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davantage dans le pays ennemi ils auroient en flanc trente mille hommes des ennemis, ils fe font portés à Landau.

M. Luckner s'attend à des attaques multipliées de la part de l'ennemi; il déclare que les difpofitions de nos troupes font fort bonnes.

Oui, les difpofitions de nos troupes font bonnes ; oui, elles font telles qu'il feroit impoffible de les vaincre ; encore bien que les Allemands reuffent pas la fainte maladie de la défertion civique, & qu'ils vouluffent férieufement obéir aux ordres de l'infenfe Brunswick, qui ne nous dit pas dans fes manifeftes que les armées campées dans les Pays-Bas font en infurrection, & que celles campées dans le Palatinat ne font ni auffi-bien tenues, ni auffi nombreufes que Luckner fe l'étoit imaginé. Des lettres de Stuttgard portent que l'armée autrichienne dans le Palatinat, confifte en dix-huit mille hommes effectifs, & doit être portée à 25,000. Elle fe trouve à 5 lieues & demie environ de Landau en droite ligne.

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Le 19 de ce mois, la première patrouille eft fortie du camp pour aller en reconnoiffance. Elle étoit composée de huflards de Wurmfer, & de cinquante chevaux legers de Kinski, commandés, qui fe font avancés à la vue de Landau, fans rencontrer un feul homme.

-Le bruit général du camp étoit qu'on alloit commencer par le fiége de Landau, mais on aflure qu'il y aura quatre attaques à la fois, dirigées fur Weiffembourg, Landau, Strasbourg & Schezingen..

La pofition des Autrichiens eft très-défagréable. Quoique ce foit un ancien camp de M. de Turenne, tout y manque, & l'eau fur-tout. Il n'y a que deux puits pour toute l'armée, & les chevaux font obligés d'aller chercher à près de deux lieues un petit ruifleau qui leur fert d'abreuvoir..!!

La marche longue & rapide des troupes a eftropié un grand nombre de chevaux. On en compte trente à quas rante de bleffés par compagnie.

Cette armée attend une partie de la groffe artillerie qui a été vue le 21 à Ausbourg.

On á engagé à Stuttgard cinq voituriers avec leurs che vaux pour l'artillerie autrichienne, on leur donne cinq louis d'engagement & c'est un aide-de-camp. général du duc de Wurtemberg qui est chargé de cette opération. ›

Les nouvelles du côté de la Sardaigne & de l'Efpagn: parlent autfi des mouvemens circonftanciés de ces deux puiffances: elles font bien décidément dans un état hole; elles ont bien décidément levé le maïque, & déjà les généraux efpagnols, ayant fous leurs ordres un corps de dix mille émigrés, ont voulu faire une invafion; mais ils ont été repouffés avec avantage par nos gardes nationales, qui n'entendent pas plus raifon au pied des Pyrénées qu'aux bords du Rhin; ce qui nous fat croire à une prochaine propofition de paix, par la médiation du cabinet de Saint-James, & de tous ceux qui ont gardé la neutralité; & ce qui donne plus de vraisemblance à cette conjecture politique, c'eft qué le fameux Mottié vient d'ordonner, dans fon armée, des manœuvres qui ne reflemblent pas à un plan de bataille. Une lettre de Balton, près Stenay, en date du 3 août, porte ces mots :

« Je fuis dans la néceffité de vous écrire celle-ci, » pour vous dire que je ne fuis plus campé, & que » l'armée de Lafayette eft cantonnée dans les villages » aux environs de Stenay. Je ne fais ce que cela figni» fie : nous nous fommes éloignés des frontières. Est-ce » pour un accommodement ou pour laiffer faire les moif»ions? Je ne comprends rien à cette manoeuvre : nous » avons auffi rendu tous nos effets de campeinent, » comme fi la paix étoit faite ».

N. B. D'autres lettres confirment que Lafayette a cantonné partie de fon armée, & l'on ne peut encore deviner l'objet de cette étrange mefure.

Voilà comme il faut que le héros du champ de Mars fe diftingue toujours. Imprudent! Son ambition ne l'a pas plutôt fait entrer dans un nouveau complot, que, par des actes non équivoques, il femble vouloir l'annoncer à tout l'univers. Oui, Lafayette a fait cantonner fon armée, parce qu'il eft d'intelligence avec les cours; il l'a fait cantonner, parce qu'il compte fur une paix prochaine & trompeufe; mais, Français ! rappelez-vous qu'après l'expérience que vous avez faite, il n'y a plus de paix avec les tyrans; la guerre une fois déclarée, la France ne peut plus figner de traité de paix qu'avec les peuples qu'elle aura rendus libres. Le tocin de la guerre a été & fera le tocfin de la mort des rois & de leurs lâches fuppôts.

Sur la lettre de Montefquiou à la fociété des amis de la conftitution de Marfeille.

Et Montefquiou auffi marche fur les pas de Lafayette ! & Montefquiou auffi a trompé les Marfeillois & la nation qui avoit quelque confiance en lui! Sycophante, il n'a donc joué le patriotisme pendant quelques inftans, que pour en impofer à fes concitoyens trop crédules. Ah! nous l'avions toujours dit; il ne fe trouve peutêtre pas un homme de bien dans la cafte entière des nobles; la nation ne doit compter fur aucun d'eux; elle doit rendre une loi févère qui les exclue à jamais de tous les emplois de la république. La France eft menacée d'une invafion etrangère & d'une grande commotion au-dedans. Infenfés que nous avons été, lâches que nous fommes encore, qu'aurions-nous à craindre fi nous n'avions à combattre que des Autrichiens, des Pruffiens, des Français rebelles, des Piémontais & des Sardes? Nos intrépides gardes nationaux, nos innombrables bataillons pourroient-ils laiffer douter un inftant du fuccès de la guerre, s'ils étoient commandés par des hommes qui vouluffent des fuccès? La déclaration du danger de la patrie femble avoir électrifé tous les efprits dans les quarante-huit fections de la capitale; quarante fept ont voté pour la déchéance de Louis XVI; le peuple eft aujourd'hui convaincu que Louis XVI eft un confpirateur, qu'il eft la caufe de tous nos maux; cette opinion est à peine partagée par les fociétés populaires; tous les citoyens qui ne font pas membres de ces fociétés fe font ralliés à elles dans le péril de la chose publique; & dans un concert perfide, tous nos généraux s'accordent à demander, foit la repreffion, foit la diffolution de ces mêmes fociétés, le feul point de réunion des patriotes de l'empire.

Que Lafayette, cette ombre d'un grand homme, ait en horreur tous les amis de la liberté, que le vieux Lamorlière ait auffi provoqué l'impuiffante fureur du côté droit de l'affemblée nationale contre les partifans de la révolution, que le double Luckner ait figné des lettres approbatives de l'opinion de M. Lafayette tout cela n'a rien qui étonne; mais Montefquiou, cet ufurpateur de l'eftime des Marfeillois, Montefquiou devenir auffi le

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complice de l'affaffin du champ de Mars! C'eft ce qui indigne tous les bons citoyens. Voici fa lettre aux amis de la conftitution de Marfeille.

Du 12 juillet. « Je n'ai pas imité M. Lafayette; mon armée n'a pas fait de pétition; nous fommes tous restés dans le filence que la loi impofe à la force armée, ainfi mon opinion ne doit pas vous être fufpecte, car je n'ai ancune action perfonnelle à juftifier.

» Mais fans être de près ni de loin dans le fecret de M. Lafayette, je puis vous dire, avec certitude, qu'il efl un excellent citoyen, qu'il eft incapable de vouloir com-" pofer pour la conftitution, qu'il la veut entière, & qu'aucune perfidie n'est à craindre de lui; ainfi toutes les ca lomnies qu'on répand fur lui font abfurdes, & il n'en mé

rite aucune.

» Je vous dirai, avec la même vérité, que les Jacobins de Paris perdent le royaume, parce qu'ils font influencés par quelques hommes pervers qui les gouvernent, & qu'ils font les artifans de la divifion qui a ôté à la nation les trois quarts de fa force, au moment où elle en avoit tant befoin. Si ce petit nombre de mauvais citoyens étoit exclu des Jacobins, fi la maffe des bons citoyens paroiffoit dans fa pureté, le royaume feroitfauvé.

» Je regarde, ainfi que vous, les fociétés patriotiques comme le rempart de la liberté; mais il faudroit prendre garde à un inconvénient qui ne tient pas à leur exiftence, mais à l'abus que quelques-unes en font. Nous voulons être libres; mais un peuple libre a besoin d'être gouverné tout comme un autre, & il n'y a plus de gouvernement quand tout le monde s'en mêle. Or, les fociétés patriotiques font tout le monde. Les autorités conftituées par la loi nous font auffi néceffaires que la loi, car la loi fans miniftres eft un être idéal. Si chacun juge à fon gré les miniftres de la loi, fi on peut à chaque inftant les dénoncer à une tribune, à tort','à travers, & leur ôter, par une feule dénonciation toute l'autorité que la loi leur donne il n'y a plus moyen que le gouvernement marche. C'eft ce qui arrive dans une multitude de petites villes, où l'on n'a pas les lumières qui vous diftinguent, & où des intrigans, peut-être tous faux patriotes, vont impunément dans les clubs faper ainfi avec fécurité les bales de la conftitution

conftitution que nous avons jurée ; & dans le fait, on ne l'a effayée nulle part car nulle part les autorités qu'elle a créées ne font refpectées ni libres dans leurs fonctions. Le corps législatif même n'eft pas libre dans les fiennes; les Jacobins de Paris & les tribunes y font la majeure partie des décrets.

Si cela dure, fi le danger public ne rallie pas les hommes libres, nous fommes perdus. Les puiflans ennemis que nous avons attirés avec tant d'imprudence tandis qu'ils ne faifoient que murmuret contre notre ré volution ne trouvent que des hommes divifés. Ils au-. ront à faire à des Jacobins, à des Feuillans, à des enragés, à des modérés, &c. &c.; car ces fignaux de hane font très-multipliés; mais ils n'auront pas à faire à des Français; & c'eft par notre faute que nous per drons le fruit de tant de travaux.

» Voilà ce que M. Lafayette a dû voir. Je préfume que c'est ce qu'il a vu. M. Lafayette n'a pu que vouloir rallier tous les partis à l'étendard de la conftitution car fa propre caufe eft enchaînée à celle-là. M. Lafayette n'eft ambitieux que de gloire; il ne veut être ni protecteur, ni dictateur; il voudroit fauver la France & en avoir l'honneur; il a cru, fans doute, n'avoir plus d'autres moyens que celui qu'il a pris, car il eft forti de fes principes en le prenant. Voilà, meffieurs, ce que je penfe de lui & des événemens.

» Mais ce n'eft rien de voir le mal, fi l'on n'en cherche le remède. Il ne peut venir par des moyens efficaces que de ceux qui font sûrs de fe faire écouter. La fociété des amis de la conftitution de Marseille pourroit fe couvrir de gloire en donnant le fignal de ralliment général. Il faudroit qu'elle-même réduisit fes féances à la propagation des principes de la liberté; qu'elle eût le courage de s'interdire tout droit de cenfure des autorités conftituées; qu'elle fermât fes féances à tout mo tionnaire qui les attaqueroit; qu'elle abolît les noms de fectes & de divifions dans le parti populaire, & qu'elle proclamât ces principes dans tout le royaume.

» C'est alors que nous pourrions espérer de former un faisceau compofé de toutes les autorités publiques, appuyé de toute la force des bons citoyens. Je crois que ce parti feroit bon, car c'est tout ce que craignent les aristocrates, nos feuls, nos vrais ennemis, dont je orains,

N°. 161. Tome 13.

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