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qu'on leur a fait manger du froment tout récemment coupé & en état de fermentation.

P. S. A l'inftant où je vous écris, le camp de Richemont fait un mouvement. L'infanterie defcend dans la plaine de Thionville.

Vendredi dernier la tranquillité de Paris a été troublée pendant quelques inftans de la matinée. Des gens apoftés se font portés dans les rues & dans les marchés; & fous prétexte que tous les bijoux inutiles devoient être destinés à augmenter la fomme du numéraire pour les frais de la guerre, ils ont arraché des montres, des bagues, & même des an neaux d'oreilles, fans s'inquiéter de les bleffer. Quelquesuns de ces hommes, voulant colorer ce vol fait avec viclence d'une apparence de juftice, étoient accompagnés d'hommes portant des balances pour pefer ces bijoux, & d'autres de leur bande délivroient des reconnoiffances. Ces défordres ont eu lieu même dans les environs de Paris, où des laitières ont été ainfi dépouillées. Ces fcélérats avoient l'audace de dire qu'ils faifoient l'extérieur, & que bientôt ce feroit le tour de l'intérieur. Ces défordres ont excité la furveillance des fections, qui ont juré de maintenir la sûreté des personnes & des propriétés. Des patrouilles nombreuses ont parcouru les rues. Le rapport de cette affaire a été fait à l'affemblée, où M. Fétion en a rendu compte. Elle a été renvoyée au pouvoir exécutif. La municipité a fait une proclamation; mais le peuple, indigné de cette atrocité, bien fenti que ces miférables s'exercoient au pillage. Plufieurs ont été failis & immolés fur le champ.

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Une lettre de Lyon nous apprend que, le 9 de ce mois le peuple de cette ville s'eft porté aux prifons de Pierre-Scize & à celles de la commune, & qu'il a été fait justice prompte des fcélérats qu'elles receloient. Des têtes ont été promenées; des prêtres fanatiques fur lefquels on a trouvé des fignes de ralliment, ont été immolés; mais le peuple, toujours le même par-tout, le peuple, qui ne fe trompe pas dans fes vengeances, a fu diftinguer les innocens, & leur a rendu la liberté. Comme à Paris & dans tous les lieux où la juftice populaire a été exercée, l'or, l'argent, les bijoux faifis fur les prifonniers ont été fidélement remis entre les mains des magiftrats.

On apprend en ce moment que les Pruffiens ayant voulu fe faire un paffage entre Clermont & Sainte-Menehould, M. Dumourier les a repouffés à 4 lieues avec perte de 5000 hommes de leur part.

On demande du renfort pour Thionville, & c'eft fur-tout des Parifiens qu'on défire avoir dans cette place.

Suise

Des gens apostes Sétant répandus dans les marchés de Paris, Arrachoient aux femmes leurs montres, Boucles d'oreille, Vo. Plusieurs de ces voleurs revettus d'echarpes furent sais et immoles sur le champ.

Suite des papiers trouvés dans le fecrétaire du roi, chi le. fieur Delaporte, intendant de la lifte civile.

Paris, le 17 juin 1792.

Depuis long-temps, mon bon ami, je cours après vous, & particulièrement ces jours-ci; vous êtes toujours par voies & par chemin, fans qu'il foit poffible de vous joindre; cependant j'ai be- › foin de vous; je ne puis même attendre davantage; vous allez en juger,

"Un de mes amis m'a fait le plaifir de m'avancer 440 livres pour les envoyer à un de mes neveux, qui s'eft donné les airs du pays étranger. Comme il les a fait pafler en efpèces, je dois les rendre de même; ainfi je vous prie de remettre à mon domellique, chargé de cette lettre, la fomme de 440 livres ; ce qui fait dix-huit louis, bien entendu, en argent.

» Vous obferverez, mon bon ami que les 480 livres rendues. à Bruxelles, en argent, ainfi que je l'ai préféré, ne coûtent que 32 livres, & à Coblentz, S livres de plus; ce qui fait les 440 fivres en affignats, la perte feroit en proportion de ce que le. papier perd, c'est-à-dire, très-près du double de la fomme à faire paller.

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Je vous fais cette obfervation, au cas où elle pourroit vous être utile.

» Arrangez-vous, je vous prie, de manière à ce que je ne fois point autant de temps à vous voir; vous favez que j'y trouve, mon compte.

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Adieu, mon bon ami, je vous embraffe de tout mon cœur. Signé, LOUSTONEAU.

Remis au domestique de M. Loustoneau, 440 liv. VAYRON.

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« Je reçois, mon très-cher, le cinquième mois tout découfu, & le quatrième me manque en entier. J'en fuis au défespoir; c'eft le feul journal dont la lecture n'attache. Je parcours les autres.

Tout s'achemine comme vous voyez. Les trois défaites font trois petits boutons de rofes nouvelles qui nous ont été pro mifes. Avant que toutes ne foient épanouies, le roi fera roi, mais, comme Phinée, d'un peuple inanimé. Nous fommes gelés, grêlés, abîmés de frimats: nous allons fouffrir dans hien des gentes; mais que l'autel & le trône foient rétablis, & nous chan terons de grand cœur vive Dieu! vive le Roi!

Autre lettre.

31 janvier 1792.

« Vous êtes bien galant, mon ami, d'avoir répondu à mon petit fecrétaire, presque pofte pour pofte. Lui, il en est tout glo

rieux.

Vous nous faites un grand plaifir en rehauffant nos espérancess N°. 166. Teme 13.

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mais l'affemblée nous donne de continuels coups de maffue par les meffages impudens, extravagans qu'elle fait à notre maître, pour exiger de lu des démarches vis-à-vis des têtes couronnées.

"Nous nous flattons que quand il aura une garde à lui, 1°. il fera plus en sûreté; fur-tout il prendra plus de confiance en luimême, n'étant plus un être entiérement ifolé & dans la défiance néceffaire de tout ce qui l'entoure.

S'il furvient une bagarre un peu confidérable, il faut qu'il vienne au fecours de la garde nationale, qu'il fe montre, qu'il dife: Je veux, j'ordonne, & d'un ton ferme. Il eft affuré d'être obéi, & de n'être pas pris pour la poule mouillée que les ariftocrates dépeignent à me faire fouffrir dans toutes les parties de mon corps.

Il ne s'eft pas montré tel à Épernai, où les excès les plus incroyables n'ont pu lai arracher un témoignage de frayeur, où il a donné des preuves uniques de fang-froid. I eft donc né avec cette bravoure héréditaire chez les Bourbons. Qu'il lui donne l'effor, tout viendra dans fa main quand il aura montré qu'il a du poignet, nous avons tant de befoin de trouver un maître. Il éprou vera, pour la première fois de fa vie, qu'il peut être abfolu; & en fe rappelant tout ce qu'il a fait pour trop de bonté, on pleurera de joie en criant vive le roi. Il ne peut pas donner un meilleur foufflet aux ariftocrates, une plus grande confolation aux Français.

De tous les aristocrates, les gens riches fans naiffance font les plus dégoûtans. Le roi eft coupable de n'avoir pas pris les moyens les plus violens pour leur affurer la paifible jouiffance des larcins de leurs pères ou des leurs. J'ai de temps en temps de ces efpèces autour de moi; elles me font vomír.

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Je perfifte dans mon avis que le roi prenne la première occafion de le montrer fur le ton de maître, & il le devient de tout le monde; mais il faut que cette occafion fe préfente naturellement & fans qu'on puiffe la foupçonner d'avoir été provoquée, Sa bonté eft préconisée par-tout; il faut qu'il faffe cet acte de vigueur: cela eft indispensable, & tous les cœurs, comme les yeux, fe tourneront vers lui. I paroît que le Breteuil eft bien mal dans les papiers de tout le monde; en le regarde. comme le principal arcboutant d'une intrigue qui a continuellement traversé les intentions des princes. Un article très-énigmatique, dans une gazette de Durofoy, femble annoncer qu'un événement tombé du ciel, qui prouve de plus en plus la protection divine marquée fur cette monarchie depuis 1400 ans, vient de ramener un efprit de concorde qui doit remplir de joie & d'espérance tous les bons royaliftes.

» Durofoy, dont je ne rapporte que quelques-uns des termes, dit ne pouvoir citer le fait; mais il triomphe de fon existence, dont il dit avoir la certitude.

» Avez-vous oui parler de cette énigme qui vaut bien qu'on s'en tourmente autant que de la prophétie de Noftradamus. Il y a apparence que la pauvre Suzette Labrouffe a fait naufrage dans les ruiffeaux de boue de Paris, puifque vous ne m'en parlez plus. L'évêque n'aura pas trouvé d'abonnés pour fon journal myfticomyftifiant.

Nous fommes noyés de pluies; notre horifon physique n'eft que brouillards. Quand l'horifon politique s'éclairciza-t-il ?

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