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Les canonniers de Montmédy en ont fait autant vis à-vis de M. Ligneville, command int, & parent de la

reine.

Les commiffaires du confeil exécutif, ANDRÉ, J. B. DE SUTIÈRES, STANISLAS FRÉRON.

Du quartier général de Grand-Prẻ. Armée des Ardennes, le 10 feptembre. Vous pouvez en toute sûreté raffurer les braves citoyens parifiens fur l'invafion de l'ennemi; tous les chemins, toutes les gorges & travées font occupés par nos armées d'une manière fi avantageufe, qu'il eft im poffible à l'ennemi de nous forcer; d'ailleurs, tous les chemins ont été gâtés par-tout; l'on a fait des trous, des foffés, des abbatis, de forte que le paffage eft impraticable, & nos canons & nos troupes font placés de manière à empêcher la réparation de ces chemins.

M. Kellermann, de fon côté, tient l'ennemi en échec du côté de Bar; fa pofition eft auffi très-avantageufe... M. Dumourier ne ceffe, jour & nuit, de travailler; il eft impoffible de prendre plus à cœur les intérêts de la patrie, d'avoir plus de talens militaires, & d'être imbu de meilleurs principes que ce général. It a trouvé une armée, pour ainfi dire, toute délorganifée; le foldat étoit égaré, trompé, &, pour ainfi dire, dégoûté, par tant de marches & contre-marches inutiles. La trahifon de Longwy & de Verdun, le départ fubit des commiffaires de l'aflemblée nationale envoyés à l'armée, qu'ils n'ont pas affez. yus, le défaut de fouliers, de pailles & de munitions avoit réellement jeté cette armée dans la défolation, se voyant pour ainfi dire abandonnée des chefs.

M. Dumourier a fait renaître la confiance; chaque jour il va d'un camp à l'autre & parle au foldat, s'occupe de leur befoin, organife l'état-major & l'armée, & fe prépare au combat. Toutes les troupes attendent, avec la plus vive impatience, ce jour, comme le dernier des defpotes, fans confulter le nombre de leurs ennemis ; ils paroiffent bien décidés de vaincre ou de périr fur le champ de bataille je ne peux vous dépeindre le courage de cette armée.

Le général ennemi envoyoit chaque jour des réquisitions à nos municipalités, pour fe faire livrer des vivres & des fourrages, & demandoit leur défarmement; le payfan livroit à l'ennemi docilement ce qu'il lui demandoit.

M. Dumourier vient de faire la défense expresse à toutes les municipalités de ne plus obéir à aucune réquisition de nos ennemis, de fonner par-tout le tocfin à leur approche, de fe ranger dans les bois & dans les gorges, & de faire feu fur eux. Cette mefure rend l'ennemi plus irconfpect; il n'entre plus fi sûrement dans nos vil

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lages. Hier, nos payfans, placé dans les bois, ont fa't feu fur une colonne ennemie, & en ont tué huit à neuf. Cela fait le meilleur effet du monde : enfin que la nation donne fa confiance entière à M. Dumourier; qu'elle lui donne carte blanche, & pour la première fois elle n'aura pas lieu à fe repentir de s'être livrée entièrement à un général d'armée.

Aujourd'hui la nuit, l'ennemi campant fur la hauteur de Buzancy, à une lieue de nous, a quitté avec tant de précipitation fon camp, qu'il n'a pas pris le temps d'enlever plufieurs chariots de fourrages, de vivres, de vins & d'eau-de vie, defquels nous nous fommes auffi-tôt emparés. La caufe de ce prompt départ eft la mort de P'un des grands généraux de leur armée, à ce que plu feurs déferteurs, qui font venus à Grand-Pré, nous ont affuré, fans pouvoir nous dire le nom du général.

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Nous avons fait prifonnier le valet -de-chambre du prince de Ligne, qui eft un Français, & qui faifoit l'efpion.

Pour vous convaincre combien l'ennemi eft bien servi en espions, je vais vous citer un feul fait. Il fait la fommnation à un village de rendre leurs armes; la municipalité lui donne vingt fufils; l'ennemi les reçoit & fait Tommation d'en rendre encore quatre qu'ils avoient réellement, finon qu'il mettroit le feu. Les quatre lui furent livrés,

Yous avez encore une dixaine de jours à attendre. A cette époque, nos forces feront raffemblées, & la France, à ce que j'espère, fera délivrée des brigands qui la désolent.

La correspondance entre les armées de MM, Kellermann & Dumourier, eft parfaitement bien établie. La jonction des deux armées peut même fe faire d'un moment à l'autre. Je donnerai de la publicité à cette lettre. Signé, WESTERMANN, commiffaire national.

Chalons-fur-Marne, le 11 feptembre. Vous faurez que j'ai été retenu ici par la néceffité de m'entendre avec le général Labourdonnaye; il n'eft arrivé qu'avant-hier, & je n'ai pu avoir d'entrevue avec lui que hier matin. Je me fuis expliqué franchement fur le compte du maréchal Luckner; il a parfaitement été de mon avis, convenant que c'eft compromettre le fort de nos armées, que de lui en laiffer la direction. Vous me répondrez que M. Laclos eft auprès de lui en état de furveillance; mais outre que M. Laclos n'eft pas lui-même un être en qui l'on puiffe avoir une confiance aveugle, il fera toujours vrai que les ordres émaneront de M. Luckner, & qu'il pourra donner les plus effentiels, fans en conférer avec M. Lacios. Je vous le répète; conferver cette ma;

chine étrangère où elle eft placée, c'eft fe charger d'une refponfabilité terrible. Je vous avertis d'ailleurs que les gendarmes, bien loin d'avoir confiance dans le maréchal, s'en plaignent hautement : il en fera infailliblement de même de tous nos frères d'armes qui feront quelque féjour au camp de Châlons; car il eft impoffible de voir cet homme, fans qu'il faffe pitié. Remarquez bien que donnant les ordres qui dirigent les mouvemens de nos armées, il couvre la refponfabilité des généraux qui font fous fon commandement, & c'eft un plaftron que vous réservez à celui d'entre eux qui ne feroit pas de bonne foi. Si vous voulez que je vous parle franchement, ce généraliflime eft un hors-d'œuvre fous tous les rapports; car n'étant point à la tête d'une des armées qui fe trouvent en préfence de l'ennemi, il lui eft impoffible de donner les ordres de circonstance, qui font les plus utiles. Plus vous multiplierez les êtres donnant l'impulfion, & plus vous ralentirez l'action. Ayez un plan bien concerté, bien pofitif, & alors les résultats fe développeront naturellement. A cet égard je vous dirai, mon cher ami, que dans ma conférence d'hier avec le général Labourdonnaye, nous avons commencé à tracer les premières bafes de ce plan. L'engorgement à Châlons eft ce qu'il faut principalement éviter. Pour le prévenir, nous fommes convenus qu'il y auroit quatre camps de réferve, y compris les deux de Soiffons & de Reims : les deux autres feroient formés à Troye & dans un autre ville fur la même ligne. Dans ces camps, on renverra tous les volontaires arrivant ici fans armes, & n'y caufant que de l'embarras alors ces volontaires n'auront plus l'air, en rétrogradant, de tourner le dos à l'ennemi; ce qui produit le plus mauvais effet, & pour ceux qui font en marche, & pour ceux qui fe deftinent à partir. Ces volontaires feront cantonnés, en attendant qu'on ait des effets de campement pour les mettre fous la toile. A l'égard du camp de Châlons, le général Labourdonnaye, à qui il faut en donner définitivement le commandement, fera partir chaque jour deux mille hommes, & davantage, s'il eft poffible, pour renforcer les armées de Dumourier & de Kellermann; fur-tout cette dernière, qui dans ce moment n'eft portée qu'à feize mille hommes, & qui fe trouve vivement preffée par l'ennemi. A ce fujet, je vous obferverai même qu'il eft on ne peut plus inftant de faire arriver de toutes parts des troupes de ligne. Nous devons en avoir au moins cent mille hommes, & perfonne ne fait ce qu'ils font devenus. C'est particuliérement dans les deux armées de Dumourier & Kellermann, qu'ils deviennent néceffaires, & c'eft là que je vous ing

vite à les y appeler au plus tôt. Revenant à l'armée de Châlons, à mesure qu'elle fe dégarnira pour alimenter les deux armées agiffantes, quand tous les volontaires armés feront défilés, alors elle prendra fes remplacemens dans les quatre dépôts que je vous ai défignés. De cette ma nière, l'ordre fi néceffaire va fe rétablir; chacun fe trou vera claffé où il doit être, Les volontaires auront le temps des'armer, & même de s'accoutumer au régime des camps: enan la partie des fubfiftances, fur laquelle j'appelle encore toute votre activité, deviendra d'une geftion plus facile, en le trouvant plus diffeminée. Telles font, mon cher Danton, les obfervations qui me paroiffent les plus effentielles dans la circonstance, & fur lesquelles je vous invite à infifter impérativement dans le confeil. Il faut accélérer les opérations de la guerre, & tâcher de remporter un avantage que nous devrons particuliérement à ce premier feu de nos volontaires, J'ai même encore reprocher au maréchal de paroître ouvertement ne fonger qu'à traîner la campagne en longueur, fe montrant trèseloigné de combiner une action prochaine, fous prétexte que nos volontaires ne font point allez aguerris.

Je n'ai pas encore écrit au miniftre de la guerre : j'atrends, pour cela, le moment où j'aurai conféré avec les généraux Dumourier & Kellermann, parce qu'alors j'aurai un plan déterminé à lui préfenter. En conféquence e pars ce matin pour l'armée de Dumourier, après une conférence que je dois avoir avec les membres de l'af femblée nationale & le général Labourdonnaye. Signé, BILLAUD-VARENNÉ.

P. S. Je joins ici une affiche du maréchal Luckner, qui vous atteftera ou fon impéritie, ou fa bêtife; car fi elle eût été mise à exécution au lieu d'avoir une armée fur les frontières, il ne s'y fetoit bientôt trouvé que les Pruffiens. Quoi les hommes armés tenus de refter chez eux & cela dans le département de la Marne! En vérité, c'est le comble du délire, mais ce qui vous étonnéra davantage, c'eft que le maréchal, hier, a foutenu ne point avoir figné cette affiche; & vérification faite fur les regiftres du département, fa fignature y eft en toutes lettres. Voilà des faits certains, que je vous prie de faire valoir le falut de la patrie en dépend,

:

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« Les corps adminiftratifs font autorifés, 1. à conferver dans la ville & dans les municipalités voifines, les ba» taillons qui arriveront armés & organifes, même le batail »lon de Troyes, qui n'eft armé qu'en partie,

» 2°. A renvoyer fur le champ les hommes fans armes, » avec trois fous par lieue, à la charge qu'ils reft.ront en état de réquisition. 3

» 3°. Que les hommes qui auront un dépôt fixe, feront » tenus de s'y rendre.

4°. Que les hommes armés & non organifés feront te »nus de s'en retourner chez eux avec trois fous par lieue » avec ordre de laiffer leurs armes & équipement: ces » hommes resteront toujours en état de réquifition. Le maréchal de France & generaliffime des troupes de France, LUCKNER.

Châlons, le 4 feptembre 1792,1
J'an quatrième de la liberté.

Dans la féance du 9, M. Merlin a lu à l'affemblée des dépêches qu'il venoit de recevoir de Thionville, dont il a ga ranti la vérité.

Dans la nuit du 5 au 6, l'ennemi a attaqué Thionville. It pratiquoit, avant l'attaque, une tranchée. Nos troupes, qui s'en étoient apperçues, ont gardé un profond filence, attendant que l'ennemi s'approchat, pour livrer l'affaut. Nos canonniers fe tenoient couchés près de leurs pièces. L'ennemi a livré l'attaque, fon feu n'a duré qu'un quart d'heure, trois bombes font tombées fur la ville; la première fur la paroiffe, & les deux autres fur deux maifons particulières où elles ont caufé peu de dégât. Notre artillerie a tiré pendant 3 heures, les batteries étoient éclairées à feu. Nos predes par pots mières décharges, tirées à mitraille, ont balayé tout ce qui s'approchoit des remparts pour les efcalader. L'ennemi a abandonné la place. La garnifon a fait une fortie, elle a ramaflé le butin abandonné par l'ennemi, & tout ce qu'il avoit fait avancer pour l'efcalade. Après avoir emporté tout dans la place, la garnifon à fait une feconde fortie, & elle a détruit & comble les ouvrages de l'ennemi. Trois princes ont été tués dans cette affaire: le prince Valdec eft du nombre. L'ennemi a enlevé fix voitures de cadavres. Dans la pre mière fortie de nos troupes, elles ont trouvé la terre jonchée de bras, de cuiffes, de membres mutilés. L'ennemi n'a rien tenté depuis cette attaque. Des déferteurs du camp de Richemont, qui font paffés de notre côté, ont di que l'ennemi a perdu dans cette attaque 550 hommes, mais qu'on en auroit bien donné 4000 pour fauver le prince Val deck. L'armée Kellermann eft forte de 35 mille hommes dé eidés à vaincre ou à périr. On dit ( ajoute le correfpondant) que cette armée eftmaintenant jointe à celle de Dumourier, &que, formant deux colonnes, elles bloquent Verdun, où l'on prétend qu'eft le roi de Pruffe. C'eft de Lonwy que nous en recevons la nouvelle. L'ennemi n'a laiffé à Longwy que 1800 hommes, & en a tiré l'artillerie pour faire le fiége de Thionville. La municipalité de Longwy continue fes fonc tions, mais le diftrict de cette ville ne fubfifte plus. La mortalité ravage les chevaux de l'ennemi, leur mal vient de ce

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