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Nous avons dit comment le fieur Dumourier avoit fait chaffer: trait hommes qui vouloient fervir leur pays. Le fieur Dumoutjeratoit craint la préfence & la rivalité de MM, Poland; Clavières, & fur tout Servant. Le roi avait premis à l'ambition du fieur Dumourier une espèce de dictature dans le ministère; il lui avoit fait entendre qu'en 1792 il lui laifferoit jouer le rôle d'un fecond Richelier; & le fieur Dumourier trompé luimême par fon orgueil & les promeffes de la cour, avoit donné tête baiffée dans le piége. Petit fultan en fousordre, il venoit déjà d'élever au ministère, & le fieur Naillac, l'une de fes créatures, & le fieur Mourgues, père d'un commis dans les bureaux des affaires étrangè res, avec lefquels il eût été vraiment premier miniftre: mais, ô douleur! ô inconftance des chofes humaines ! le fieur Dumourier, calculant ainsi que la cour, avoit trop compté fur la divifion des patriotes; il s'étoit flatté qu'il deviendroit le chef d'une faction dans le fein même des Jacobins; il avoit à cet effet lâché des limiers dans les tribunes, & voilà que tous les Jacobins fe font réunis pour déjouer fes manœuvres. Tel eft le fort qui attend tous les intrigans. Chaque fois que la patrie fera dans un imminent danger, les amours-propres fe tairont, pour faire place à la feule voix de la république.

Le concert des patriotes ayant effrayé le fieur Dumourier, fa terreur paffa dans l'efprit de fes acolytes, & tous donnèrent leur démiffion, dans la crainte, fans doute, de devenir les premiers objets de la jufte vengeance du peuple. Voilà donc le gouvernement tout à fait déforganifé, & le pouvoir exécutif fans aucune efpèce de force faute d'agens principaux. Cette espèce d'anarchie de fait dura deux fois vingt-quatre heures, & l'on fait par qui le ministère fut remplacé. La cour a eu l'impudeur de confier le département des affaires étrangères à un fieur Chambonas, coufin de M. Lafayette, gendre de la Sabatin, enfin à un homme taré, vilipendé même fous l'ancien régime. Le département de la guerre a été remis aux mains du fieur Lajarre, l'une des créatures de Lafayette. Quant au porte-feuille de l'intérieur, le parti des Lamneth l'a fait donner à un certain Terrier de Monciel, l'ame damnée de ce parti, & président du département du Jura. Les contributions publiques furent abandonnées à M. Beaulieu, qui ne s'eft que trop

fait connoître par fes fpéculations fur les grains. La cour alloit jufqu'à parler férieusement de donner une place dans le ministère à l'auteur de Figaro.

Mais comment faire pour impofer filence au peuple far le renvoi de trois hommes qui lui étoient chers, & lui faire fupporter l'outrage d'un tel remplacement? Il falloit étouffer l'opinion publique, il falloit faire la guerre aux fociétés patriotiques; il falloit eflayer de les détruire, & c'eft ce que fit Lafayette avec les membres du directoire du département de Paris, fes principaux complices dans le projet favori de l'établiffement des deux chambres. Dans l'intervalle de fon ministère, M. Roland avoit écrit à toutes les administrations de l'empire, pour leur demander des renfeignemens fur la police & la tranquillité de l'intérieur. Sa lettre eft du 20 mai; & deux jours après fon expulfion, c'est-à-dire le 12 juin, MM. les adminiftrateurs du département de Paris lui firent une réponse injurieufe, dans laquelle ils provoquent formellement la deftruction de la fociété des Jacobins. Voici les principaux fragmens de ce libelle :

Vous nous demandez, Monfieur, par votre lettre du 20 mai dernier, wn expofe fidele de l'état où se trouve la portion de l'empire dont Padminiftration nous eft confiée Vous défirez être inftruit des mefures que nous prenons pour déjouer les intrigues des malveillans & faire échouer leurs conjurations.

Notre correfpondance a déjà dû vous apprendre que la tranquillité publique a été rarement troublée dans notre département; & les mefures principales que nous avons prifes pour la maintenir

vous font connues.

Quant aux conjurations des malveillans, fi vous entendez par ce mot une liaifon d'intrigues & de mesures concertées fur un même plan, pour tenter des actes de violence contre la liberté nationale, nous pensons que s'il exiftoit quelque trame de ce genre, il feroit impoffible d'en dérober les fils; mais nous devons vous affirmer que jufqu'à préfent il n'eft venu à notre connoiffance aucun fait pofitif qui puifle fonder un foupçon raifonnable fur l'existence de pareils complots. Sans doute un grand nombre de perfonnes, fufpectées dans leurs départemens à caufe de leurs opinions connges ou de leurs anciennes habitudes, font venues chercher au fein de la capitale une existence plus tranquille & moins remarquée; fans doute auffi beaucoup de ceux qui voient s'évanouir dans le nouvel ordre de chofes, ou les illufions de leur vanité ou les spéculations de leur avarice, exhalent fouvent leur défefpoir en vains propos ou en menaces ridicules; mais quand tous les yeux font attentifs, quand tous les cœurs font animés du même zèle, quand les infatigables foldats de la loi font toujours debout' au premier fignal, les difcours infenfés de quelques mécontens ne peuvent être regardés comme de véritables fujets d'alarmes. Nous ne négligeons aucune des précautions que nous dicte la prévoyance;

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fe manifeftent-ils déjà d'une manière trop fenfible. Part-ouf nous retrouvons l'efprit, le ton, & jufqu'aux expreffions de cette pernicieufe école. Les injuftes foupçons, les défiances vagues, les calomnies puifées à cette fource, circulent dans les places, dans les marchés, dans les affemblées des citoyens & jufque dans les atteliers du travail.

Nous ne rapporterons pas, monfieur, le texte précis des loix dont peuvent s'autorifer les magiftrats pour faire fermer un établilement qui eft la fource de prefque tous les défordres, & peutêtre l'unique obftacle au retour de l'ordre & à l'affermissement de la conflitution, Sans doute, fi la déclaration des droits elle-même réprouve la manifeftation des opinions quand elle trouble l'ordre public; fi l'encouragement aux crimes, l'aviliffement des pouvoirs confitués, la provocation à la défobéiflance aux loix, les calomnies volontaires contre les fonctionnaires publics, font autant de délits fpécialement déférés aux tribunaux ; fi la loi qui inftitue les corps administratifs met au rang de leur fonctions principales le maintien de la fûreté & de la tranquillité publique, & la furveillance de l'enseignement politique & moral; fi les magiftrats de police font expreffément chargés de faire régner la décence, le refpect des loix & des mœurs dans les lieux ouverts au public, & s'ils doivent réprimer dans ces fortes de lieux jufqu'à des paroles & à des actions qui ne pourroient être recherchées dans des domiciles privés, certainement il ne peut pas y avoir de doute que le lieu public dont nous vous dénonçons les excès, ne doive exiter toute la févérité de la police de Paris.

LES ADMINISTRATEURS compofant le directoire du département de Paris. Signés LA ROCHEFOUCAULD, préfident, ANSON, vice-préfident du directoire, GERMAIN GARNIER, DAVOUS, J.L. BROUSSE, DEMEUNIER, THION DE LA CHAUME.

Il réfulte de cette lettre que le directoire du département de Paris s'attache principalement à juftifier la horde de fanatiques & de contre-révolutionnaires qui, au nom bre de plus de foixante mille, fe font réfugiés de tout les coins de l'empire au fein de la capitale, à côté du côté législatif qu'ils veulent diffoudre, & auprès du rơi dont ils veulent protéger la fuite; il en résulte que le même directoire s'efforce de donner le change au peuple fur les bafes de la conftitution, en lui faifant croire que ces bafes font la royauté, la prérogative royale, & non la déclaration des droits, devenue fi odieufe aux adminiftrateurs, depuis que les adminiftrés l'ont apprife par cœur; il en résulte enfin une diffamation odieufe contre cette fociété d'hommes libres, à qui les véritables amis de la liberté n'ont qu'un feul reproche à faire celui de n'avoir point affez développé d'énergie depuis le commencement de la révolution, & de s'être traîné trop long-temps fur la route qui leur avoit été tracée par ceux-là nêmes qui provoquent aujourd'hui leur destruc

tion. Comment des hommes ont-ils été affez prévenus ou affez imbécilles pour faire à cette fociété un crime de la publicité de les féances? C'eft fans doute parce que cette publicité devoile tous les traîtres, met les complots au grand jour.

L'infolent directoire du département de Paris veut diffoudre les fociétés patriotiques; il veut difperfer des réunions autorisées par la conftitution; mais naguère il vouloit aufli que le roi accordât protection aux prêtres féditieux; il foutient encore aujourd'hui que ces prêtres, que tous les contre-révolutionnaires raffemblés dans Paris ne doivent inspirer aucune crainte; il demande en mêmetemps la dissolution des fociétés vigilantes, dont le regard actif en a tant impofé: & l'affemblée nationale ne prendroit pas cet objet en confidération! elle ne verroit pas dans le département de Paris le complice des ariftocrates de l'intérieur ! elle ne frapperoit pas ce corps évidemment contre- révolutionnaire ! elle ne mettroit pas ses membres en état d'accufation! Il n'y a pas de milieu; ou il faut que l'affemblée nationale fuccombe fous les coups de fes ennemis, ou il faut que fes ennemis fuccombent fous le poids de la raifon publique & de la fouveraineté du peuple.

Si l'on ne confidéroit ce directoire que comme un corps ifolé, peut-être on auroit raifon de fe borner au mépris que doit naturellement inspirer un ramas impuiffant de fuppôts du defpotifme; mais quand on voit que toutes les démarches de ces brigands conftitutionnels. coïncident parfaitement avec les démarches de la cour des Tuileries, des cours étrangères & de l'un de nos généraux, on parvient à appercevoir, dans le département de Paris, un ennemi redoutable qu'il faut étouffer. Le roi de Hongrie fait la guerre à la nation française, parce que tous les bons Français font Jacobins; la cour chaffe ignominieufement Servant, Roland & Clavières, parce qu'ils font Jacobins. Dans le même inftant le directoire de-. mande la diffolution des Jacobins, & quatre jours après M. de Lafayette, empruntant le langage du roi de Hongrie, de la cour de France & du département de Paris, Re demande pas, mais commande la diffolution des Jacobins. Tels font les termes de fa très-fingulière lettre à l'assemblée nationale :

Au camp retranché de Maubeuge, ce 16 juin 1792, l'an quatrième de la liberté.

« Meffieurs, au moment trop différé peut-être où j'allois appeler votre attention fur de grands intérêts publics, & défigner parmi nos dangers la conduite d'un ministère que ma correfpondance accufoit depuis longtemps, j'apprends que, démafqué par fes divifions, il a fuccombé fous fes propres intrigues; car fans doute ce n'eft pas en facrifiant trois collègues affervis par leur infignifiance à fon pouvoir, que le moins excufable, le plus noté de ces miniftres aura cimenté, dans le confeil du roi, fon équivoque & fcandaleuse existence.

« Ce n'eft pas affez néanmoins que cette branche du gouvernement foit délivrée d'une funefte influence. La chofe publique eft en péril; le fort de la France repose principalement fur fes repréfentans; la nation attend d'eux fon falut: mais, en fe donnant une conftitution, elle leur a prefcrit l'unique route par laquelle ils peuvent la fauver.

» Perfuadé, meffieurs, qu'ainfi que les droits de l'homme font la loi de toute affemblée conftituante, une conftitution devient la loi des légiflateurs qu'elle a établis, c'eft à vous-mêmes que je dois dénoncer les efforts trop puiffans que l'on fait pour vous écarter de cette règle que vous avez promis de fuivre.

» Rien ne m'empêchera d'exercer ce droit d'un homme libre, de remplir ce devoir d'un citoyen, ni les égaremens momentanés de l'opinion; car que font les opinions qui s'écartent des principes? ni mon refpect pour les repréfentans du peuple; car je refpecte encore plus le peuple, dont la conftitution eft la volonté fuprême; ni la bienveillance que vous m'avez conftamment témoignée, car je veux la conferver comme je l'ai obtenue par un inflexible amour de la liberté.

» Vos circonstances font difficiles; la France est menacée au-dehors & agitée au-dedans; tandis que des cours étrangères annoncent l'intolérable projet d'attenter à notre fouveraineté nationale, & fe déclarent ainfi les ennemis de la France, des ennemis intérieurs, ivres de fanatifme ou d'orgueil, entretiennent un chimérique efpoir, & nous fatiguent encore de leur infolente malveillance.

» Vous

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