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Condorcet a beaucoup écrit. Ses conceptions font un peu lentes & lourdes, comme fa perfonne, fa diction & fon parler à la tribune. Mais le plus fouvent il voit bien & penfe jufte. Son travail à la chronique expie quelques anciens torts. Il y manifefte une haine raisonnée des rois qui nous promet un législateur digne d'un peuple libre. s'eft permis par fois des écarts d'opinions fur tel ou tel homme en place; mais comme la convention s'oc cupera plus des chofes que des perfonnes, & ne fera chargée que de tracer un grand enfemble, Condorcet peut y être trés utile.

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Avec moins de talens & de profondeur, Briot le fera peut-être encore davantage. Il a fucé de bonne heure le lait des républiques. Il connoît l'Angleterre, peutêtre trop; car il y a contracté le caractère astucieux des infulaires. Il n'a point fait un affez long féjour dans les Etats-Unis de l'Amérique. 1 a vu de près la fucceffion rapide de miniftres & de généraux plus déteítables les uns que les autres. Il les a démafqués avec courage, aveč force; pas tous, cependant; car on a à lui reprocher fa prévention, (pour ne pas nous fervir d'un autre mot) en fayeur de Lafayette & Narbonne. La cour ne lui en a point impofé. Il connoît toute la monftruofité d'un pouvoir héréditaire & inviolable. Il poffède des lumières fort étendues; il nous le faut, mais en faifant avec lui des conditions.

Nous étions tentés de ne pas plus admettre de piêtres à la convention que de ci-devant nobles. Nous ferons une exception pourtant, mais une feule; & elle féra en faveur de l'ex-curé de Saint-Laurent, le philofophe Demoi. Les principes qu'il a profeffés chez lui & à la tabune motivent notre amendement à la profcription totale de la gent églifière.

Nous ne pouvons étendre l'exception jufqu'à l'Evêque du Calvados, encore moins au ci-devant curé de SaintAndré, l'évêque Rochefort, ni même à celui de Bourges. M. Torné pourtant le mériteroit mieux que le prélat de Lyon, le rhéteur Lamourette. Ces meilleurs, fur-tout les deux premiers, font encore prêtres fous Phabit civil,

Il faut bien fe garder de faire fortir l'académicien Champfort du milieu des livres de la bibliothèque nationale dont i eft devenu le premier gardien. Sa frêle organisation phyfique & morale lui rendroit trop pénibles les travaux

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de la convention. D'ailleurs fon patriotifme doux & tempéré auroit de la peine à s'acclimater fous le ciel orageux d'une révolution qui n'eft pas prête à finir.

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Carra fon collègue ne feroit guère mieux à la convention qu'il n'eft à la bibliothèque nationale. Sa place eft à la tête des piques dont il faut lui laiffer à faire la législation.

Quant à L. Mercier, fon frère d'armes chez Buiffon appliquons-lui ces mots d'Horace :

Solve fenefcentem....

Cet écrivain fi fécond a fourni fa carrière & a mérité une retraite aux invalides de la littérature. Le ramener au combat ne feroit pas fage de la part des électeurs, & pourroit devenir funefte à lui-même. C'eft un arbre étêté qui n'a prefque plus de fève & ne pouffe plus que

du bois.

Collot d'Herbois eft fort bien dans la tribune des Jacobins: mais n'aurions nous pas à craindre de voir réaliser en lui ce beau vers de Voltaire appliquable à tant de monde :

Tel brille au fecond rang qui s'éclipfe au premier ? Henriade. 15. 1. Réfervons le pour rédiger l'almanach de la convention nationale. Cependant comme elle n'aura pas de féances du foir, M. Colot pourra en être.

On ne trouve pas dans les placards de l'ami Tallien cette énergique ardeur dont nos députés à la conventio'n auront besoin pour fe livrer à leurs graves couceptions, au milieu des obftacles fans nombre qu'ils vonr rencontrer à chaque pas; mais peut-être a-t-il ménagé fes forces pour cette grande époque: qu'il paffe fur les bancs de l'aréopage.

Nous fommes encore à favoir comment & pourquoi le nom de J. Deflers fe lit parmi les candidats. Allons, allons, M. Deflers! rendez-vous juftice! vous ne pouvez pas entrer à la convention, à moins que votre journal des débats jacobites ne foit un paffe-par-tout.

Nous ferions moins embarraffés de rendre raifon du choix que l'on propofe d'Anaxagoras Chaumet. Ce jeune patriote annonce & promet. Il a la généreufe audace du philofophe dont il a adopté le nom. Peut-être feroit

ce lui faire tort que de le mettre fitôt à la befegne. Il convient lui-même qu'il lui refte encore bien des provifions à faire avant de fe mettre en mer pour un voyage d'auffi long cours, & dans des parages dont il ne connoît pas parfaitement la carte.

Fabre d'Eglantine a plus d'expérience fans doute; mais comment pourra-t-on le résoudre à quitter les couliffes, à pofer le brodequin de Molière & les grelots de Thalie pour prendre le fceptre de la loi & le timon des affaires publiques? Ce feroit pour lui un facrifice peut-être au-deffus de fes forces. Le Théâtre Français dispute M. d'Églantine à la convention nationale.

Robert & Lavicomtrie ont des titres moins équivoques. Leurs ouvrages penfés avec hardieffe font écrits avec une plume républicaine. Ces deux chauds patrotes ont fapé le trône des rois. La reconnoiffance doit les appeler au nombre des architectes de la nouvelle conftruction politique.

Quoique Gorfes fache fe multiplier prefqu'à l'infini, il ne peut cependant pas être par-tout. Perfonne n'auroit. fon activité à remplir chaque jour la malle du courrier des 83 départemens; il fera plus nécessaire à la convɛntion dehors que dedans.

Lanthenas & Dupré n'ont que faire à la convention fa Briffot en eft, & il faut qu'il y ait quelqu'un pour faire connoître l'efprit des décrets dans le journal du Patriote Français.

Lavaux & Dulaure font deux journalistes estimables ; ce feroit dommage de les faire changer de befogne.

Si nos loix nouvelles s'écrivoient en vers comme les anciennes, nous pourrions admettre à la convention le poëte Chenier, voire même Goffec, pour adoucir par sa mufique les rimes un peu fèches du premier.

Audouin, le fapeur des Carmes, & journaliste univerfel, ne penfoit à rien moins qu'à la bonne fortune d'entendre décliner fon nom parmi ceux votés pour la prochaine * convention.

Que ne propofoit-on auffi le. père Duchêne de Lemaire, dont tous les jurons ne font pas également patriotiques, foit dit en paffant?

Legendre & Boucher de Saint-Sauveur ont leurs emplois tout tracés; on leur réferve l'apoftolat des nouvelles loix, de compagnie avec Palloi & Anacharfis Clootz.

Il ne faut point enlever au dernier les fonctions d'introducteur ordinaire des ambaffadeurs du genre humain. II fonne de la trompette avec tant de grace & d'efprit!

Gonchon, qu'on propofe auffi, a débité avec beaucoup de feu & avec l'accent du patriotisme les belles adreffes des fans-culottes du faubourg S. Antoine. C'est dommage qu'il n'en foit que l'écho.

Bernardin de Saint-Pierre aime tant la nature, & la fait tant aimer dans des tableaux auffi frais qu'elle, pourquoi penfer à lui dans l'appel des députés conventionnaires? Respectons le feul choix qui faffe honneur à la cour, puifqu'elle a nommé directeur du jardin, national des Plantes l'élégant auteur des études de la nature & de Paul & Virginie, &c.

On eût bien pensé à Charles Vilette, fi l'on n'avoit craint de faire une lacune dans la Chronique, fevrée des jolies petites lettres de l'ex-marquis devenu législateur.

Mais c'eft affez divaguer parmi des noms trop étrangers au grand objet qui tient la nation dans l'attente. Rappelons d'abord quelques-uns des anciens députés conftituans. Ce ne fera pas pour nous fixer fur le miniftre Rabaud. Il n'eft point notre fait; laiffons-le fous la remise avec Sillery, Syeyes, Tayllerand, Vadier, Garat le jeune ; majs diftinguons Antoine, le maire de Strasbourg; il rendra de plus grands fervices encore à la chofe publique fi nous l'admettons à la convention, ainsi que Barrère de Vieuzac, Prieur, Buzot, Durand de Maillane, Boutidoux, & même Grégoire, fi nous ne nous étions pas promis de ne plus toucher aux prêtres.

La législature actuelle nous fournira quelques fujets pour nous en dédommager, tels que Jean de Brie,, dont l'ardeur eft très-précieufe en ce moment; d'autres candidats fauront la tempérer.

Joignons-lui Albite, Antonelle, Baqire, Chabot, quoique foible de logique, Chabroud, Duhem. Dubois Dubay, Grangeneuve, Lafource, le vénérable Daffaulx...

N'oublions pas l'intéreffant M. Couthon, qui n'existe plus que par la tête & le cœur ; c'eft affez, il ne nous en faut pas davantage dans la perfonne de nos députés. Guade: a auffi l'un & l'autre parfaitement organifés à l'avantage de la chofe publique.

Beauvais a tenu parole, & n'a point démenti le jugement que nous en avons porté l'an dernier. Il étoit beau

coup mieux dans le fauteuil de fa fection de la CroixRouge que fur les banquettes de l'affemblée nationale; pourtant on pourroit l'admettre à la direction de la falle de la convention.

Brouffonnet: qu'il s'en tienne au fecrétariat de la fociété royale d'agriculture!

Hérault de Séchelles, élevé fur les genoux de la magif trature parlementaire, a contracté de bonne heure des habitudes qui lui refteront. C'étoit déjà un aigle au châtelet & à la grand'chambre du palais à l'époque de la révolution. Dans la falle du corps législatif il va terre à terre; il n'a pas de moyens pour être de la convention.

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François de Neufchâteau s'eft acquis dans la légiflature le même renom qu'il s'étoit procuré dans la littérature. Il n'y a ni bien ni mal à en dire; il ne nous faut pas de gens neutres.

François de Nantes a montré un talent plus prononcé ; mais fes principes, peut-on y compter?

Garan de Coulon n'a fatisfait perfonne dans les différentes confignes où on l'a pofé. Au corps législatif, on l'a vu tergiverfer; à la haute-cour nationale, il n'a point répondu à l'unpatience du peuple affamé de juftice; il n'iroit pas mieux pendant la convention. Ce n'est pas à fon age qu'on fe corrige.

Genfonné lui feroit préférable à plufieurs égards, & nous ne fommes pas éloignés de hafarder un de nos fuffrages en ía faveur.

Pour Girardin, que le ciel nous en préserve! Il est des êtres nés malheureufement. Burchus & Sénèque n'ont pu faire un bon prince de Néron; J. J. Rouffeau n'eft point venu à bout de faire un homme libre de Girardin.

Quoique du département de la Côte-d'Or, Guiton de Morveau n'a point débuté à la législature de manière à nous tran-> quillifer tout à fait fur fon compte. C'est un chimiste trèseftimable; il fera plus utile aux fciences qu'aux loix : qu'il retourne cultiver en paix fes connoiffances dans fon département. Il paroît que dans cette fection de l'empire la patrie compte plus de défenfeurs que de législateurs,

Tant mieux!.

Ifnard a eu de beaux momens d'éloquence & de civilme.

Kerfaint n'eft pas très-sûr qu'on fe fouvienne de fon attitude ambigue au département de Paris.

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