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coupable espoir, les calomniateurs de la journée du 20: Tout le peuple de France, l'Europe entière saura que Louis XVI n'a couru aucun danger, puisqu'il est encore plein de vie & de santé, qu'il n'a pas même été pressé par ceux qui l'entouroient ; elle saura qu'il n'a point été avili ni contraint, puisqu'il n'a rien signé ni promis, ayant été pendant deux heures à la discrétion de dix mille hommes, venus exprès pour lui demander la sanction de deux décrets falutaires. (Et certes, on ne dira pas que les sept ou huit gardes nationaux qui étoient près du roi en eussent imposé au peuple; s'il avoit eu dessein de le violenter, cette supposition seroit par trop absurde.) L'Europe entière saura que le complot étoit formé de mettre aux prises les citoyens en uniforme & les citoyens armés de piques, & que fans la bonne contenance de ceux-ci & le bon esprit de la saine partie de la garde nationale de service au château, on eût peut-être engagé ce combat, précurseur d'une guerre civile dans toute la France, & dernier espoir de nos ennemis. Mais reprenons l'ordre des faits.

Lorsque tout le peuple se fut retiré du château, le roi fit dresser, par un juge de paix, procès-verbal du dégât qu'il prétendit y avoir été commis, sous prétexte de jouir, ainsi que tout autre citoyen, du bénéfice de la loi. Mais la vérité est que ce procès-verbal n'est qu'une pierre d'attente. Au surplus, ce dégât a été évalué, dit-on, à mille écus. Plût à Dieu que, chaque jour, depuis le commencement de fon règne, Louis XVI & fa famille n'en eussent commis en France que pour le double !

A peine cette grande journée fut-elle connue à Verfailles, que les citoyens de cette ville, en reconnoiffance des 5 & 6 octobre, font accourus à Paris offrir leurs bras & leurs armes à leurs frères de la capitale.

<< Législateurs, ont-ils dit à la barre de l'assemblée nationale, les 83 départemens vont former dans leur sein des légions prêtes à voler sur les murs de Paris au premier danger de la patrie. Oh! qu'elle seroit belle cette fédération dans laquelle nous embrasserions nos frères & nos amis des départemens ! Qu'elle feroit utile à notre cause, & formidable à nos oppresseurs, cette réunion d'hommes libres & courageux, dans les temps où un général, à la tête de son armée, ose dicter des loixà Passemblée nationale! &c. &c, &c. n.

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Eh bien! qui croiroit qu'après cet événement, après l'adresse de Marseille, après la defcente des habitans de Versailles, après le projet de réunion de tous les départemens de la France, après la volonté générale & conftante de voir marcher la constitution, après la promesse de Louis XVI de faire droit aux réclamations du peuple, qui croiroit qu'il a encore une fois trahi fa foi, qu'il a eu l'audace d'adresser le lendemain la lettre suivante à l'affemblée nationale?

<< M. le président, l'assemblée nationale a déjà connoif>> sance des événemens de la journée d'hier. Paris en eft >> fans doute dans la consternation; la France les ap>> prendra avec un étonnement mêlé de douleur. J'ai été >>> très-sensible au zèle que l'assemblée m'a témoigné dans >>> cette circonstance. Je laisse à sa prudence de recher>>> cher les causes de cet événement, le soin d'en peser >>> les circonstances, & de prendre les mesures nécef>>> saires pour maintenir la constitution, afsurer l'inviola>>> bilité & la liberté constitutionnelle du représentant hé> réditaire de la nation.

» Pour moi, rien ne peut m'empêcher de faire, en >>> tout temps & dans toutes les circonstances, ce qu'exi>>> geront les devoirs que la constitution que j'ai acceptée >>> m'impofe, & les vrais intérêts de la nation française. Signé, Louis; contre-figné, DURANTHON ». C'est-à-dire que rien ne pourra l'empêcher de chaffer les ministres patriotes, de s'entourer de contre-révolutionnaires, & de frapper du veto tous les décrets capables d'affurer la liberté publique. Paris, dit-il, est dans la consternation. des événemens de la journée du 20 juin. Oui, Paris est dans la consternation, mais c'est de voir que cette journée n'a pas eu l'effet que les amis de la liberté s'en étoient promis; & fi la France eft frappée d'étonnement & de douleur quand elle apprendra les suites de ce grand événement, elle ne s'étonnera, elle ne pleurera que furl'endurcissement dans lequel est tombé ce roi dont l'ame est inaccessible aux cris de la raison, de son intérêt propre, & fur-tout de cette nation généreuse dont il devroit tous les jours bénir la clémence, au lieu de l'opprimer, au lieu d'écouter les suggestiors de prêtres hypocrites & féditieux de l'ex - évêque de Clermont, de l'abbé Lanfant, son confesseur, & de quelques autres qui lui soufflent sans cesse le venin de la difcorde, & font

briller à ses yeux les torches du fanatisme. Rien, dit-il, ne pourra le contraindre à signer des décrets contre les prêtres; plutôt il ira rejoindre à Saint-Denis les-manes de ses pères, que de lever ses veto : enfin on le dit réfolu à mourir martyr de la royauté & de la foi. Tel est le degré de fureur auquel on assure qu'il est parvenu. Cet état de choses présage de grands malheurs. Le roi est soutenu par Lafayette; ce général lui dit de perfifter, & il perfiftera. L'infurrection du peuple a fourni de nouveaux alimens à la haine du despote, & déjà la majeure partie de l'assemblée nationale partage sa fureur contre-révolutionnaire. L'orateur du peuple, à la barre de l'assemblée nationale, a dit que toujours le peuple résisteroit à l'oppreffion; mais si cette oppression vient de ses représentans, si elle eft appuyée par un général puissant, par une partie de la force publique, alors les Parifiens n'ont plus à espérer de falut que dans le prompt secours des départemens : c'est aux départemens à finir la révolution; le peuple de la capitale l'a commencée.

On vient de nous adresser de Brest, aujourd'hui 22, une adresse conçue dans le même esprit que celles de Marseille & Versailles. Nous sommes étonnés que les secrétaires de l'assemblée nationale ne lui en aient pas encore donné lecture. « Nous sommes debout, disent >> les braves Bretons, & cent cinquante lieues seront >> bientôt franchies; fi un décret sanctionné ne nous trace >> pas la route, notre civisme nous guidera, &c. &c. ».

Six cents volumes in-folio de titres de noblesse, brûlés place Vendôme.

Mardi dernier, 19 juin, veille du jour à jamais célèbre par le serment sublime du jeu de paume, tandis que plusieurs patriotes alloient à Versailles pour en célébrer l'anniversaire, le directoire de Paris, pour se conformer au décret du 12 mai, livroit folennellement aux flammes les archives de l'ordre du Saint-Esprit, & tous - ces vieux parchemins, titres de noblesse des gentilshommes français, depuis le déluge. Cet auto-da-fé, un peu tardif, eut lieu, place Vendôme, en présence du peuple de

bout & de Louis XIV à cheval.

Autant les habitans d'Alexandrie eurent de déplaisir en voyant le vainqueur & farouche Omar incendier leur bibliothèque savante & précieuse, autant on ressen

!

tit de joie, qui ne fût mélangée d'aucun remords, en réduisant en cendres toutes ces paperasses bizarrement coloriées, à la conservation desquelles les potentats de l'Europe coalifés s'agitent contre la France libre. Ce vieux amas de fottes recherches, ce corps irréfragable de preuves historico-menfongères, dont nos maisons aristocrates étoient si vaines, ces hochets du despotisme orgueilleux ont enfin disparu, & à l'exécution fut présente l'effigie de ce monarque superbe & fans entrailles qui facrifia constamment, pendant un règne beaucoup trop long, d sa chère noblesse, le repos, les trésors & les droits d'une nation patiente & débonnaire.

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Ce fut une fête pour les citoyens spectateurs, qui ne s'y trouvèrent pas en assez grand nombre. La plupart crurent avoir remporté un grand avantage sur les émigrés; mais qu'on ne croie pas que ceux-ci se tiendront pour battus & anéantis. Se comparant modestement au phénix qui renaît de ses cendres, ils ne feront pas embarraffés, quand il le faudra, de se faire deffiner de nouveaux titres tout aussi authentiques que ceux qui viennent d'être brûlés. Que les deux chambres si désirées soient décrétées demain, nous verrions dès aprèsdemain les membres de la chambre haute s'intituler ducs & pairs, & en conféquence placarder sur les panneaux de leurs voitures ces mêmes armoiries dont nous venons de faire enfin justice.

Ce directoire qui fait aujourd'hui parade de son civisme, en affichant l'annonce du brûlement des archives, feroit le premier à les rétablir; & fans doute qu'un sieur Démeunier, ci-devant mauvais copiste aux gages des libraires, un sieur Garnier, ci-devant procureur en Ja cour, demanderoient & obtiendroient des lettres de noblesse pour aller de pair avec leur digne président, si, conformément au vœu qu'ils viennent d'exprimer impertinemment dans leur lettre à M. Roland, il n'y avoit plus de sociétés populaires, ni de presses libres.

Mais se contentera-t-on de brûler les titres de noblesse? C'est comme si on se contentoit d'arracher & de mettre en pièces le masque dont se couvrent les brigands & les traîtres, fans le mettre en devoir de s'assurer de leurs perfonnes & de leur lier les bras. Tandis qu'on brûloit à la place Vendôme, Antoinette disoit peut-être à fon mari: Qu'ils brûlent même votre généalogie s'ils veue

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lent, pourvu qu'ils ne touchent point à notre lifle civie, & qu'ils nous laissent notre veto. Avec l'une, nous pourrons faire tout le mal que nous voudrons; avec Pantre, empêcher tout le bien dont ils s'aviseront.

On avoit proposé au directoire d'élever sur la place Vendôme une décoration qui eût représenté un grand arbre généalogique, fur chaque branche duquel on auroit lu le nom d'une des grandes maisons de France; mais c'eût été faire au public trop de plaifir à la fois. Le directoire s'en tint à ce qu'il ne pouvoit refuser pour obéir à la loi.

Quand donc fera-t-on à la raison un autre facrifice expiatoire, qui lui fera pour le moins tout auffi agréable, c'està-dire, le brûlement de tous les livres qu'entanta la théologie? Nous demandons grace pour la bible, à cause du chapitre de Samuel concernant la royauté; nous y renvoyons nos lecteurs ; il est parfaitement à l'ordre du jour: c'est au chapitre VIII, verset onzième & fui

vans.

Harangueurs publics.

Non-feulement sur les terrasses du jardin des Tuile ties, comme s'en plaint un sieur G. Delfau, député du département de la Dordogne, dans sa lettre à M. Pétion, inférée au Logographe, n°. 262, mais encore fur les vieux boulevards & ailleurs, il se trouve des endoctrineurs publics, qui, montés sur des chaises ou des pierres, improvisent au milieu d'un cercle d'auditeurs avides. Ces orateurs en plein vent se sont diftribués les rôles; les uns s'attachent spécialement à la lévite des prêtres réfractaires & même constitutionnels; les autres aux épaulettes de tous les états-majors, à commencer par celui de la garde nationale parisienne. Ceux-ci en veulent à Pécharpe des municipaux; ceux-là au panache des juges: d'autres portent les yeux plus haut, & n'épargnent point les administrateurs du département & les miniftres du roi. Le premier de tous les fonctionnaires est le principal objet de leurs philippiques. Parmi tous ces Démosthène nés de la révolution, il faut pourtant faire des diftinctions, & ne pas les envelopper tous dans le même anathême, à l'exemple du député Delfau.

* Il en est de très-bonne foi, & qui déclament de l'abon

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