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"nacent la patrie font réels; mais que fi la France en »tière, qui reçoit l'influence des repréfentans du peuple, » ajournant toutes les conteftations, fe livre avec union » au falut de l'état, la guerre que nous avons à foute»nir, loin de nous conduire à l'humiliante fituation de >> recevoir de nos ennemis des loix & des fers, peut » tourner au profit de la liberté univerfelle de tous les » peuples de l'Europe. Une fi impofante alternative com"mande à tous les bons Français des facrifices ; & il » n'appartient qu'à l'affemblée nationale de les y inviter

avec fuccès: l'union fera la force du peuple; elle mul»tipliera celle des armées; elle feule enfin, en infpirant » un mépris égal pour les intrigans, comme pour les » factieux, oppofera une forte digue au torrent des

puiffances coalifées, & obtiendra l'hommage éternel de » la postérité à ceux qui auront le courage d'en annoncer & » d'en donner l'exemple. Signé, le maréchal LUCKNER ». Après la lecture de cette lettre, on fe demande d'abord fi, dans le temps qu'il eft prouvé, par la déposition uniforme de fept témoins irréprochables, que telle perfonne a dit telle chofe, cette même perfonne demeure encore maitreffe de défavouer ce qu'elle a dit, & fi un défaveu de fa part peut rendre nulles les fept dépofitions qui l'ont précédé: on fe demande en fecond lieu fi, dans la fuppofition qu'un démenti poftérieur ne rende pas les dépofitions nuiles, un fait allegué par une feule perfonne, & recueilli & attefté par fept autres eft cenfé légalement prouvé; & enfin s'il feroit cenfé prouvé que Lafayette a propofé à Luckner de marcher fur Paris, par cela feul qu'il feroit prouvé que Luckner auroit dit que Lafayette lui a fait faire une telle propolition.

Nous répondrons à la première queftion, que la lettre de Luckner n'eft pas de nature à pouvoir infirmer la dépofition de MM, Briffot, Guadet, Lafource, &c. qu'une fois qu'un homme a dit une chofe il n'eft plus en fon pouvoir de faire que cette chose ne s'eft pas dite, partant, que malgré la lettre de Luckner, il refte conftant au procès que lui Luckner a dit que Lafayette lui avoit fait propofer de marcher fur Paris.

dit

Mais quand on demande enfuite fi de ce que Luckner a que Lafayette lui avoit propofé de marcher fur Paris, il réfulte la preuve qu'en effet Lafayette a propofé de marcher fur Paris, nous répondons que le propos de

Luckner, de Luckner feul, n'eft point une preuve du nonveau délit imputé à Lafayette.

Il réfulte de la réponse à la première question que Luckner s'est encore déshonoré une fois par cette autre contravention de fes lettres avec lui-même, & que fi l'affemblée nationale attache une grande importance à favoir de la bouche du maréchal fi on l'a bien compris chez M. l'évêque de Paris, elle doit ou le mander à la barre', ou lui envoyer une commiffion, qui fera chargée de l'interroger fur faits & articles, en lui enjoignant comme meture néceffaire de ne recevoir ces déclarations que de la bouche même du maréchal, & hors la prétence de fon état-major & de tous les officiers qui l'entourent. Cette mefure est d'autant plus effentielle, que la lettre de Luckner emporte avec elle la preuve qu'elle n'eft pas de lui, partant qu'elle ne contient pas l'expreffion de fa volonté. On lui fait dire au cominencement qu'il ne fait pas la langue du pays où il fert, & cependant, femblable à toutes celles que Luckner a foufcrites précédemment, elle ne peut avoir été écrite que par quelqu'un qui fait la langue françaife: il eft donc inftant de l'interroger, afin de n'ajouter fois qu'à fes interrogats, & nullement aux lettres qu'il ne fait que figner.

Il réfulte de la réponse à la deuxième question, que jusqu'à préfent Lafayette n'eft pas convaincu d'avoir eu l'intention de marcher fur Paris. Faut-il donc conclure de là que cette preuve n'exifte nulle part? Non, car M. Bureaux de Puzy a eu l'imprudence de la communiquer lui-même à l'affemblée nationale. La voici toute entière dans une lettre qu'il a laiffée fur le bureau.

Lettre de M. Lafayette au maréchal Luckner, au camp de Tainière, le 22 juin 1792. « J'ai tant de choses à vous » dire, mon cher maréchal, fur notre fituation politique » & militaire, que je prends le parti de vous envoyer Bureaux-Pufy, pour lequel je connois votre amitié & votre confiance, & à qui j'ai voué les mêmes fentimens. Depuis que je refpire, c'eft pour la caufe de la liberté; je » la détendrai jufqu'à mon dernier foupir contre toute » espèce de tyrannie, & je ne puis me soumettre en filence à » celle que des factions exerceni fur l'affemblée nationale &

le roi, en faisant fortir l'une de la conftitution que nous » avons tous jurée, & en mettant l'autre en danger de fa » deftruction politique & phyfique..

» Voilà ma profeffion, c'est celle des dix-neuf vingtièmes » du royaume; mais on a peur, & moi je ne connois pas » ce mal là. Je dirai la vérité.... Au refte, mon cher maré» chal, je me conduirai d'après ce qui vous paroîtra le

plus utile à vos projets, & je fuis bien sûr que fur »notre fituation politique nous ferons également unis » puifque nous voulons loyalement fervir notre cause & » tenir nos fermens ». Signé LAFAYETTE.

J'ai tant de chofes à vous dire fur notre fituation politique..... Voilà donc M. Lafayette, général d'aimée, qui délibère, qui dépêche un de fes agens à Luckner pour délibérer fur des objets politiques. Or, la conftitution défend à la force armée de delibérer, donc cette lettre de Lafayette prouve, 1°. qu'il a enfreint la conftitution, comme elle prouve en fecond lieu que cet intrigant roule dans fa tête des projets politiques, & qu'il ne fe borne pas à combattre contre les ennemis du dehors, mais qu'il fe fert de fon pouvoir militaire, qu'il veut engager le maréchal Luckner à fe fervir du fien pour influencer la fituation politique de

la France.

*

Je ne puis, dit-il, me foumettre en filence à la tyrannie que des factions exercent fur l'affemblée nationale & fur le roi, en faifant fortir l'une des bornes de la conflitution, en mettant l'autre en danger de fa deftruction politique & phyfique.... Il ne peut fe foumettre en filence; il veut donc agir: c'étoit donc pour concerter des mesures avec Luckner qu'il députoit Bureaux de Pufy; c'étoit pour concerter des mefures qui tendiffent à maintenir l'affemblée nationale dans les bornés de la conftitution, qui protegeaffent le roi contre l'affemblée nationale & le peuple de Paris. Le voilà donc juge de l'affemblée nationale, le voilà protecteur du roi, le voilà qui a décidé que l'affemblée nationale avoit violé la conftitution; que dans la journée du 20 juin on avoit attenté à la vie de Louis XVI. Or, l'affemblée nationale eft à Paris, Louis XVI eft à Paris, la faction qui exerce fa tyrannie fur l'un & fur l'autre eft à Paris; Lafayette ne peut fe foumettre en filence à cette faction, il veut l'attaquer, il ne peut l'attaquer qu'à Paris; donc fa lettre feule, indépendamment des confidences de Bureaux de Pufy, eft une propofition de marcher fur Paris ; donc il ne doit plus être queftion ni du certificat des députés, ni de l'aveu de Luckner; la lettre de Lafayette est une pièce de conviction, & seliement de conviction, qu'elle

Tuffit non feulement pour faire porter le décret d'accufation, mais encore le jugement de la haute cour nationale. Voilà, dit il, ma profeffion de foi, c'est-à-dire je profeffe que le roi eft en danger de fa deftruction politique & phyfique; je protefte que l'affemblée nationale eft fortie de la constitution, & je prot- fte que je ne puis me foumettre à cette tyrannie. Jamais confpiration ne fut mieux prouvée; elle l'eit par le confpirateur lui-même.

Heft inutile de dire que tous les faits font faux, qu'il eft faux qu'il existe une faction qui domine l'aflemblée nationale, fi ce n'eft celle de Lafayette & de Coblentz. Il eft faux que l'assemblée nationale ait violé la conftitution; il eft faux que le roi foit en danger; les événemens du 20 juin ont prouvé le contraire : mais quand tout cela feroit vrai, efi-ce à un général, qui n'a de pofte qu'à la frontière, à s'immitcer dans le gouvernement intérieur ? Est-ce à lui à accufer l'affemblée nationale? A-t-il commillion pour cela? Eft-il revêtu d'une autorité fepérieure à celle des repréfentans du peuple? L'affemblée nationale eft-elle à fes ordres? Et s'il étoit vrai qu'il y eût des troubles à Paris, ne fait-on pas qu'il y a auffi une force publique, que l'armée de ligne ne fait pas partie de la force publique de Paris, que la force publique de Paris ne peut elle-même agir que d'après la réquifition des autorités conflituées de Paris, qu'à plus forte raifon une force publique autre que celle de Paris qui ne feroit pas requife par les autorités conftituées de Paris, ne pourroit être envifagée que comme une armée ennemie, & le général qui la commanderoit comme un perturbateur du repos public?

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Je fuis bien sûr que fur notre fination politique nous ferons également unis.... Autre preuve de la volonté de Lafayette de diriger ou réprimer à fon gré les mouvemens & le gouvernement intérieur de l'empire; il n'eft pas feulement général, il veut être adminiftrateur, juge, pouvoir exécutif & législateur; encore un mois d'impunité, & il fera tout cela,

Nous voulons loyalement fervir NOTRE cauf..... Notre caufe! Législateurs, pefez ce mot; ce n'eft pas la caufe du peuple dont il parle, c'eft la fienne, c'eft celle des géné -ratix, C'est celle de la minorité de la nobleffe, qui n'est pas du tout la nôtre. Français ! voilà la conduite, voilà les

intentions de ceux qui vous commandent; levez-vous ! on fervez.

Nous en étions à ce point de difcuffion, nous confervions encore quelque confiance dans l'affemblée nationale, nous attendions avec impatience le résultat de fes délibérations, logique jeudi à fix heures elle déclara qu'il n'y' avoit pas heu à accufation contre le chef infolent de tous les conjurés, de tous les ennemis de la liberté de l'égalité. Cependant le rapport du comité des vingt-un tendoit au. decret d'accufation; cependant M. Briffot, dans un difcours qui lui fait honneur, a prouvé jufqu'à l'évidence que fix loix déjà exiftantes, condamnojent légalement ce général factieux cependant l'opinion públique étoit formée, fur, fon compte, cependant la capitale entière attendoit ce décret, comme étant la mefure de l'infamie ou du patrio tine de l'affemblée nationale, & comme devant lui fervir de bouffole pour fes déterminations ultérieures..

Malgré toutes ces confidérations, malgré la raifon, la justice, l'intérêt public, la majorité des reprefentans de la France a vendu fes fuffrages au plus vil comme au plus ambitieux des hommes, & le dictateur de 1792 a été abfous à une majorité de plus de deux cents voix. O honte!

infamie! la majorité de l'affemblée nationale n'eft plus qu'une faction criminelle qui foule aux pieds les loix, qui les méprife & les outrage. Qu'avons-nous dit? Les loix ne font qu'une émanation de la fouveraineté nationale & de Popinion publique; Fune & l'autre font établies fur la déclaration des droits, fur le droit imprefcriptible de la réfiftance à l'oppreffion, & le législateur, a décrété cette réfiftance; il a décrété l'infurrection par cela feul qu'il a

is Lafayette au-deffus des loix écrites. Si dans ce moment il n'y a plus de loix conventionnelles en France, il У refte un fouverain, il y refte des bras pour punir la horde de factieux qui a, d'un feul acte, deforganifé tout l'empire.

Difpofitions & mouvemens des armies françaises

ennemies,

Le fameux DUC de Brunswick vient de publier un fecond manifefte, tout, auffi ridicule, tout auffi abfurde que le premier, & dans lequel il déclare qu'il ne re

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gardera le roi de France comme like qu'au moment

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