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Or, les émigrés ont formé une de ces entreprifes coupables contre la nation, enfuite les prêtres féditieux & fanatiques, enfuite du Saillant au camp de "Jalès, enfuite le furieux juge de paix de Quimper; ces enneprifes ont toutes été tentées, plufieurs même exécutées au nom de Louis XVI. Louis XVI ne s'y eft pas oppofé: donc il eft cenfé avoir abdiqué la couronne.

Non, Louis XVI n'a pas cherché à réprimer ces entreprises; il n'a rien fait, rien dit, rien ordonné contre Dufaillant & le juge de paix de Quimper; il n'a pas dépendu de lui que ces deux confpirateurs, chefs de bandes armées, ne foulevaffent toute la France; Louis feine les laiffoit tranquillement s'affembler, faire des fiéges, attaquer ouvertement la conftitution.

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Quant aux tentatives des émigrés & des prêtres, il eft également vrai que Louis XVI a encouru la déchéance, en les laiffant tranquillement femer le défordre & menacer la patrie; & ici non-feulement fon crime eft négatif, tel qu'il fuffit aux termes de la conftitution pour opé rer la deftitution légale, mais il y a encore un crime pofitif, favoir, le vero au décret du 8 novembre, & le velo fur la déportation & toutes les voies de represfion adoptées contre les prêtres. La nation avoit pourvu à fon falut, en ordonnant à fes repréfentans de décréter des mefures falutaires 'contre les fanatiques & les rebelles; les repréfentans avoient décrété le vœu de la nation; ces décrets étoient de nature à impofer filence aux prêtres, & à difperfer les émigrés & les faire rentrer dans la pouffière: or, le perfide Louis XVI ne fe borna pas à fouffrir que les émigrés & les prêtres réfractaires enfreigniffent eux-mêmes la foi, mais il l'enfreignit pour eux; il paralyfa cette loi, il les fecourut de toutes fes forces; & pour les fecourir, il a mis la France à deux doigts de la perte & dans un état tel qu'il n'y a plus que l'énergie nationale, dégagée de toute entrave, qui puiffe fauver la patrie. Si ce n'eft pas là un cas déchéance, il faut brûler la conflitution.*

Parlerons-nous de la guerre contre le nouvel empereur? dirons-nous qu'après l'avoir fait déclarer, Louis XVI n'a pas voulu la faire ? dirons nous qu'il attend, pour mouvoir nos armées, que les forces de l'armée ennemie foient triplées, même quadruplées ? dirons-nous que la retraite & l'incendie de Courtray n'ont pas été le fruit d'un concert évident avec les Autrichiens? Et, lorfque

ces mêmes Autrichiens ne nous menacent que pour rétablir Louis XVI dans toute la atitude du defpotisme, lorfque c'est en fon nom que la ligue des rois a formé ce concert attentatoire à l'indépendance nationale, dirat-on que c'est s'oppofer à leurs entreprifes, que d'empêcher la réunion des citoyens qui veulent fe défendre, d'appofer le veto au décret qui appeloit un camp de 20 mille hommes à Paris, de laiffer manquer l'armée de vivres & de munitions, de conferver le commandement de cette même armée à des hommes qui n'ont pas la confiance de la nation, de dégarnir la frontière la plus menacée, pour faire faire une marche pénible & un mouvement inutile? Dira-t-on, enfin, que Louis XVI s'oppofe à l'invafion des Autrichiens, lorfqu'il dégarnit pref que entiérement Lille, Valenciennes & Maubeuge, lorfqu'il laiffe prendre Bavay par nos ennemis, lorsqu'il laiffe trois régimens dans l'intérieur, plutôt que de les porter au camp de Malplaquet, déferté par Lafayette, & tombé, par cette défertion au pouvoir des Autrichiens?

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Louis XVI & fes partifans fe trompent, s'ils croient que la nation aura la ftupidité de regarder comme une oppofition formelle à des entreprises hoftiles quelques déclamations vagues, une proclamation infignifiante & une lettre oftenfible toutes pièces démenties par une correfpondance fecrète, dont l'existence eft prouvée par la conduite même des généraux autrichiens, dont les manoeuvres font calquées fur une intelligence particulière avec nos chefs, & fur la communication rapide de tous nos plans de campagne & de tous nos moyens d'attaque & de défense. Les entreprifes exécutées au nom de Louis XVI font des faits; on ne réfifte à des faits que par des faits. Les infidieufes proclamations du roi ne font pas des faits; donc il ne s'eft pas oppofé à ces coupables entreprises: il a en outre favorifé celles des émigrés & des prêtres fanatiques; il a donc formellement & conftitutionnellement encouru la déchéance, & Paffemblée nationale ne doit pas tarder à la prononcer. Cette première mefure prife, le befoin & la prudence en exigeront une autre, qui confifte à garder Louis XVI & fa famille en otage pendant tout le temps de la guerre. Et comme la deftitution du roi amenera néceffairement une grande convulfion, un changement certain dans le gouvernement, il devient indifpenfable que les affein

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blées primaires foient inceffamment convoquées pour élire une convention nationale.

P les plus grands ens que Et qu'on ne nous dife nemis de la liberté veulent auffi une convention nationale; qu'on ne nous répète pas avec M. Briffot, que les Necker, les Mounier, les Dantraigues demandent comme les patriotes une convocation des affemblées primaires : tout cela n'eft qu'une dernière reffource de la part de la cour, qui n'a mis fes limiers en harmonie avec le patriotes éclairés, que pour faire échouer la mefore propofée par ces derniers! Qui ne fe fouvient que cette tactique a été emrployéc cent fois à l'affemblée conftituante, où cent fois l'abbé Mauri a fait, ou appuyé une propofition, dans la feule vue de l'écarter?

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Pour nous faire peur, on infinue que Farmée de la -ligue fera son invafion dans le moment de la convocation des affemblées primaires, que les Pruffiens & les Autrichiens fe tépandront dans toute la France, & que les citoyens ne délibéreront que fous les bayonnettes de ces fatellites; mais nous répondons 1°. que l'armée entière des puiffances n'est pas forte de 300 mille hommes, & que la nôtre l'eft de 4co mille, que, d'un coup de pied, les généraux feront fortir des foldats de deffous terre, & qưà la première réquifition & en un feul jour les deux feuls départemens du Haut & Bas-Rhin ot fourni au général Biron 40 mille hommes bien équippés, bien armes. Nous répondons que la nouvelle confcription militaire a déjà fourni à la France plus de 2co mille foldats, ce qui lui donne un total actuel de plus de 600 mille hommes. Or ces forces ne font-elles pas fufhfantes pour protéger la liberté des affemblées primaires? Les affemblées primaires feront donc libres: fi elles sont libres, eles feront de bons choix; & fi elles font de bons choix, la liberté eft fauvée.

Il n'y a plus de doute que la nation entière veut un procomplément de révolution. Mais fi, contre toutes les babilités, il arrivoit que le corps national, dans fes sections, fe laiffât aller à la féduction, à la crainte, ou à tout autre mouvement ignoble, nous dirions à regret que cette nation n'eft pas faite pour la liberté, & qu'il feroit bien jufte qu'elle fût pillée, incendiée, maffacrée par les Autrichiens, puisqu'elle n'auroit pas le cour ge de les repouffer. Telle eft l'injure que font au peuple français ceux qui, comme M. Briffot, craignent ou affectent

nous

de craindre une convention nationale. Quant à nous avons toujours penfé que le peuple eft éclairé, qu'il eft courageux, qu'il fait ce qu'il doit vouloir, qu'il veut ce qui lui eft bon; qu'il connoit aujourd'hui les hommes qui l'ont invariablement fervi; & nous penfons que c'eft fur ceux-là que tombera néceffairement le choix des affemblées primaires qui ont été trompées une fois & qui ne le feront pas deux.

Peu s'en eft fallu que la fcène du 20 juin au château des Tuileries n'y ait eu une feconde repréientation, le 21 juillet. Ce dernier fait, dénaturé comme l'autre par les écrivailleurs de la cour, eft trop honorable au peuple de Paris & au premier de fes inagiftrats pour n'être point réintégré.

L'affemblée nationale en étoit à Lafayette, & la majorité fembloit pencher pour lui, graces à la rhétorique du jeune Dumolard, foufflé par le petit Ramond. Les factieux du général ne purent fe contenir; l'un d'eux pouffe l'impudeur jufque là qu'il monte dans la tribune pour y voter des remercîmens au héros de la contre-révolution.

Les tribunes éclatent à cet excès de baffeffe; un fédéré fe lève, & reproche aux repréfentans de la nation de la repréfenter fi mal. Le préfident, le fieur Dubayet, enjoint à la force armée d'arrêter l'homme des tribunes qui fe permet de dire des vérités de cette force dans un lieu où il y a fi peu d'énergie. Des gens à épaulettes, fur le refus des volontaires, montent eux-mêmes pour mettre l'ordre à exclufion. Les frères d'armes du fédéré fe rangent autour de lui. A la vue de ce mouvement, le préfident hors de lui s'oublie jufqu'à faire entendre le cri finiftre:

aux armes.

Ce cri fe propage auffi-tôt jufque hors de la falle; des gens officieux qui le trouvent toujours là pour exciter la bile du peuple, fe portent, au clocher de SaintRoch & fonnent le tocfin, comme on en étoit convenu apparemment pour la première occafion. Déjà les rues voifines & le Caroufel font remplis de particuliers qui difent en courant: « Nous allons chercher nos armes. On met la main fur les députés patriotes & fur les braves fédérés; on va les égorger dans le jardin des Tuileries. Il faut en brifer les portes ». Celle du côté du manége, trois minutes plus tard, cédoit aux coups réitérés d'une poutre

lancée

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le Peuple, croyant qu'on égorgeoit ses Deputes patriotes au Jardin des Tuileries, enfonçoit une des portes avec une ‚ et la confia a lui même la Garde de cette Porte. Poutre lorsque le maire de Parts arriva, rassura le peuple.

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