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dance du cœur contre tous les abus & tous les délinquans publics, quels qu'ils foient on les entend furtout médire contre le chef du pouvoir exécutif; & ils difent pour leurs raifons que le chef du pouvoir exécutif fe permet bien le premier de calomnier le peuple & fes repréfentans, & de faire l'éloge de ceux-là précifément que l'opinion publique & les décrets ont flétris & mis à leur place; il échappe à ces citoyens exaltés des vérités fortes & crues, mais bonnes à dire dans un temps d'orage, pendant lequel il feroit fi imprudent de refter affoupi.

Il en eft aufi, & nous en convenons fans peine avec le fieur G. Delfau, qui paffent la mefure, & confeillent le meurtre, & du gefte & des yeux & de la voix ; mais faut-il apprendre au député de la Dordogne que ces déclamateurs fanguinaires font foudoyés par des mains invifibles, & lâchés parmi le peuple, afin de le porter à des excès, & tâcher de fournir des prétextes plaufibles pour lui infliger quelques décrets répreffifs, attentatoires à fa liberté, & que fembleroient juftifier les circonftances.

Au lieu de donner des leçons de police au maire de Paris, le député de la Dordogne devroit bien plutôt fe tranfporter dans les bureaux de l'administration, pour y donner fon avis & propofer les moyens les plus propres à pouvoir trier les agens gagés de ceux qui ne le font pas, & démêler les bonnes intentions des uns d'avec les mauvaises des autres. La liberté des opinions a auffi fes petits inconvéniens comme toutes les bonnes chofes. Nous ferions trop heureux, fi elle n'avoit que celui d'entretenir le peuple dans une falutaire défiance à l'égard du plus irréconciliable de fes ennemis.

Au refte, il nous femble que ce n'étoit point au fieur Delfau à jeter la première pierre contre M. Pétion. Nous nous en rapportons là-deffus au public, qui est à même de juger entre le maire de Paris & le député de la Dordogne. Celui-ci, du moins, devroit favoir qu'il eft peu décent à un légiflateur de chercher à faire perdre la confiance méritée que le peuple a dans fes magiftrats. Ne pouvoit-il pas, au lieu de s'adreffer au Logographe porter fes plaintes au directoire ? il y eût trouvé des gens tout difpofés à faire droit à fes réclamations.

En

En décembre 1789, nous inférâmes, no. 24 de ce journal, p. 50, l'extrait d'un interrogatoire fubi par M. l'abbé accufé Dupleffis, prêtre de la paroiffe Saint-Gervais

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par le ci-devant procureur du roi au châtelet d'avoir répandu dans le public des lettres incendiaires & anonymes propres à troubler la tranquillité des Parifiens; nous devons dire aujourd'hui que le quatrième tribunal provifoire, faifi de cette affaire par jugement du 27 mars. dernier, vient de décharger M. l'abbé Dupleffis de l'accufation intentée contre lui, en l'autorisant à faire imprimer & afficher ce jugement à fes frais jufqu'à la concurrence de 300 exemplaires.

ASSEMBLÉE

NATIONALE.

Séance du famedi 15 juin 1792.

M. Dumas étoit chargé du rapport de l'infurrection qui a éclaté dans le camp, fous Neufbriffac, & qui a néceffité la diffolution de ce camp.

Cette infurrection a eu pour caufe le paffage de deux voitures chargées d'armes, venant de l'étranger, allant en tranfit en Suiffe. Des volontaires nationaux ont arrêté les voitures; elles ont été pillées. Le maire de Neufbriffac & M. Darlande, officier-général, qui ont voulu faire refpecter la loi, ont été faifis par les foldats; leurs vêtemens ont été déchirés; ils ont échappé à la mort par les fecours de quelques foldats. M. Broglie, officier fupérieur, a voulu vifiter avec M. Reubel, procureurgénéral du département, le camp; il a voulu y rétablir l'ordre; il a été menacé, couché en joue par des volontaires du premier bataillon de l'Ain & du fixième du Jura. Le camp a été diffous. M. Broglie a déclaré aux révoltés qu'il les puniffoit en les privant de marcher les premiers au combat; il les à mis en feconde ligne. Le comité militaire a propofé de forcer les deux bataillons à livrer & à défigner les coupables, à peine de licencîment. Le projet du comité fera imprimé; il eft ajourné.

M. Carnot, membre du comité militaire, fait un rap port fur la propofition de mettre à la difpofition du mi niftre de la guerre une fomme de plufieurs millions pour acheter des armes. M. Cambon a demandé que l'affemblée, avant de décréter aucune fomme, fe fit mettre No. 154. Tome 12.

F

fous les yeux les états de cette dépenfe. L'affemblée a décrété qu'il fera diftribué trois cent mille fufils aux gardes nationaux du royaume, & principalement à ceux des frontières. Pour l'emplète de ces fufils, i fera remis des fonds à la difpofitions du miniftre de la guerre, trois millions par trois millions, à mesure des achats. Les fufils qui feront achetés feront du prix au maximum de 30 livres, & au minimum de 24 livres. Tous les armuriers & fabricans font invités à en présenter au miniftre. Les fufils qui feront livrés aux gardes nationaux, feront marqués des lettres A. N., arme nationale. A la fin de la guerre, ces armes refteront aux citoyens qui s'en feront fervis pendant la guerre. Quelques difpofitions additionnelles ont été renvoyées au comité.

Séance du foir. M. Pastoret a fait, au nom du comité d'inftruction publique, un rapport fur la pétition de M. Palloy, tendante à lui obtenir la permifhon d'élever un monument fur l'emplacement de la Baftille. Le décret fuivant a été rendu.

Art. Ier. «Il fera formé fur l'ancien terrain de la Baftille, une place qui portera le nom de Place de la liberté.

II. » Il fera élevé au milieu de cette place une colonne furmontée de la ftatue de la liberté.

III. » La première pierre des fondations fera pofée le 14 juillet prochain, par une députation de l'affemblée nationale, dans le lieu fur lequel la colonne fera élevée. Le pouvoir exécutif donnera à cet égard les ordres néceffaires.

IV. Les plans, deffins & devis de Pierre-François Palloy, font renvoyés au pouvoir exécutif pour les examiner, les comparer avec tous ceux qui ont été présentés ou qui pourroient l'être, & en rendre compte enfaite à l'affemblée nationale.

V. » Il fera ouvert à cet effet, pendant quatre mois, un concours auquel feront invités les artiftes de tous les départemens de l'empire.

VI. » L'affemblée nationale voulant, conformémen à fon décret du 11 mars dernier, donner à Pierre-François Palloy un témoignage de la reconnoiffance publique, lui accorde une partie de terrain qui formoit l'emplacement de la Baftille. Cette pofition fera déterminée par un décret particulier, fur le rapport des comités réunis des domaines & d'inftruction publique,

VII. » L'affemblée nationale fe réferve de ftatuer fur la vente ou l'emploi de tout le refte du terrain, d'après les plans qui lui feront préfentés pour la formation de la place.

VIII. » La démolition des tours de la Baftille fera inceffamment achevée ».

Séance du dimanche 17. Sur le rapport d'un membre du comité militaire, l'affemblée a décrété que le département de Paris eft autorisé à compléter les deux compagnies de gendarmerie qui font le service des prisons, par des fujets pris dans le corps des ci-devant gardes des ports. La taille de cinq pieds trois pouces fuffira pour être admis.

Des citoyens de la fection de la Croix-Rouge font venus à la barre. Après avoir réclamé contre l'ufage fait par le roi du droit de veto, en l'appofant fur deux décrets falutaires, contre les témoignages d'approbation donnée à fa garde, quoique licenciée pour fait d'incivilme; contre le renvoi des miniftres ils ont invité l'affemblée à prendre des mesures dans les circonstances critiques où la France fe trouve, & ils ont demandé un décret qui ordonnât la permanenee des comités de fection.

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Sur la motion de M. Goupilleau, appuyée par M. Lafource, il a été décrété qu'il feroit nommé à l'inftant une commiflion chargée de faire connoître la fituation critique où nous fommes, d'en rechercher les causes, & de présenter des moyens de prévenir les maux qui nous

menacent.

Sur une pétition des fections de la fection de Bondy, l'affemblée nationale a décrété, comme principe, que tous les citoyens feront perfonnellement le fervice de la garde nationale, fauf les exceptions prononcées par les Joix précédentes, & a renvoyé à fes comités de légiflation & militaire, pour lui préfenter, dans le plus court délai, les conféquences du principe ci-deffus décrété.

M. Sergent, adminiftrateur du département de la police de Paris, a envoyé copie d'une déclaration faite par un citoyen devant le juge de paix de la fection des Poftes. Il réfulte de cette déclaration que le fieur Nicolas Taupin a été invité à venir à l'affemblée avec vingtcinq autres citoyens, fous prétexte de préfenter un don patriotique au nom du faubourg Saint-Marcel, qui, s'é

tant préfentés le 14, & n'ayant pu être admis, les vingtcinq citoyens conduits par le fieur Gatin, furent invités à revenir le dimanche, & que le fieur Gatin leur paya du vin, & donna un affignat de 30 fous au fieur Taupin déclarant, à qui cette conduite a infpiré des foupçons, M. Goupilleau a demandé le renvoi au comité de furveillance, parce qu'il exiftoit déjà à ce comité une déclaration faite par un infpecteur des tribunes, qui avoit dit qu'on avoit voulu payer des citoyens pour venir aux tribunes huer les opinions contraires aux Feuillans. Le renvoi a été décrété. M. Thuriot a demandé que le juge de paix de la fection des Poftes fût tenu d'envoyer une expédition de la procédure qu'il a inftruite à ce fujet. MM. Creftin, Bigor & plufieurs autres membres, ont combattu cette propofition comme inconstitutionnelle & ufurpatrice du pouvoir judiciaire. Après quelques débats, la propofition de M. Thuriot a été décrétée.

Beaucoup de dons patriotiques ont ensuite été reçus, & plufieurs pétitionnaires ont été admis à la barre.

Un rapporteur du comité de féodalité a lu la rédaction du décret rendu avant hier pour la fuppreffion, fans indemnité, de tous les droits cafuels féodaux, qu'un titre primitif ne démontrera pas être le prix d'une conceffion de fonds. Après l'adoption de cette rédaction, l'affemblée a décrété que les arrérages de ces droits, qui ne font pas payés, ne le feront point, fans cependant préjudicier aux droits des femmes. Les droits cafuels qui feroient perçus pour des mutations poftérieures au décret, feront reftitués. La propofition étoit faite par le comité d'indemnifer les étrangers poffeffionnés en France, qui ont acheté des droits féodaux. L'affemblée en a décrété l'ajournement. L'aflemblée a renvoyé au lendemain les articles additionnels à cette loi.

Séance du lundi 18. M. Amelot a annoncé le brûlement de 4 millions d'affignats; en tout 544 millions retirés de la circulation, Le montant du papier-monnoie aujourd'hui en circulation, eft d'un milliard fept cent cinq millions, pour atteindre le maximum de l'émiffion, fixé à dixhuit cent millions; il refte à émettre & à employer 95 millions. L'aflemblée a reçu enfuite plufieurs dons patriotiques.

Une lettre du roi a annoncé qu'il avoit nommé M. Cham

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