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vénient n'arrive plus déformais, il faut que les affemblées primaires de chaque département fe réfervent le droit de furveiller leurs députés à la convention nationale, de, les juger & de les révoquer à volonté; fans cela, point de fouveraineté populaire.

Nous difons quatrièmement que les puissances de l'Europe vont faire jouer toutes leurs intrigues auffi-tôt que la convention fera raffemblée, qu'on y verfera des flots d'or, qu'on n'épargnera aucun moyen de féduction pour y établir des partis, afin d'empêcher la réforme de la conftitation, & fur-tout afin de briguer la place de chef du nouveau pouvoir exécutif. Or, il importe de neutralifer d'avance l'effet de ces machinations, de ces féductions, & le moyen le plus sûr d'y parvenir eft de rapporter le décret qui fixé le nombre des députés à la convention au nombre des députés à la législature_actuelle, pour le doubler, fi on le juge convenable. Plus il y aura de perfonnes à corrompre, & moins il fera facile d'arriver à la corruption. Ainfi, au lieu de 750 députés, il est néceffaire, il eft indifpenfable qu'il y en ait au moins 1200.

Une méfure non moins importante eft celle de ne pas donner aux corps électoraux une dictature d'élection trop illimitée. Il eft certain que là où les électeurs font exclufivement les dépofitaires du choix du peuple, il n'y a pas de représentation nationale; il paroît également vrai, d'un autre côté, que les affemblées fouveraines fans moyen intermédiaire, ne fauroient donner un réfultat unique, & former un corps de repréfentans. La France eft compofée de près de 70 mille affemblées pri maires. Comment 70 mille affemblées primaires éliroientelles un corps de 1200 perfonnes? Dans cet état de chofes, & en attendant que l'expérience & la pratique de la liberté nous aient appris à faire des élections purement immédiates, il faut que les perfonnes nommées par les électeurs paffent à la ratification des affemblées primaires : c'eft le feul moyen, quant à préfent, de faire en forte que le peuple foit réellement représenté.

Nous obferverons, pour fixième & dernière mefure, que l'ancienne conftitution n'a jamais été la conftitution trançaife; qu'elle n'a jamais été fanctionnée par le peuple; que le peuple a été contraint d'y obéir, fans l'avoir librement confentie; & que, pour éviter ce malheur à

Pavenir, les affemblées primaires ne doivent donner à leurs députés que des pouvoirs conditionnels & fujets à la ratification. La France entière doit déclarer qu'elle ne promet pas obéiflance en aveugle, qu'elle veut que la conftitution, quand elle fera achevée, foit envoyée à la fanétion du peuple, & qu'il n'y aura véritablement de conftitution dans l'empire, qu'après qu'elle aura été confentie par la majorité des citoyens de l'empire.

Si nous avons foin d'employer ces mesures préalables, pas de doute que la convention ne foit bien compofée qu'elle ne foit à l'abri de toute féduction, que la conftitution ne foir calquée que fur la déclaration des droits de l'homme, & qu'enfin elle ne devienne un de ces ouvrages impériflabies qui paffent aux générations les plus reculées: pas de doute qu'elle ne foit bientôt la bannière de tous les hommes & la conftitution de tous les états.

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Mais fi, déjà inftruits par une fatale expérience de qua re années, les Français fe laiffoient aller à l'indifférence fur le choix de leurs nouveaux légiflateurs, s'ils portoient encore à la convention des hommes modérés, des ames vénales, toutes empreintes de la rouille des préjugés de l'ancienne conftitution, s'ils ne fe réfervoient le droit de rappeler tous ceux de leurs repréfentans qui ne marcheroient pas d'accord avec l'opinion publique en un mot, I dans la plénitude de fa puiffance le fouveram ne dictoit pas lui-même des loix à fes mandataires, s'il ne leur défendoit pas impérieufement de délibérer fur l'inf titution monftrueufe des rois, qu'il a lui-même profcrite, comme incompatible avec la liberté, bientôt la France ne feroit plus qu'un foyer de cabales, de factions & de partis qui parviendroient tôt ou tard à la déchirer. Légiflateurs c'est à vous de retirer votre décres qui fixe à 750 le nombre des députés à la convention nas tionale, de même que celui qui conferve les corps élec foraux dans toute leur étendue de pouvoirs; c'est à vous de décréter un mode d'inftruction que vous sen verrez dans toutes les municipalités pour rendre l'orga nisation de la convention uniforne; c'eft à vous de dé clarer les principes que nous venons d'énoncer ; & fi ces verités ne parvenoient pas jufqu'à eux, fi dans l'immenfité d'affaires dont ils font entourés, il leur étoit impoffible de prêter l'oreille à la voix des écrivains qui fe

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font conftamment dévoués à leur patrie; représentans de la commune de Paris, citoyens des fections, Français de toutes les parties de l'empire, au nom du bien pu blic, nous exigeons de vous que vous recueilliez ces mêmes principes, que vous les configniez dans des adreffes, que vous falhez paffer ces adrefles à l'aflemblée nationale; nous l'exigeons, nous en avons le droit, & nous appelons fur vos têtes une refponfabilité terrible fi vous négligez dette mesure décifive.

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Nous finirons par une dernière obfervation fur le mode & la latitude des élections. Il n'y a plus de pros vinces, il n'y a plus de priviléges, il n'y a plus de dif tinctions territoriales, il n'y a plus qu'une France & des Français. Pourquoi donc obliger les citoyens d'un departement à élire leurs magiftrats, leurs représentans dans la partie du territoire qu'ils habitent plutôt que dans toute autre? Cette entrave ne fauroit fübfifter plus long-temps la raifon & la juftice veulent que fi les affemblées plimaires, ou fi l'on veut, le corps électoral d'un départe ment trouve qu'un ou plufieurs citoyens d'un départe ment voifin font dignes de leur confiance, & plus pro pres aux fanctions de la législature que ceux des habi tans de leur propre département, ils puiffent leur re l'honneur de les choifir. Il ne s'agit pas tant ici de compenfer les fervices rendus à la chofe publique que de fauver & d'organifer la chofe publique; & par- tout ceux-là doivent avoir la préférence qui font jugés les plus dignes & les plus capables de concourir & fon orgar nilation & à fon falut.

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De la confpiration royale, de 1792. trolat 90

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Tous les pays qui voulurent être libres chafèrent leurs tyrans. Rome expulfa Tarquin, la Suiffe brifa avec la maifon d'Autriche, l'Amérique fecoua le joug des rois de la Grande-Bretagne. Et nous nous Français 'hous nation éclairée, nous avions cru pouvoir renverfer de def potifme fans renverser le defpote; nous avions penté qué le cœur d'un roi fût acceffible aux remords; nous avions imaginé que Louis XVI pût être un homme de bien; & par une contradiction inouie, par l'ignorance la plus groffière du cœur humain & de fes paffions, nous avions

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élu chef de la nation celui qui, peu d'années auparavant ; vouloit écraser la nation.

Hélas! nous avons pendant quatre ans fait la doulouteuse expérience de l'incompatibilité d'un roi avec la li berté; pendant quatre ans, Louis XVI n'a offert à fon pays que l'exemple atroce de la duplicité, de l'ingratitude, de tous les crimes. Comblé des bienfaits du peuple, ne refpirant que par la clémence du peuple, de qui le traître s'eft-il conftamment,obflinément entouré?De nobles furieux, de prêtres fanatiques, de fcélérats en tout genre: ce furent là les confeillers du chef d'une nation qui fe difoit libre, qui vouloit être libre. Parcourons la lifte des agens qu'il à nominés, foit dans l'adminiftration civile, foit dans les emplois militaires, & nous y lirons les noms de ceux que, pour fa propre sûreté, le peuple a dû profcrire des commiffaites du roi, tous contre-révolutionnaires; des généraux, tous confpirateurs; des officiers, tous esclaves de leurs généraux; une foule de miniftres, dans le nom bre defquels on n'en compte que trois qui n'ont pas dé mérité de la patrie; tels ont été les inftrumens de ce que Louis XVI appeloit fon amour pour la conftitution. O nation confiante & crédule! comme on s'eft indi gnement joué de ta bonne foi ! Le ci-devant roi n'eut pas plutôt accepté la conftitution qu'il tenta de la mettre en pièces. Careffes, féductions, nouveaux fermens, abus du vero, proclamations infidieufes, tout fut mis en ufage, & l'or de la lifte civile couloit abondamment dans les mains de tous les traîtres.

Peuple Français, le jour à lui pour toi; les Parifiens & la troupe immortelle des fédérés ont déchiré ton bandeau, & tu n'as plus vu dans ton roi qu'un tyran, dans fa cour qu'une horde de confpirateurs, dans tous fes agens que des complices infâmes qui vendoient à tant par mois, la liberté du peuple & la gloire dé la nation. Tu as vu que, dans la nuit du 10 le tyran s'étoit entouré de fes plus affidés fatellites; tu as fu qu'il les avoit paffés en revue, que du gefte & de la voix il les avoit encouragés au plus noir des forfaits; tu as f qu'il avoit lui-même donné le fignal du carnage, que retiré dans le fein du corps légiflatif, il y étoit tranquille & ferein pendant la bataille, & qu'il n'attendoit que l'inftant où fa troupe victorieufe devoit venir égorger les repréfentans de la nation fous fes yeux, & l'emmener en N°. 163. Tome 13.

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triomphe fur le trône du defpotifme; tu as fu que lui, quefon exécrable épouse n'ont pu diffimuler leur abattement au récit de la victoire du peuple; on t'a dit que cette femme impie avoit été trouvée munie d'un poignard; tu fais que dans l'appartement du tyran on a trouvé mille images fanguinaires dont Louis XVI repaifoit fes yeux & fon coupable espoir (1); toi même n'as tu pas trouvé dans les fouterrains des milliers de torches & de mèches deftinées à incendier les maifons de tous les patriotes? Eh bien! peuple! apprends encore que fi tu ne t'étois pas levé, fi tu n'avois pas bravé la mort, celle de tes meil leurs défenteurs étoit affurée. Dans le fecrétaire de Louis XVI, dans celui d'Antoinette, on a trouvé des liftes de profcription, dont la feule idée fait horreur. Danton, Robespierre, Pétion, Manuel, Servant, Santerre & plus de douze cents patriotes de la capitale y étoient voués à la mort. Ils devoient pêrir, foit par la hache des bourreaux, foit par le fer de ces affaifins dont le coupable d'Angremont étoit le chef.

Déjà cet agent fecret des barbaries de Louis XVI a payé de fa tête, en attendant que fes complices, & principalement fon maître, fubiflent ainsi que lui le jugement du peuple & l'exécution de la loi. Collenot, dit d'Angremont, étoit petit fils d'un geolier de Dijon; il devint l'ami, le confiant de Médicis. Son ministère confiftoit à enrôler des fcélérats exercés au métier de brigand, d'affaffin, d'incendiaire: on en a trouvé une liste énorme dans fes papiers; ce fait a été conftaté par le juré d'accufation: cette bande de ficaires étoit diftribuée en brigades, & difféminee dans tous les quartiers de la capitale. De jour, leur configne étoit d'affifter, foit aux féances de l'affemblée nationale, foit à celles des jacobins, soit à ces féances populaires qui fe tenoient au milieu des places publiques, & qu'on qualifioit du nom de groupes. Ils y prêchoient le royalifme & l'idolatrie, ils y déclamoient contre les patriotes; & lorfqu'un citoyen émettoit librement fon opinion, l'ordre étoit de lui fufciter une que

(1) Entre autres amusemens de ce genre, on a trouvé au château plus de mille boîtes avec un médaillon re préfentant un foldat pruffien égorgeant un jacobin.

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