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Réunion des Citoyens du faubourg S. Antoine et St Marceau allant à l'assemblée nationale présenter une Petition et de suite

une autre chez le Roi.

THE ROWY OK PUBLIC LIETARY

AS CRENOX AND TILDEN FOCAPATIONS

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Libres & fans culottes,

nous en conserverons au moins les lambeaux.

Peuple, garde nationale, nous ne faisons qu'un; nous ne voulons faire qu'un.

Arrivée rue Saint-Honoré, la marche qui grossissoit à chaque pas, étoit véritablement imposante & folennelle. Cette foule d'individus de tous états, sous tous les costumes, armés comme ils avoient fait en juillet 1789, de tout ce qui étoit tombé sous leurs mains, marchoit dans un désordre qui n'étoit qu'apparent. Ce n'étoit point une cohue; c'étoit tout le peuple de la première ville du monde, plein du sentiment de la liberté, & pénétré en même temps de respect pour la loi qu'il s'eft faite. La fraternité touchante & l'égalité faisoient seules les honneurs de cette fête, où se trouvoient pêle-mêle, & se donnant le bras, les gardes nationaux en uniformes & fans uniformes, plus de deux cents invalides centenaires, & grand nombre de femmes & d'enfans de tout âge, très-peu d'épaulettes; mais des bonnets rouges, tous les charbonniers, tous les forts de la halle en bonne contenance. Parmi les armes de toutes fortes, dont cette masse d'hommes étoit hérissée, on appercevoit des rameaux verds, des bouquets de fleurs & des épis de bled. Une joie franche animoit ce tableau, &

passoit dans l'ame des regardans; en forte qu'à mesure qu'on avançoit, le rassemblement devenoit immenfe.

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Et c'est ainsi qu'on arriva entre une heure & deux dans la cour des Feuillans. L'on fut introduit, fans avoir trop attendu, dans la falle de l'assemblée nationale malgré les vociférations du côté du roi, & en dépit du sieur Ramond, qui ce jour-là ne fit pas preuve de fon esprit ordinaire; car il opinoit pour qu'on désarmât tout ces bonnes gens avant de leur permettre de défiler. On auroit dû le charger, lui, de cette besogne. Défarmer foixante mille hommes du 14 de juillet!.... L'adresse dont ils étoient porteurs est l'une des plus énergiques qu'on ait encore entendue. La voici:

Législateurs, le peuple, français vient aujourd'hui vous présenter ses craintes & fes inquiétudes. C'est dans votre sein qu'il dépose fes alarmes, & qu'il espère trouver enfin le remède à ses maux. Ce jour lui rappelle l'époque mémorable du 20 juin au jeu de paume, où les représentans du peuple se sont réunis & ont juré à la face du ciel de ne point abandonner notre caufse, de mourir pour la défendre. Rappelez-vous, messieurs, ce serment facré, & fouffrez que ce même peuple affligé, à fon tour, vous demande si vous l'abandonnerez.

Au nom de la nation qui a les yeux fixés fur cette ville, nous venons vous affurer que le peuple est debout, est à la hauteur des circonstances, & prêt à se servir de grands moyens pour venger la majesté du peuple outragé. Ces moyens de rigueur font justifiés par l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme: résistance à l'oppreffion. Quel malheur cependant pour des hommes libres qui vous ont tranfmis tout leur pouvoir, de se voir réduits à la cruelle nécessité de tremper leurs mains dans le fang des confpirateurs! Il n'est plus temps de le dissimuler, la trame est découverte; l'heure eft arrivée, le sang coulera, ou l'arbre de la liberté, que nous allons planter, fleurira en paix.

Légiflateurs, que ce langage ne vous étonne pas. Nous ne fommes d'aucun parti. Nous n'en voulons adopter d'autre que celui qui fera d'accord avec la constitution. Les ennemis de la patrie s'imagineroient-ils que les hommes du 14 juillet font endormis ? S'ils leur avoient paru l'être, leur reveil est terrible. Ils n'ont rien perdu de leur énergie. L'immortelle déclaration des droits de T'homme est trop profondément gravée dans leurs cœurs. Ce bien précieux, ce bien de toutes les nations fera défendu par eux, & rien ne fera capable de le leur ravir.

Il est temps, messieurs, de mettre à exécution cet article II des droits de l'homme. Imitez les Cicéron & les Démosthène, & dévoilez en plein sénat les perfides machinations des Catilina. Vous avez des hommes animés du feu facré du patriotisme, qu'ils parlent & nous agirons. C'est en vous, messieurs, que réside aujourd'hui le falut public. Nous avons toujours cru que notre union faifoit notre force. L'union, le concert général devroient régner plus effentiellement chez vous. Nous avons toujours cru que lorsqu'on difcutoit les intérêts de l'état, on ne devoit envisager que lui, & que le législateur devoit avoir un cœur inaccessible à tout intérêt particulier. L'image de la patrie étant la seule divinité qu'il lui foit permis d'adorer, cette divinité si chère à tous les Français trouveroit-elle jusque dans son temple des réfractaires à fon culte? en existeroit-il? Qu'ils se nomment les amis du pouvoir arbitraire, qu'ils se faffent connoître, le peuple, le véritable souverain est là pour les juger. Leur place n'est point ici; qu'ils purgent la terre de la liberté, qu'ils aillent à Coblentz rejoindre les émigrés ! près d'eux leurs cœurs s'épanouiront; là ils distilleront leur venin, ils machineront sans regrets, ils conspireront contre leur patrie qui ne tremblera jamais,

C'est ainsi que parloit Cicéron dans le sénat de Rome, lorsqu'il preffoit le traître Catilina d'aller joindre le camp des traîtres à la patrie. Faites-donc exécuter la constitution, la volonté du peuple qui vous foutient, qui périra pour vous défendre; réunissez-vous, agiflez, il en est temps. Oui, il est temps, légifslateurs, que le peuple français se montre digne du caractère qu'il a pris. Il a abattu les préjugés, il entend rester libre, se délivrer des tyrans ligués contre Jui. Ces tyrans, vous les connoissez; ne molliffez point davantage, tandis qu'un fimple parlement foudroyoit la volonté des despotes. Le pouvoir exécutif n'est point d'accord avec vous; nous n'en voulons d'autres preuves que le renvoi des ministres patriotes. C'est donc ainsi que le bonheur d'un peuple libre dépendra de la volonté, du caprice d'un roi! Mais ce roi doit-il avoir d'autre volonté que celle de la loi? Le peuple le veut ainfi, & sa tête vaut bien celle des despotes couronnés. Cette tête est l'arbre généalogique de la nation, & devant ce chêne robuste le foible roseau doit plier. Nous nous plaignons, messieurs, de l'inaction de nos armées. Nous demandons que vous en pénétriez la cause. Si elle dérive du pouvoir exécutif, qu'il foit anéanti. Le fang des patriotes ne doit point couler pour fatisfaire l'orgueil & Pambition du château perinde des Tuileries. Qui peut donc nous arrêter dans notre marche? Verrons-nous nos armées périr partiellement? La cause étant commune, l'action doit être générale; & fi les premiers défenseurs de la liberté euffent ainsi temporisé, siégeriez-vous aujourd'hui dans cet auguste aréopage ?

Réfléchiffez-y bien, rien ne peut vous arrêter. La liberté ne peut être fufpendue. Si le pouvoir exécutif n'agit point, il ne peut y avoir d'alternative: c'est lui qui doit l'être. Un seul homme ne doit point influencer la volonté de 25 millions d'hommes. Si, par un fouvenir, nous le maintenons dans fon pofte, c'est à la condition qu'il le remplira conftitutionnellement. S'il s'en écarte, il n'est plus rien pour le peuple français. Nous nous plaignons enfin des lenteurs de la haute cour nationalé. Vous lui avez remis le glaive de la loi, qu'attend-elle pour l'appefantir fur la tête des coupables? La lifte civile auroit-elle encore ici quelque influence? auroit-elle des criminels privilégiés, des criminels qu'elle puisse impunément soustraire à la vengeance de la loi? forcera-t-on le peuple à se reporter à l'époque du 14 juillet, à reprendre lui-même ce glaive, & a venger d'un feul coup la lor outragée, à punir les coupables & les dépositaires pufillanimes de cette même loi? Non, meffieurs, non; vous voyez nos craintes, nos alarmes, & vous les dissiperez.

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