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hors l'obéissance, font offenfantes pour la tyrannie; mais nous ne comprendrons jamais que celui qui parle de confcience & d'amour pour le bien public se soit cru sincérement outragé par la démarche héroïque & tranquille de quarante mille citoyens, que ce seul amour avoit amené dans fon palais.

« Le roi ignore quel sera le temps où ils voudront s'ar" rêter ». Les factieux l'ignorent aussi ; car ils ne s'arrêteront pas que Louis XVI n'en ait donné le premier exemple. << Mais il a besoin de dire à la nation française que la "violence, à quelque excès qu'on veuille la porter, ne >> lui arrachera jamais un consentement à tout ce qu'il >> croira contraire à l'intérêt public ». Vous l'entendez, Français! voilà la conscience de Louis XVI, voilà comme il aime la liberté, comme il reconnoît lindépendance & la fouveraineté de la nation. Quelque demande qu'on lui faffe, de quelque manière qu'on la fasse, on ne lui arrachera jamais fon consentement à tout ce qu'il croira contraire à l'intérêt public, c'est-à-dire au retour des miniftres patriotes, au décret sur les prêtres, au décret sur le camp, à toutes les loix, à toutes les mesures commandées par l'opinion publique, & décrétées par les repréfentans de la nation.

« Le roi expose sans regret sa tranquillité, sa sûreté ». Sa sûreté, oui. De quelque nouveau crime qu'il se couvre, il trouvera sûreté parmi ceux-là qu'il qualifie de factieux. Sa mort n'importe pas aux amis de la liberté; elle n'importe qu'à Coblentz, qui veut régner sans lui; elle n'importe qu'à la faction dont nous dévoilerons tout-à-l'heure les trames. Mais fi Louis XVI est en sûreté sous la garde des citoyens de Paris, s'il est en sûreté parmi les plus grands ennemis des abus de la royauté, comment lui, l'auteur de tous ces abus, peut-il être tranquille ? Le renvoi de bons ministres, ses veto assassins, ses machinations, ses complots, ne font-ils pas des crimes, & les rois feroient-ils exempts de remords?

« Le roi facrifie sans peine la jouissance des droits qui ap> partiennent à tous les homines, & que la loi devroit >> faire respecter chez lui comme chez tous les citoyens». Il facrifie fans peine.... Mais qui pourra se faire à l'idée de facrifice à côté de l'idée de roi des Français ? Vingt-cinq millions de liste civile, de nombreux domaines, neuf châteaux somptueux, un palais immenfe, la possession des plus belles productions des arts & du génie, des prerogatives fans nombre, enfin tous les bienfaits de la nation accumulés sur une seule tête.... & l'objet de tant de complaifances ofe parler de facrifices !

<< Mais s'il peut faire le sacrifice de fon repos, il ne fera >> pas le facrifice de ses devoirs ». Son devoir & fon repos sont inséparables: on ne peut se reposer que fur l'accomplissement de son devoir; & fi Louis XVI remplissoit le fien, si seulement il le remplissoit à moitié le peuple n'est, hélas! que trop disposé à lui laisser goûter le repos, & à facrifier son temps & ses sueurs pour le lui procurer.

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<< Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont be>> soin d'un crime de plus, ils peuvent le commettre ». Cette provocation est indécente; disons atroce. Ne diroit-on pas que l'établissement de la monarchie est une religion nationale, qu'il n'y a que des impies qui ne foient pas les amis de gouvernement monarchique, & que tous ceux à qui Louis XVI a fait détester cette forte de gouvernement font des meurtriers, des aslassins ? Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont besoin d'un crime de plus, ils peuvent le commettre.... C'est-à-dire que si l'on veut obtenir des miniftres patriotes, si l'on veut que le veto suspensif ne soit pas rendu absolu, si l'on veut que la constitution marche, il faut assassiner Louis XVI? Je fuis, dit-il implicitement, je suis résolu à devenir votre victime, ou à vous enchaîner dans les fers de la conftitution. Cette constitution a été faite pour moi; je prétends l'étendre à mon gré; je me ris du vœu de la nation; je veux faire triompher les armées ennemies; je veux que les prêtres séditieux prêchent la révolte & le fanatisme; je veux la guerre civile, je veux la banqueroute, je veux le massacre de la France je veux le retour de l'ancien régime par l'abus du nouveau; je veux tout cela; mon parti est pris, & vous m'égorgerez plu-tôt que de m'y faire renoncer. C'en est fait, le fanatifme a aliéné sa raison; l'abbé Lanfant veut faire de Louis XVI un saint, un martyr....

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<<< Dans l'état de crise où la monarchie se trouve, le roi >> donnera jusqu'au dernier moment, à toutes les autorités conftituées, l'exemple du courage & de la fermeté » qui seuls peuvent sauver l'empire ». C'est donc en conféquence de cette invitation tacite de ce cri féditieux, de cet appel matériel à la guefte civile, que déjà deux adminiftrations de département, fans compter celle de Paris, sont venues se ranger sous la bannière de Louis XVI. Voyons comment s'exprime le directoire d'un de ces départemens.

Arrêté du directoire du département de la Somme, au sujet des événemens du 20 juin. Le directoire extraordinairement affemblé

assemblé le 21 juin, informé des événemens arrivés à Paris le 20 du inême mois Horh s

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A arrêté & arrête ce qui suit : « Le roi sera remercié de la fermeté qu'il a montrée lors de l'attroupement sé ditieux du 20 du présent mois, d'avoir foutenu la dignité de la nation, en refusant, au péril de sa vie, decéder aux menaces d'une foule de gens fans aveu, armés contre la loi, & d'avoir ufé avec courage du droit que lui donne, la conftitution, dont la garde lui est spécialement confiée à l'effet de quoi, deux députés du directoire du département feront envoyés sur le champ à Paris pour presenter à sa majesté son hommage, son attachement & le témoignage de la reconnoissance publique.

>> Ges députés seront chargés de rendre compte journellement au directoire des manœuvres & des projets des factieux, de veiller à la conservation de la personne du roi & de sa famille, & de périr, s'il le faut, auprès de lui pour sa défense & le salut de l'état. Seront lesdits dé-putés chargés d'offrir le secours des gardes nationaux des deux cents bataillons de ce département, dans le cas où la garde nationale de Paris se trouveroit insuffisante pour assurer la vie du roi & la liberté du corps législatif: déclare que les citoyens gardes nationaux de ce dépar tement font dès à présent conflitués en état de réquisition permanente, &c. ».

Au département de la Somme a fuccédé le départe ment de l'Indre, qui est également venu appeler la sévérité de l'assemblée sur les événemens du 20; mais les citoyens ne se laissent plus tromper, ils savent bien que ces interventions ne sont pas spontanées, ils savent que c'est la cour qui tâche de mettre en litige quelques grands corps pour prendre ses fait & cause, & donner quelque poids à ses moyens d'attaque. La conformité de mois & principes que l'on remarque dans les adresses de ces départemens, & la prétendue proclamation du roi, font voit qu'on emploie en cet instant les manœuvres qu'on employa jadis dans l'assemblée constituante pour faire car nonifer l'affreuse boucherie du champ de Mars. Nous nous attendons à voir encore quelques-unes de ces administrations à la barre de l'affemblée nationale pour la même cause; mais quand il s'en présenteroit vingt, quand il s'en présenteroit trente, feroit-ce la majorité de l'empire? Et quand toutes les administrations ensemble se présenteroient pour plaider la cause du veto & calom mier les falutaires mouvemens du peuple, quel effet pourroit-on encore attendre de cette intervention admi No. 155. Tome 12.

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ninistrative? Les administrateurs ne sont pas le peuple, le peuple seul est souverain; & dès qu'il s'agit d'une infurrection, d'une question de droit national, d'une mefure de falut public, les administrateurs ne font plus que de fimples citoyens dont la voix se perd dans l'immenfité de la puillance populaire. Les loix, la constitution règlent les fonctions & les pouvoirs des adminiftrateurs, & ceux-là qui font venus en corps se plaindre à l'assemblée nationale ou au roi des prétendus excès de la journée du 20, ont eux-mêmes commis un attentat à la loi, qui ne leur permet pas de faire des pétitions en nom collectif.

Administrateurs de la Somme & de l'Indre, vous n'êtes pas moins méchans, moins perfides, moins contre-réveJutionnnaires que ceux de Paris; mais ceux de Paris font vos maîtres en adresse & en déguisement hypocrite; ils ne s'emportent pas, comme vous, ils flattent, ils carettent pour ne faire tomber les coups de leur vengeance que fur les têtes qui leur font désignées par la cour. A vous entendre, vous, ces 40 mille citoyens qui ont défilé en présence du corps législatif, sont 40 mille séditieux; mais le département de Paris veut bien, ainsi que le roi, ne voir dans la multitude que des gens égarés, & ne compter de coupables que parmi ceux-là qu'on nomme les chefs de l'opinion populaire. Ah! cette démarche est bien plus politique! Si l'on parvenoit à séduire le peuple, comme il le fut le 17 juillet, on pourroit vouer quelques têtes fuperbes à la proscription, tandis qu'il est matériellement impossible de l'étendre sur une une très-grande masse d'hommes; le despotisme ne peut tous les signaler.

Si nous en croyons les administrateurs du département de Paris, toute insurrection est devenue impoffible; il ne peut plus naître que des féditions, des émeutes, des révoltes puniffables; toutes les autorités doivent être respectées; c'est un nouveau bonheur pour la France que le roi ait donné une nouvelle preuve de sa liberté, & quand la nation entière sera levée, il sera facile de réprimer cette émeute nationale, en faisant punir les chefs. Quel monstrueux assemblage d'absurdités! Nous allons voir bientôt ce que peuvent les valets de la tyrannie contre un peuple en courroux.

Du reste la cour, qui touche au moment de sa deftruction, qui voit toute prête à éclater une infurrection universelle, qui entend le cri d'indignation des citoyens des quatre-vingt-trois départemens de l'empire; la cour ne s'est pas bornée à demander l'appui de quelques administrations mercenaires, elle a aufli appelé à fon fecours

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tous les particuliers qu'elle a pu corrompre, en faisant déposer chez les notaires de Paris une pétition dans le fens de celles de la Somme & de l'Indre. Voici cette pièce extorquée à l'imbécillité du vulgaire; on la dit revêtue de 16 mille signatures; mais qui oferoit affurer qu'il y en a mille? Combien d'individus auront signé chez 16 notaires différens!

«Messieurs, les citoyens soussignés viennent partager votre douleur sur les événemens qui se sont pallés mer credi dernier dans la demeure du représentant héréditaire de la nation, & qu'ils auroient voulu prévenir au prix de leur fang.

>> Il est manifeste que ces événemens n'auroient pas eu heu, 1°. fi le chef & les instigateurs du rassemblement n'avoient pas persisté dans la violation de la loi, qui nẻ pouvoit leur être inconnue, puisqu'elle avoit été rappelée dans les délibérations du conseil général de la commune, & par l'arrêté du département; 2°. fi la municipalité eût rempli le devoir que la loi lui impofoit, & que l'arrêté du corps administratif supérieur lui prescrivoit; 3°. fi le commandant-gnéral eûtobéi à la loi qui lui ordonnoit de repousser la force fans réquifition, lorsqu'on attaquoit le poste où il commandoit.

>> La garde nationale, tant celle qui étoit au château, que celle qui formoit la réserve de chaque quartier, a eu la douleur, qui approche du désespoir, d'être dénuée de tout ordre du commandant, & de ne pouvoir y suppléer ellemême, sans violer toutes les loix de la difcipline, dont elle doit & a toujours donné l'exemp'e. Dans cette privation abfolue d'ordres militaires, les passages ont été ouverts, & le courage de la garde nationale enchaîné au château même, sur les réquifitions multipliées de plusieurs officiers municipaux en écharpe, & parlant, disoient-ils, au nom de la loi.

>> Nous vous remercions, messieurs, du décret que vous avez rendu pour empêcher que désormais une force armée puisse marcher, malgré la loi, vers le lieu de vos séances, y pénétrer, sous prétexte de pétitions ou de fêtes, y interrompre vos délibérations, y confumer en vaines défilades le temps que vous devez à la nation entière.

>> Malheureusement ce remède pour l'avenir ne répare point le passé. Lorsque l'on compare les principes de la constitution avec les événemens de la journée de mercredi demier, qu'on admire la sagesse de la loi, qui veut que tout citoyen trouve un afile inviolable dans sa maifon,

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