de la nation a été offenfée dans la perfonne de ce repréfentant, qui a été infulté, dont les jours ont été en péril, & que l'un des premiers pouvoirs conftitués a été ainfi troublé dans fa liberté, fans laquelle il ne peut lui-même exercer la fonction, qui lui eft remife, de protéger la liberté de tous & de chacun: on ne peut se déterminer à refter, fur un tel malheur public, dans un criminel filence.

Nous vous demandons de déployer toute l'énergie de yotre zèle pour laver la nation de la honte qui lui feroit imprimée par les attentats de plufieurs citoyens, dont quelques-uns font profondément coupables, & dont le plus grand nombre a été trompé, séduit, égaré. Nous vous demandons de porter l'oeil le plus févère fur la conduite des moteurs, inftigateurs & chefs du raffemblement, fur celle du maire & des officiers municipaux, qui ont ordonné d'ouvrir les avenues du château, & le château même,

Nous vous demandons fpécialement d'ordonner que le commandant général foit deftitué de fes fonctions, comme ayant exposé la sûreté du roi & compromis l'honneur de la garde nationale, fi l'honneur d'un foldat n'étoit pas avant tout dans la difcipline.

» Les attentats qui ont été commis, paroiffent, pour la plupart, l'effet d'une confpiration contre les pouvoirs établis par la conftitution, ou plutôt contre la conftitution elle-même. Mettez, messieurs, une barrière invincible à de femblables machinations, Les citoyens fouffignés vous le demandent au nom de la déclaration des droits, au nom de l'intérêt général de la nation, au nom de l'intérêt spécial des citoyens de Paris, refponfables, fur leur honneur, de la liberté & de la sûreté des repréfentans élus, & du représentant héréditaire de la nation..

» Songez, messieurs, en combien de manières la loi & la conftitution ont été violées; songez au spectacle que Paris, que le lieu de votre réfidence & de celle du roi, a donné mercredi aux quatre-vingt-trois dépar départemens & à l'Europe, voyez à quoi vous obligent la qualité de représentans de la nation & le devoir de législateurs, à la fidélité, defquels le dépôt de la conftitution a été confié ».

Mais que peuvent ces vains efforts contre le courage & la fainte colère des départemens? Le corps politique eft ébranlé, la France entière et debout, cette France qu'on peis Téx

gnoit jadis fous, la figure d'une femme foumife, n'eft plus qu'un lion courroucé, prêt à dévorer plus d'une proie; déjà fes longs rugiffemens ont retenti dans le fein du corps législatif; déjà fa voix menaçante a pénétré, jufques dans le palais de la tyrannie; il s'approche; l'heure de la vengeance eft fonnée, & le defpotifme, va être dévoré à son tour. Marseille, Rennes, Dijon, Grenoble, Lyon & cent autres villes ont reçu le fignal; Brest le leur a donné, Breft s'achemine vers le lieu du péril & de la gloire; & quand les patriotes Parifiens ferreront dans leurs bras tous les patriotes des départemens, quefdeviendront quelques milliers de lâches pétitionnaires? que deviendra cette illufion métaphysique de la royauté ?

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A la veille de ces grands événemens, les adreffes les plus fortement prononcées font applaudies dans l'affemblée nationale; elle en décrète l'impreffion & l'envoi ; elle avoue que la patrie eft en danger; elle ne craint pas de fe voir entourer des légions nationales des quatrevingt-trois départemens: fans doute elle fent l'impoffibilité de fauver feule la chose publique; elle voit avec joie le peuple, venir à fon aide.

Tel eft l'effet qu'a produit la falutaire journée du 20 juin. Le roi & Lafayette imaginent en vain qu'ils reculeront la catastrophe; celui-ci par l'affiche de fes lettres à l'affemblée nationale & au roi, & Louis XVI par la propo, fition hypocrite de la formation de quarante-deux nouveaux bataillons Plus Lafayette donne de publicité à fes lettres, & plus il détache de lui ceux de fes partifans qui étoient encore de bonne foi. Plus Louis XVI affiche fa propofi tion d'un camp de réserve entre Paris & la frontière, & plus if prouve à la nation que cette mesure n'est qu'une fupercherie inventée pour faire oublier la fédération propofée par le miniftre Servanter

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Il paroit que le général Luckster a férieufement embrassé le parti de la majorité. Ce foldat a eu le bon efprit de rejeter les propofitions de Lafayette; il a refufé hautement de fe prêter à fes petites manoeuvres, & Lafayette n'a jamais été auff embarraffé qu'il l'eft aujourd'hui. On auroit bien voulu faire battre Luckner, on auroit bien voulu faciliter l'invafion des troupes étrangères par la dé faite de fon armée; mais Luckner a connu ces deffeins & il marche à grands pas vers Gand & Bruxelles. Sa tactique eft parfaitement entendue, car elle déconcerte autant Lafayette que les Autrichiens. Quelques patriotes ont paru alarmés de ce que le roi lui avoit donné carte blanche, parce que, difent-ils, le ministère eft par là dé

eargé de toute refponfabilité. Cela eft vrai; mais entre deux maux il faut choifir le moindre, & tous les bons citoyens doivent préférer que Luckner, avec ou fans refponfabilité, foit chargé de l'événement d'une guerre auffi importante, plutôt qu'un miniftre, dont la refponfabilité ne fauroit tranquillifer un inftant la nation. La feule réflexion qui afflige les amis de la liberté, c'eft que Luckner, ayant carte blanche, eft obligé de concerter fes opéra tions avec Lafayette, & que celui-ci n'en pourra que plus facilement entraver la rapidité de fa marche. Si Lafayette n'eft pas favant dans l'art militaire, il eft favant dans l'art de l'intrigue & de la duplicité. Il ne manquera pas de tendre des piéges à Luckner, qui peut-être finira par y tomber. Il ne faut que connoître la cour pour affurer qu'en lui donnant carte blanche, on a eu intention de le perdre. Ce qui raffure quant à préfent, c'eft la pofition refpective des armées. L'armée ennemie eft partagée en deux corps, ainfi que l'armée française. Luckner pourfuit le premier corps, l'épée dans les reins. Lafayette eft obligé de faire face au deuxième corps campé fous Mons & Tournay; de manière que fans une trahifon ouverte, il ne peut pas aujourd'hui favoriser les Autrichiens; il ne peut exécuter fon projet que par le moyen de la jonction de fon armée avec celle de Luckner & Luckner s'eft toujours tenu écarté de lui.

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Une grande faute qu'a commife l'affemblée nationale; c'eft de n'avoir pas mandé Lafayette à la barre, après la lecture de fa lettre elle eût du moins épargné au coupable un nouveau crime; elle eût empêché un pas de plus vers la tyrannie.

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La moitié de Paris regardoit encore comme apocryphe la lettre de M. Lafayette, lorfque jeudi dernier, 28 juin il parut à la barre de l'affemblée nationale, au milieu des applaudiffemens forcenés du côté du roi. Après avoir affuré l'affemblée qu'il s'étoit concerté avec le général Luckner, & que fon abfence ne compromettoit ni le fuccès de nos armes, ni la sûreté de l'armée, M. Lafayette dit qu'il venoit, 1°. pour avouer fa lettre du 16, fur l'authenticité de laquelle on avoit ofé élever des dou tes; 2. pour apporter l'expreffion de l'indignation de tous les bons citoyens, & particulièrement de l'armée, sur les événemens de la journée du 20 juin, & demander que les auteurs de ces événemens fuffent poursuivis comme criminels de lèle nation. Nous fupprimons tout ce qu'il a répété sur la néceffité de réprimer les factieux &

de diffoudre les Jacobins; il eût pu s'en tenir à fa lettre Reprenons.

M. Lafayette affure que s'étant concerté avec le général Luckner, fon éloignement ne peut compromettre les faccès de notre armée. Sans doute c'eft comme s'il eût dit qu'en fon abfence aucune affaire ne doit être engagée; autrement il faudroit le foupçonner de s'être abfenté exprès pour ne pas s'y trouver. Mais il eft donc bien sûr des généraux autrichiens? Et en cas d'invafion, à quoi aboutiroit de s'être concerté avec Luckner, dont l'armée eft à trente lieues de la fienne?

).

Il eft venu pour avouer fa lettre. Eh! fans fe déplacer fon aveu étoit dans fon filence; mais il étoit bien aise de parler de l'honorable rempart que l'affection des troupes forme autour de lui. Nous aimons à croire que le général n'a eu en vue que l'état-major, autrement l'armée devroit exiger de lui réparation de fa calomnie.

Mais la raifon plus puiffante de fa venue à Paris, c'eft de demander au corps législatif qu'il faffe poursuivre comme criminels de lèse-nation les infligateurs des violences commifes le 20 juin aux Tuileries; &, pour s'y autorifer, le géneral nous dit que plufieurs corps de fon armée lui ayant déjà adreffé des pétitions qui exprimoient le même vou, il les a défendues, pour le conformer à la loi qui ne veut pas que la force armée délibère, & qu'en conféquence il vient lui-même présenter cette pétition au nom de son armée.

Mais comment en connoît-il le vou, s'il en a empêché l'expreffion? & de quel droit un général d'armée, un pays qui fe dit libre, quitte-t-il fon pofte pour venir rappeler les législateurs au maintien de la conftitution, lui qui vient d'avouer qu'elle défend à la force armée de délibérer? Eh! chaque parole fortie de sa bouche étoit ane violation de cette conftitution; il eut cependant les honneurs de la féance.

Ceux qui avoient applaudi Lafayette lorsqu'il entra, l'applaudirent de nouveau lorfqu'il eut parlé. M. Guadet fut le premier à témoigner fon indignation fur la conduite du général; il propofa d'interroger le miniftre de la guerre s'il lui avoit donné un congé pour quitter fon armée, puis de renvoyer à la commiffion des douze, déjà chargée de l'examen de la lettre du 16. M. Ramond, ci-devant fecrétaire de Lafayette, s'oppofe vivement à la première mefure propofée, il invoque la queftion préalable; il entreprend le dégoûtant panégyrique de fon protecteur, & demande qu'on renvoie au comité pour favoir l'on lui votera des éloges. A l'inftant le côté du roi,

foutenu de fon préfident Girardin, fait fermer la difcuffion et décrète la motion de M. Ramond: une partie de l'affemblée fe foulève, réclame contre le décret; en vain le préfident veut-il le maintenir, le tumulte va croiffant, de toutes parts on crie fur lui à l'Abbaye; les propofitions font remises aux voix, mais le côté du peuple, n'y gagna rien, & en fuite d'un appel nominal, il fut décrété qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur la demande propofée par M. Guadet. Lafayette étoit déjà forti, il montoit chez le roi aux applaudiffemens des valets du chateau; le lendemain il avoit quitté la capitale.

Jufte ciel! quel avenir fe préfente à nos efprits! Sylla profcrivit plus de 200 fénateurs, il profcrivit plus de 40000 citoyens, il profcrivit tous ceux qui ne baiffoient pas le front devant lui; eh bien! la lifte des fociétés populaires eft pour Lafayette la lifte de profcription; plus de deux cent fénateurs, plus de 600 mille citoyens font infcrits fur cette lifte. Français ! fouffrirez-vous que Lafayette par vienne à ce degré de puiffance qui le rende maître de la, vie de tout ce qui refpire pour la liberté !

Dans la féance de vendredi, le miniftre de la guerre fit part à l'affemblée d'une dépêche du général Luckner, qui gémit, ainfi que M. Lafayette, fur les événemens du 20 juin, & qui complimente le roi fur fon courage. Cette lettre-ci n'a pas fait la même fenfation que l'autre ; on favoit d'avance par quelles manoeuvres elle avoit été extorquée au général Luckner, qui, nous l'avons déjà dit, n'eft point aflez en garde contre les piéges fans nombre qu'on va lui tendre. Au refte, on peut juger fes intentions d'après cette phrafe de fa lettre, dont il nous doit l'expli cation: les fuccès euffent été plus grands, fi l'on cút voulu Coopérer avec moi.

Tandis que M. Lafayette admoneftoit l'affemblée, les troupes qu'il commande fe battoient. Le miniftre a annoncé qu'il y avoit eu une action très-vive auprès de Maubeuge. dans laquelle notre avant-garde, aux ordres de M. Lalle mand, a triomphé; elle a fait quatre-vingt-trois prifonniers, dont cinq officiers; trente-cinq Autrichiens font reftés fur le champ de bataille. Nous n'avons perdu que trois hommes, fix aurres ont été bleffés.

Dans la même féance, le miniftre des affaires étrangéres a annoncé la rupture de la Pruffe, & le retour de notre ambaffadeur. La Sardaigne & la Rufie entrent auffi dit on, dans le concert des puiffances. Français, ne vous alarmez point, ce n'est pas là que font vos plus dangereux ennemis.

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Rapport

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