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Les ennemis fe préparent à paffer l'Efcaut entre Condé & Maulde, j'ai fur le champ quitté le camp de Famars avec ma divifion; j'ai marché à Saint-Amant, de la j'ai envoyé à Orchies la garnifon qui l'a fi vaillamment défendue, j'ai rétabli toutes les communications; j'ai renforcé le camp de Maulde, & j'ai placé des poftes le long de l'Efcaut entre Maulde & Condé. Si je dois être attaqué, ce fera principalement dans cette partie & fur Saint-Amant: en réuniflant mes deux camps, j'ai à peu près fept mille hommes très-bien potés & bien difpofés à fe défendre; mais j'ai devant moi douze à quinze mille hommes qui, fachant les marches & contre-marches de nos armées, & bien perfuades que ma petite armée cft la feule reffource de ce pays-ci, peuvent m'attaquer? Les troupes font pleines d'ardeur & de confiance, & je réponds qu'elles fe battront avec ce courage d'hommes, libres. J'ai mandé par un premier courrier ma pofition à Al. Lafayette, pour l'engager à preffer l'arrivée de la divifion qui doit me remplacer. Je vais faire venir les braves Belges & trois bataillons de volon taires que je tire des garnifons de Gravelines, Aire & Béer thune, qui font en arrière & sans danger: je pofterai à ce campy à peu près dix mille hommes, pour avoir une défenfive active, & qui pourra devenir offenfive fi les circonftances ou les opinions changent.

La Bravoure & la conftance du général Bournonville font d'an tant plus louables, qu'en partant l'état-major du maréchal Luckner a abfolument négligé de leur donner aucun avis, ni les premiersbefoins; moi-même j'ai été laiffé fans inftructions, fans commillaires des guerres & fans argent. Je trouvai tout par la confiance du pays & de l'armée. Il eft poflible que cette circonstance m'empêche de partir le 20 pour Metz, ou même qu'elle amène d'autres difpotions de la part de l'affemblée nationale et du pouvoir exécutif, J'envoie à Paris le lieutenant-colonel Lacunier; mon aide-de-camp qui pourra entrer dans des détails, & prendre les ordres nécef faires de ce pays-ci. Il eft impoffible d'ailurer les tranfports, parce, qu'on doit pour les charrois plus de 110000 livres aux habitans, & que l'armée eft partie fans qu'on ait laitlé les moindres brdres ce qui nous rend odieux à nos propres compatriotes. Signé, DUMOURIER.

J'ai l'honneur, &c.

Oui, voilà l'efprit de l'armée, et cela ne reffemble ni aux délations, ni aux forfanteries de Lafayette. L'armée commence à s'appercevoir qu'elle est trahie; le petit nom-, bre de ceux à qui on a arraché des fignatures, à qui on a fait promettre une obéiffance aveugle au roi, a été trompé par des machinations et des inpoitures, et ces braves foldars ne demandent plus qu'à réparer leur erreur. L'allemblée nationale est la feule autorité én qui ils aient encore quelque confiance, et la fouveraineté du peuple, de quelque manière qu'elle s'exerce, fera toujours l'objet de leur vénération et de la protection de leurs armes. Voilà donc à quoi le réduffent ces fameufes réclamations contre les événemens du 20 juin. Pour Paris, à quelques fignatures

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achetées chez les notaires; pour les départemens, à vingt huit adreffes illégales et collectives, foufcrites par 300 milérables; & pour l'armée, à quelques pétitions arrachées par la fupercherie à des foldats, à de jeunes officiers qui réclament publiquement. Mais l'opinion publique eft bonne, elle eft en faveur de la liberté, & la majorité des Français a déposé le témoignage de fon indignation contre la cour dans des actes authentiques; le roi, Lafayette & leurs complices font accufés des quatre coins de l'empire..

pas

S'il en étoit autrement, que viendroient faire à Paris les fédérés qui y arrivent de toutes parts? L'hiftoire des pays libres n'offre peut-être rien de plus beau que la réunion qui s'opère en cet inftant dans les murs de la capitale; le corps légiflatif a fonné le tocfin du danger, et de tous les points du royaume une foule de bons Français" ont accouru. En vain difoit-on que le 18 la municipalité n'en comptoit encore que 2960 infcrits fur fes regiftres; on ne dit pas qu'il s'en trouvoit un plus grand nombre qui 'avoit pas pris d'inscription; on ne dit pas que dans la journée du 18 il en eft arrivé plus de mille, on ne dit que le département de l'Hérault feul en a fourni sco; on ne dit pas que 15 à 18 cents fe font préfentés dans la journée du 19; on ne dit pas que prefque tous les Breftois, tous les Bordelais & l'armée de Marfeille ne font pas encore rendus; on ne dit pas que tous ceux qui font à Paris ont écrit à leurs concitoyens de venir les rejoindre; on ne dit pas que les départemens du Midi n'offrent plus que l'aspect d'un camp; on ne dit pas tout cela, parce que, tout cela prouve l'existence réelle d'une infurrection générale ». Les routes, écrit-on d'Avignon, font couvertes de défenfeurs de la liberté, qui ne confultent que le falut de la patrie. Depuis Montpellier jufqu'à Lyon, on ne voit que des gardes nationaux, qui font fouvent dix lieues par

jour.

Il réfulte évidemment de tout cela que la France veut la liberté, qu'elle ne voit fon falut pour elle que dans la liberté, & que fi la capitale eft intéreflée à fraternifer avec les départemens, les départemens ne font pas moins intéreffés à foutenir la capitale; c'eft principalement la capitale que nos ennemis ont en vue, parce qu'ils efpèrent que s'ils s'étoient rendus maîtres de la capitale, il ne leur feroit pas difficile d'affervir le refte de l'empire. Ces deux principes pofés, l'on fe demande naturellement fi la France

deviendra

deviendra libre, et comment elle le deviendra. Or, pour répondre cathégoriquement, il faut jeter un coup-d'œil fur des forces d'attaque & fur les forces de défense, comparer les unes aux autres, en tirer la conféquence, et cette conféquence fera une réponse décifive.

Les moyens de nos ennemis consistent (dans une armée de 200 mille hommes, dans la frénéfie des émigrés, auffi raffemblés en corps d'armée, dans la mauvaise foi de Louis XVI, dans la perverfité des directoires de département, dans la malveillance des tribunaux, dans l'inactivité de la haute-cour nationale, dans la difcorde qui règne entre les membres de l'affemblée nationale, dans les troubles intérieurs, dans le fanatifme dont plufieurs départemens restent infectés, dans l'audace des miniftres, dans la trahifon des chefs de nos armées, dans l'aristocratie des officiers de nos troupes Suiffes, dans les piéges qu'on tend au maire de Paris, & enfin dans les baffes intrigues qu'on a jufqu'ici employées pour perdre le général Luckner dans. l'opinion des patriotes, ou le faire donner tête baiffée dans le fyftême contre-révolutionnaire de la cour. Et certes, ne nous diffimulons pas que de pareils moyens préfentent de grands dangers, finon par eux-mêmes, du moins par leur combinaison, du moins par l'ensemble effrayant qui lie tant de crimes entre eux, & qui n'en fait pour ainfi dire qu'un feul reffort d'attaque que l'on fera jouer au même inftant dans toutes fes parties. Si la nation étoit encore plongée dans un ftupide aveuglement, fi elle baiffoit encore le front fous le joug de l'idolatrie, fi elle ne connoiffeit elle-même la caufe de tous fes dangers, on pourroit prefque désespérer de fon falut ; il n'y auroit qu'un coup du ciel, un miracle étonnant qui put la tirer de l'abîme; mais comme le peuple eft virtuellement debout en cet inftant, comme il a lui-même calculé tous les périls, comme il eft naturellement remonté à la fource d'où ils découlent, nous allons voir que par-tout le remède eft à côté du mal, & qu'il eft impoffible que bientôt il n'y soit appliqué par une main habile & fouveraine.

Notre frontière eft menacée par une armée de 200 mille hommes.... Mais n'en avons-nous pas 450 mille pour la défendre? Il ne s'agit que de les faire commander par des généraux patriotes, et de les faire approvisionner par des adminiftrateurs honnêtes, et nous verrons que ces mesures No. 158. Tome 13.

C

découlent tout naturellement de la mesure principale que le peuple va prendre. Nous apprenons que des eitaffettes parcourent toutes les villes d'Allemagne pour accélérer la marche des troupes vers le Rhin; mais nous favons d'une Jcience un peu plus cerraine que ce n'est là qu'une vieille rufe de guerre. Les Autrichiens ne font pas fi empreffés; ce qui fe paffe à Paris les déconcerte un peu, & ils entendent trop bien leurs intérêts pour tenter une invasion dans le moment actuel. S'ils le faifoient, la liberté feroit par ce feul fait hors de tout danger. Cela s'expliquera par la fuite.

Les émigrés, rangés en bataille, font furieux, ils menacent de mettre tout à feu & à fang.... Eh! il y a plus d'un an qu'ils tiennent ce langage, et toutes les villes qu'ils nous ont prifes font encore occupées par nos garnisons !

Louis XVI eft bien évidemment convaincu de perfidie & de mauvaise foi, & fes relations avec les émigrés & les puiffances étrangères compromettent d'autant plus la chose publique, qu'il difpofe feul de tous les mouvemens de nos armées.... Cela eft vrai; mais fa deftitution est prononcée par tous les départemens; il eft fignalé comme un traître & un confpirateur : il faudra bien qu'il cède au torrent de la volonté du peuple, clairement & énergiquement prononcée.

La perverfité des directoires de département menace auffi le fort de la liberté.... Eh bien! on les fera rentrer dans la pouffière, hors de laquelle ils n'auroient jamais dû fortir; & à cet égard la volonté publique eft auffi bien prononcée qu'elle l'eft à l'égard du roi. La déclaration des dangers de la patrie a reffaifi le peuple de fa fouveraineté; fon inftinct lui dira de faire tout ce que l'affemblée nationale refufera de décréter pour fon falut.

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La haute-cour nationale, féante à Orléans, protége évidemment les coupables, en les couvrant de l'impunité.... Un citoyen de cette ville, porteur d'une adreffe revêtue de deux cents fignatures eft venu annoncer des faits très-graves à ce fujet, dans la féance du jeudi foir 19 juillet; il a montré les craintes les plus fondées fur l'évafion des prifonniers de la haute-cour nationale. La facilité avec laquelle on peut en approcher, des feftins fplendides & journaliers, des concerts où fe rendent même des ama-. teurs, un jeu de paume qui s'y prépare, des femmes

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d'une vertu très-aifée à faire chanceler, un hôtel voisin appartenant à des mal-intentionnés, tout fait craindre, non pas une évafion partielle, mais une évafion générale des confpirateurs connus. Doivent-ils être mieux traités que des prévenus de crimes particuliers? Les citoyens d'Orléans veulent mourir au pofte d'honneur que la nation leur a confié; mais leurs forces ne font pas égales à leur bonne volonté ; ils demandent un furcroît de force publique.

Cette pièce a été renvoyée au comité de législation, pour en faire le rapport le famedi fuivant; mais peu importe ce rapport. Ne faut-il pas que la haute-cour foit purgée & renouvelée ainfi que tous les autres tribunaux ?

Le péril de la patrie réfide encore dans la difcorde qui règne entre les membres de l'affemblée nationale.... Ah! le péril feroit bien plus grand s'ils effayoient une feconde réunion! Braves législateurs qui n'avez jamais eu que la volonté du peuple pour guide, que votre cœur fe ferme toujours à toute réconciliation avec les ennemis du peuple & de la liberté; ils ne vous embrasseroient que pour vous étouffer. Il circule que deux cents de ces méprifables ferviteurs de la lifte civile doivent donner leur démiffion & fe retirer à Rouen, accompagnés du roi, pour y établir une deuxième affemblée nationale avec les membres de l'affemblée conftituante: ce font là les fruits qu'a produits la réunion.

Les troubles intérieurs comptent auffi parmi les dangers de la chofe publique....

La rébellion armée de du Saillant a un moment menacé la révolution.... Oui, mais du Saillant a mordu la pouffière. Voici les détails de cet événement, tels qu'ils furent annoncés dans la féance du mercredi foir.

Des dépêches du directoire du département de l'Ardèche ont annoncé l'arreftation & la mort du rebelle Saillant. Plufieurs papiers ont été faifis fur lui; on en envoie copie. Ces papiers développent un grand complot, & défignent les perfonnes qui le dirigent.

Il n'existe plus de rebelles; tous ont fui; quelques-uns font morts. Les deux châteaux de Bannes & de Jalès ont été incendiés; on a fait beaucoup de prifonniers; plufieurs des plus coupables ont été immolés, entre autres l'abbé Labaftide, un des héros du premier camp de Jalès.

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