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tés populaires ont confervé la liberté; on livroit aux flammes des quartiers tout entiers de la ville de Paris; le faubourg Saint-Antoine difparoiffoit à jamais; Paris n'étoit plus qu'un monceau de cendres; on mallacroit jufqu'aux femmes & aux enfans des patriotes; le fignal de la mort & du carnage donné ici, fe répétoit dans tous les coins de l'empire, & bientôt Louis XVI ne régnoit plus que fur des ruines, des cadavres & des ef

claves.

Quelle idée, grand Dieu! Le fouvenir en fait frémir d'horreur. Français des quatre-vingt-trois départemens! Français, nos amis & nos frères, voilà cependant, voilà quelle eût été votre deftinée & la nôtre, fans le courage des Parifiens & des fédérés qui ont acheté, la prife des Tuileries au prix de leur fang! La détention de Louis XVI & de la femme, la fufpenfion du pouvoir exécutif entre fes mains, la nomination d'un pouvoir exécutif vraiment national, la deftitution de quelques généraux d'armées, la fuite de l'infâine Lafayette, tels font les grands événemens qui ont mis la patrie à l'abri de tant d'horreurs. Ah! quel fervice les patriotes & les écrivains de la révolution ont rendu à la liberté, à Phumanité, en s'attachant, comme ils l'ont fait, à la perfonne de ce Lafayette! Le bandeau de l'erreur étoit fi épais, qu'il a fallu ce dernier trait pour le déchirer, pour le faire tomber de tous les yeux. Oui, pour convaincre l'univerfalité de la nation que l'affaffin du champ de Mars étoit un traître, il a fallu qu'on le voie refufer d'obéir aux décrets de l'affemblée nationale, fe mettre en état de guerre contre fa propre armée, fe retrancher dans une place forte, & fe retirer de là pour émigrer en pays étranger, en emportant, à l'exemple des officiers qui l'ont précédé, la caiffe destinée à la folde & la nourriture de plus de trente mille foldats français.

Tel étoit naguère, la fituation de la France. La victoire des Tuileries, la deftitution de quelques généraux, la ftupeur des conjurés, tout fembloit annoncer un avenir riant, tout préfageoit la fin prochaine de la guerre, tout indiquoit le prochain triomphe de la liberte; mas la prife de Longwy paroit avoir ranimé le courage abattu des vils partifans de la royauté; on diroit qu'ils refpia rent, on diroit que le crime a conçu quelques nouvelles efpérances. Examinons fériéufement fi ces efpérances font N°. 164. Tome 13.

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fondées, fr la liberté eft expofée à quelque péril, fi la prife de Longwy n'eft point un événement tout naturel, & fi, par hafard, cet échec combiné ne fercit pas le coup décifif de la chute des rois, & de l'établiffement de la liberté indéfinie.

Nous avons dit plus haut qu'entre l'armée commandée par Lafayette & l'armée commandée par Luckner, on avoit ménagé un vide, une trouée de plus de dix lieves d'étendue or, qu'a fait, qu'a dû faire Lafayette à la nouvelle de la journée du 10? D'abord il a voulu féduire & fubjuguer fon armée; il s'en croyoit complétement le maître, ainfi que du département des Ardennes, dont plufieurs adminiftrateurs lui étoient vendus : enfuite n'at-il pas néceffairement dû dépêcher des courriers outre Rhin, pour avertir qu'il étoit temps, que les difpofitions géographiques étoient toujours les mêmes, & qu'il répondoit de la perfévérance des foldat? Ce n'eft, ce ne peut être que d'après cetre combinaison, que l'armée ennemie s'eft préfentée : elle a trouvé le paffage libre, & elle s'eft tout naturellement avancée jufqu'à la première ville de guerre; c'étoit Longwy. Arrivé à Longwy, on préfente le fiége, on bombarde la ville pendant quelques heures ; & le commandant de cette place, fans qu'il y eût aucune brèche de faite, fans avoir perdu de fon monde, fans avoir employé fes munitions, ce commandant ouvre les portes, delarme fa troupe, & fuit comme un lâche, après avoir, pour ainfi dire, inftallé lui-même l'ennemi à fon propre pofte. Or, un évé nement de cette nature eft certainement bien naturel, & peu fait pour donner une haute idée du courage des Autrichiens & des Pruffiens; il n'exifte pas de troupe qui ne foit en état d'entrer dans une ville qu'on lui livre à fon arrivée.

Mais non-feulement cet événement eft naturel; nous difons encore qu'il eft infiniment favorable au triomphe de la liberté : c'eft une leçon pour nous, pour l'affemblée nationale, pour le pouvoit exécutif; c'eft une leçon qui nous apprend que toutes les villes frontières font commandées par des traîtres, & que le pouvoir exécutif doit les def tituer tous. Déjà celui de Verdun & celui de Metz font remplacés; déjà le confeil national provifoire a pris des mefures pour qu'il n'en reste aucun en place, & telle eft la foibleffe de l'humanité, que peut-être il a fallu cet

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ace évident de trahifon que peut-être il a fallu que Longwy fût livré pour convaincre quelques membres du confeil exécutif, extrêmement bien intentionnés, qu'il n'y avoit pas de falur fans la deftitution de tout ce qui appartenoit autrefois à la cour & à Lafayette. Ceit ce fentiment de foibleffe qui a produit cette va cillation que quelques-uns appellent honteule relativement à la deftitution du vieux, du facile, da dangereux Luckner. Le confeil exécutif l'avoit deftitué; les commiffaires de l'affemblée nationale l'ont confervé, Cette entrave a donné lieu à un décret portant que les commiffaires du corps législatif ne pourront, à l'avenir, contrarier les difpofitions du pouvoir exécutif provifoire; mais le mal n'en a pas été moins fait, & cette contrariété a, pour, ainfi dire, obligé le confeil exécutif à céder à un tempérament qu'il a cru dicté par la prudence. L'armée que commandoit Luckner a paru défirer plutôt de s'en référer à la décifion des commiffaires de l'affemblée nationale, qu'à celle du pouvoir exécutif; & pour concilier fous les partis, pour n'alarmer perfonne, le confeil exécutif s'eft vu pretque obligé de nommer Luckner géné taliffime ad honores, en le rappelant dans l'intérieur, en donnant fon commandement à Kellermann, & en ordonnant aux généraux de correfpondre directement avec le confeil, & non avec le généraliflime, qui doit être, qui restera éternellement très-fufpect aux amis de la liberté. Si Luckner eût lui-même livré une ville, comme quelques uns croient qu'il en avoit l'intention, nous penfons, qu'en bonne politique, c'eût été un bonheur pour la marche de la liberté. Au refte, on ne fauroit blâmer le confeil d'avoir ici confulté la prudence. Luckner à Châlons, Luckner fans pouvoir immédiat fur l'armée, Luckner délivré des traîtres qui l'ont à jamais perdu, Luckner ne fauroit être dangereux; & fatigué luimême de fa nullité, nous le verrons bientôt demander fa retraite de généraliffime in partibus.

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Voyons actuellement quel est l'état de la guerre & quelles doivent être nos difpofitions de campagne. L'armée pruffienne, quoi qu'on en life, n'eft forte que de 50 mille hommes. Cette armée et en-deçà de l'armée de Dumourier & de l'armée de Kellermann. Que Dumourier & Kellermann opèrent la jonction de leurs armées refpec

tives

& les Pruffiens feront engagés dans la France,

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fans pouvoir en fortir. Kellermann & Dumourier doivent les tenir comme bloqués dans les environs de Metz. Ici deux moyens de défenfe, ou, fi l'on veut, d'attaque, s'offrent tout naturellement à l'intelligence de nos généraux; le premier confifteroit à couper les vivres & à harceler l'ennemi; le fecond, plus digne de nous, plus digne du courage de nos armées, confifteroit à livrer bataille, & nous penfons que le confeil feroit bien d'en donner l'ordre pofitif. Quel que foit, en général, le hafard des combats, toutes les chances font ici pour nous. Le gain d'une bataille met l'ennemi en notre puiflance; il en purge le territoire français, il affure à jamais la paix & Ja tranquillité publique. Le fort voudroit-il que nous fuffions vaincus, que nous duffions céder le champ de bataille, qu'importe à la liberté ? Nous aurions perdu quelquesuns de nos défenfeurs, l'humanité auroit à fouffrir, mais le fort de la révolution n'en feroit pas moins affuré. Toutes nos forces ne font pas dans les départemens des Ardennes & de la Mofelle nous n'avons là qu'une petite fraction des foldats français, & bientôt vous verriez renaître une foule de guerriers encore inconnus de la cendre de ceux qui périroient en combattant pour la patrie.

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D'ailleurs, perfonne n'ignore les difpofitions que l'affemblée nationale & le pouvoir exécutif viennent de prendre pour opérer fous les murs de Paris un prompt raffemblement de foldats, de chevaux, de chariots, de vivres & de munitions de toute efpèce. Six commiffaires du corps législatif, accompagnés de vingt-un autres com miflaires du pouvoir exécutit, tous pris dans l'élite des patriotes de la capitale, viennent de partir dans la nuit du mercredi au jeudi 29, à l'effet de fe rendre dans toutes les villes, dans toutes les communes des quinze départemens environnant la capitale, pour faire auprès d'elles toutes réquifitions néceffaires pour le falut de la patrie. Leur inftruction porte que toutes les municipa lités font autorisées à donner aux particuliers des reconnoiffances foit des chevaux, foit des vivres, foit des

foit des munitions, & Tie ces états envoyés au pouvoir exécutif feront payés par chacune des cailles des diftricts refpectifs. Nous allons voir quelle eft larder des Français; nous allons voir defcendre à Paris des milliers de défenfeurs. Or, cette armée on la réunira au

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camp de Soiffons, maintenant de Compiegne, on la portera vers la frontière du côté de Longwy, & on l'oppofera avec fuccès à la marche des brigands de Pruffe & d'Autriche, qui par l'effet de cette tactique nationale fe trouveront pris entre deux feux, le feu de l'armée comHinée de Kellermann & Dumourier, & le feu des nombreux bataillons que l'on va d'abord porter fur Reims & puis dans les plaines de Metz.

eux,

Courage, Français ! jamais le moment n'a été fi beau; rien ne s'oppofe aujourd'hui à votre énergie; l'affemblée nationale, le pouvoir exécutif, la commune de Paris, tout eft animé du zèle le plus pur, du défir le plus brûlant d'affermir la liberté. Nous ne fommes plus au temps où un feul individu croyoit pouvoir fauver la patrie; la patrie fera fauvée par le peuple. Une grande convulfion populaire s'apprête, toute la France veut avec l'affemblée nationale & le pouvoir exécutif que tous les hommes fufpects foient défarmés; que tout citoyen qui`` ne pourra pas fe rendre aux frontières abandonnne fon arme à celui qui va à la frontière; que ces armes foient promptement remplacées par une immenfe fabrication de piques; que tous les arquebufiers, fourbiffeurs dépofent fur le champ, & vendent à l'état tout ce qu'ils ont chez foit de fufils, foit d'autres inftrumens propres à la défenfe; que les municipalités & fections failent établir dans toutes les places publiques des fourneaux où l'on forgera jour & nuit des piques & des lances; la France, l'affemblée nationale & le pouvoir exécutif veulent que tous les chevaux, tous les chariots, tous les objets néceffaires à la guerre foient employés à la guerre. Dans la circonftance où nous vivons la promifcuité de biens eft de droit, tout appartient à tous; la propriété de l'homme eft la liberté, toutes les priétés particulières doivent être employées à la confervation de celle-là. Lorfque nos frères feront fous la tente, lorfque 800 mille hommes feront allés chaffer les Autrichiens; lorfque toutes les bouches à feu, tous les fufils, toutes les armes de l'invention moderne feront aux frontières penfe-t-on que le fervice de l'intérieur ne fe fera pas! Penfe-t-on qu'il y ait quelque danger à courir de la réunion des contre-révolutionnaires? Non: qu'avant de quitter leurs foyers les habitans de chaque commune mettent en lieu de fûreté & fous la fauve

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