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révolutionnaires domeftiques & affurer la tranquillité du dedans; mais encore faut-il de la prévoyance, & ne pas facrifier au danger du moment les befoins de l'année entière. Ménageons nos reflources, & que l'ennemi redoute autant ceux de nous qui font reftés chez eux que ceux qui volent à fa rencontre. Reffemblons à ce général d'armée faifant fes dépêches dans fa tente, au bruit du canon, fans en être troublé; que chacun de nous foit à fa place & y demeure tranquille, alors il n'y aura point de confufion. Qu'il y ait de l'ordre & du choix par-tout. Au fléau d'une guerre inévitable craignons d'ajouter celui d'une difette & d'une maladie contagieufe. Que les convois d'hommes & de munitions circulent en toute liberté, en toute affurance; faifons des réferves de foldats & de grains. Le patriotifme n'exclut point la prudence. Ne laiffons aucun fujet de découragement à ceux de nos frères qu'un beau zèle a pouffés au foyer du péril; qu'ils aient du moins la confolation de pouvoir dire en périffant : nous mourons à notre pofte; mais il ne reftera pas vacant; nos frères vont nous y remplacer, & peut-être y ferontils plus heureux.

Mais l'Autrichien s'eft montré déjà à la hauteur de Lille; mais Thionville eft affiégé, & Metz menacé de l'être. L'ennemi n'a point encore fait un pas en arrière depuis qu'il a mis le pied en France.

Dût-il pénétrer plus avant encore, foyons plus fages que lui. Quand on nous diroit: le voilà à Châlons, à Château-Thierri, & des clochers de Meaux on l'apperçoit'; hé bien ! il épargne aux départemens du midi la peine de l'aller chercher au nord; il vient lui-même fubir le châtiment qu'il ne peut éviter, pour peu qu'il ait la témérité de s'engager dans l'intérieur. C'est là qu'il trouvera de la réfiftance; c'est là qu'il rencontrera des hommes dont il a pris une faufle meture à Verdun.

La prudente Arachné daigne à peine s'appercevoir des infectes qui fe placent aux extrémités de fa toile: immobile au centre, mais toujours l'œil ouvert, elle les laisse avancer, certaine de la victoire & d'une victoire aifée, quand ils fe feront mis eux-mêmes à la portée de toutes les forces réunies; alors elle tombe fur eux: empêtrés dans fes fils, ils ne peuvent éviter par la fuite la mort qu'elle leur donne fans prefque combattre avec eux.

Français, deux chofes feulement font à vous recomman

der: formez, multipliez des lignes, de la circonférence au centre. Choififfez les plux exercés, les mieux aguerris d'entre vous, pour les placer aux lignes les plus avan cées, & pour donner le temps aux autres citoyens de fe préparer à combattre fi leur tour arrive. L'ennemi forcera plufieurs de ces lignes; mais cet avantage éphé mère ne tardera pas à lui être funefte. Bientôt vous le verrez fe perdre lui-même dans ce dédale, & éprouver autant de peine à fortir de France qu'il en a eu peu pour y entrer. Bientôt, laffé de fe faire jour à travers des troupes toujours fraîches, s'affoibliffant fans pouvoir fe réparer, vous le verrez tomber à vos pieds de fatigue & d'inanition, ou périr dans les convulfions de la rage.

L'autre mesure qui doit concourir avec celle-ci pour vous délivrer de l'ennemi, fans prefque coup férir, c'est d'avoir le foin de détourner de fa route toutes munitions de bouche & de guerre. Veillez à la conservation de vos récoltes; défendez-les de préférence à vos foyers; ne laiffez à la difpofition de l'ennemi que des pierres; le temps où elles fe changeoient en pain cft paffé. Mettez vos magafins à l'abri, hors de la portée de l'ennemi, duffiez vous leur faire faire le tour de la France. Les defpotes de l'Allemagne ont promis à leurs efclaves foudoyés de les con duire dans un pays de Cocagne: vous ne manquerez de rien en France; c'eft le féjour de l'abondance. Hé bien! que ce foit pour eux celui de la famine.

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Ce fyftême de défenfe négative n'eft pas neuf en luimême; mais il peut le devenir par le mode d'exécution. Dans les anciennes querelles de defpote à defpote, c'étoit une corvée impofée aux habitans du lieu fervant de théâ tre à la guerre; mais en ce moment l'intérêt de tous fera mettre tout le monde à l'œuvre & chacun travaillera pour foi. Femmes, enfans, vieillards, tous ceux qui ne portent point les armes, femblables aux fourmis laborieufes & diligentes, emporteront leur butin loin de l'ennemi, fous la protection des lignes armées, auxquelles on fournira le ftrict néceflaire; le refte fera transporté hors de l'atteinte des troupes, & toujours en fe reculant à proportion de la résistance plus ou moins vigoureuse des premières lignes, en forte que l'étranger ne trouve rien autour de lui pour s'avitailler.

Pour le moment, ces deux mefures faciles peuvent fuffire; le tout eft de fe bien entendre, de fe concerter

d'un

d'un bout de la France à l'autre, de couver, pour ainfi dire, fous la cendre le feu du patriotisme, & de fe inénager des forces, en fachant les diftribuer à propos & felon le befoin. Nous invitons nos concitoyens de l'in térieur de l'empire de prendre connoiffance des fages inf tructions données aux commiffaires députés vers eut, & d'en référer auffi à l'adreffe que le miniftre de l'intérieur vient de dépêcher aux habitans des campagnes. Ces deux pièces ne fauroient avoir trop de publicité dans les cirə conftances préfentes.

Inftruction deftinée à diriger la conduite des commiffaires patriotes envoyés dans les d.partemens.

N. B. Dans les premiers monens qui ont fuivi les évée memens du 10 août, le pouvoir exécutit provitoire à jugé convenable d'accepter les offres de pluieurs bons citoyens d'aller inftruire leurs frères des départemens du veritable détail de ces événemens, & y répandre les pièces d'inf truction ou de conviction dont l'alfemblée nationale décréteroit fucceffivement la publicité. Les inftructions fuivantes leur ont été données. Les erreurs qui pourroient s'élever fur le but & les bornes de ces milions, & les incon véniens qui pourroient en réfulter, déterminent à les faire connoître.

Art. I. « Ces commiffaires vifiteront les fociétés par triotiques, leur remettront des imprimés, & les invite ront à les répandre.

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II. Ils parcourront, autant qu'il leur fera poffib'e les petites villes & les campagnes éloignées des routes ¿ ils tâcheront d'y découvrir des patriotes zélés, cura, recteurs d'école, juges de paix, notaires ou autres, qui fe chargent de recevoir les papiers, d'en être les dépo fataires, & de les lire exactement aux citoyens «aflemblés.

IIL» Ils feront exacte à envoyer au miniftre les adresses de tous les patriotes que leur zèle aura portés à fe chate ger de cette diftribution ou de ces lectures, afin qu'on puiffe leur faire tenir fucceffivement ce qui paroîtra de nouveau.

IV. » Ils avertiront lorsqu'ils auront épuifé la provision reçue ou emportée de Paris, & donneront l'adrelle p N°. 166. Tome 13.

B

cife à laquelle ils pourront recevoir, à pofte reftante; ou autrement, de nouveaux envois.

V. » Ils tiendront note, fous forme de regiftre ou de journal, des lieux & des perfonnes, à qui ils auront fait quelque diftribution, ainfi que du titre des pièces & du nombre des exemplaires diftribués.

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VI. Ils diftribueront les différentes pièces, non pas avec économie, mais avec difcernement car il vaut mieux diftribuer peu à la fois en beaucoup de points, que d'expofer-les diftributions à la pareffe ou à Tinfou ciance des diftributeurs de la feconde main.

VII. Ils exciteront l'énergie du peuple par toutes les raifons puiflantes qui doivent en effet l'élever & la foutenir au plus haut degré d'ardeur & de fermeté ; mais ils lui feront fentir que la véritable indignation n'est point tumultueufe; que la véritable force et celle qui, foumife à une organifation quelconque, ne ceffe jamais de prendre pour guides l'union, l'ordre & les loix; qu'il s'agit fur-tout, dans le grand effort qui doit fauver l'empire, d'avoir un but fixe, des principes de conduite, & une direction déterminée.

VIH » Ils s'attacheront fur-tout à ne fervir la plus belle des caufes que par des moyens conftamment dignes d'elle; ils mettront en conféquence le plus grand foin à s'annoncer par des manières fimples & graves, par une conduite pure, régulière, irréprochable.

IX. Ils furveilleront & combatteront avec foin & zèle, mais avec mefure & prudence, tous ces petits mouvemens de jaloufie, d'égoïlme ou de contraventions locales qui pourroient tendre à affoiblir l'union la plus intime entre toutes les parties de l'empire'; ils rappelleront vivement & dans toutes les occafions, le danger de l'ifolement, le befoin preffant de réunir tous les efforts, toutes les volontés, tous les intérêts à celui de la defenfe commune.

-X. Ils engageront par ces motifs les citoyens à fe conder de tout leur pouvoir les mesures de sûreté générale qué le gouvernement fera dans le cas d'ordonner; tls inviteront, par exemple, de proche en proche ; les diverfes communes à faire avancer leurs détachemens de dix lieues en dix lieues fur les routes de Paris ou des départemens menacés, de manière à former, d'un point à l'autre, des chaînes de poftes qui puiffent fe relever éciproquement, ou fe fervir mutuellement de réferva

XI. » Ils engageront les citoyens à transformer en armes toutes les matières métalliques dont ils pourront fe pafler, telles que leurs pelles, pincettes, chénets & autres uftenfiles.

XII. » Ils auront foin de fe tenir parfaitement inftruits de toutes les loix relatives aux circonitances actuelles, que l'affemblée nationale fera fucceffivement dans le cas de rendre, ainfi que l'importance relative de ces loix, fuivant les lieux, les perfonnes & la difpofition locale des efprits; ils feront particulièrement fentir le rapport que l'enfemble de ces objets eft fufceptible d'avoir avec la défenfe commune & la tranquillité générale.

XIII. Dans le cas où le zèle de quelques autorités conftituées pour l'exécution des loix aurolt befoin d'être excité, dans celui même où elles montreroient de la répugnance ou de la mauvaise volonté, ces commiffaires n'oublieront point que leur miffion eft purement morale & de fimple influence; ils fe borneront en conféquence à des oblervations & à des avis individuals; & fi la gravité où l'urgence des circonstances exigeoit quelque chofe de plus de leur zèle, ils auront foin de mesurer de telle forte leurs inftances, qu'en avertiffant les adminiftrés de leurs droits & les adminiftrateurs de leurs devoirs, elles ne portent jamais les premiers à des convuifions déforganifatrices, & confervent toujours aux feconds cette faculté au moins provifoire d'agir, fans laquelle le mouvement de l'adminiftration, une fois arrêté, la machine politique rifqueroit bientôt de fe dilfoudre ».

Aux habitans des campagnes.

«Digne portion de la fociété, habitans des campagnes, un grand danger menace vos habitations; des brigands dévastateurs s'avancent vers elles; ils y porteront le fer & le feu. Faudra-t-il que vos moiffons, que ces fruits de vos travaux pénibles foient la proie de ces cruels étrangers? Elevés dans le métier des armes pour fervir d'inftrumens à la férocité des defpotes auxquels ils font affervis, n'attendez d'eux aucun fentiment d'humanité. Si če fentiment n'étoit pas entièrement effacé de leur coeur, viendroient-ils combattre un peuple généreux qui ne demande pour lui & pour tous les hommes, que e la liberté &

ce

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