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PAPIERS DE LA BASTILLE.

Je soussigné, certifie avoir remis moi-même à M. Prudhomme les pièces originales de la conspiration et de ma captivité développées dans mon mémoire, étant libre depuis quatre mois, par les bontés de M. le comte de Saint-Priest, et que foi doit être ajoutée à celles là sou→

lement.

LE PRÉVOT DE BEAUMONT

A Paris, ce 21 février 1790.

Suite de l'horrible conspiration découverte en juillet 1768 par le Prévót de Beaumont, prison-. nier pendant 22 ans.

Comme les ministres, par mon plan d'université, se voycient dans l'obligation de faire leur devoir, de servir le roi et la patrie, d'être fidèles gré eux, et que ce plan tendoit, non-sculement às destituer tous, mais encore, et par grace, à les faire emprisonner au donjon, pour le reste de leur vie, à faire interdire pour jamais les lettres de cachet,, l'abus criminel et tortionnaire des détentions sans cause, les rapts, les recélemens, les oppressions sourdes d'hommes et de femmes contre toutes les loix, sans forme de justice, les attentats à la liberté, à l'humanité, à la sûreté, à la tranquillité personnelle qui n'ont malheureusement point de stabilité en France, je m'attendois bien d'éprouver, de la part de ces orgueilleux ministres et lieutenans de police, tous les accès d'une haine et d'une fureur implacables, d'autant plus fortes, que, ne pouvant nier les conjurations, dont je les accusois, ils aimeroient mieux attenter à ma vie pour se conserver en place, que de s'exposer à être, tôt ou tard, convaincus de leurs forfaits. Ainsi, comptant sur de nouveaux assauts, et, sachant bien qu'on en vouloit autant à mes ouvrages dénonciatoires, sur-tout à mon ART De REGNER, le plus considérable de tous, qu'à ma personne, je démolis mon poële de brique et de pierre, pour en bâur sur le premier degré, devant ma porte, N° 4°.

S

un mur sec de quatre pieds de haut, et de dix-huit pouces d'épaisseur. J'approchai encore mon lit derrière le mur, en scellant ses pieds dans le plancher, et je mis dessus une quantité de briques et de pierres pour me défendre, ainsi qu'une trique de chêne qui m'étoit restée. La suite à l'ordinaire prochain.

J'ai cru devoir, en attendant, publier ces lettres :

Lettre de M. de Rougemont à M. de Sartine, du 21 septembre 1772, dont l'extrait littéral

suit:

<< Sur le compte qu'on me rendit ce matin, que le sieur Prévôt refusoit de laisser entrer dans fon cachot, je m'y transportai, dans l'espoir de le ramener à la SOUMISSION. Il n'a fait, au contraire, que vomir CONTRE VOUS et contre moi des injures».

Je me suis CONTENTÉ, en attendant vos ordres, de lui faire supprim son vin et sa nourriture jusqu'à ce qu'il ait obéi, ne dont pas de le prendre par la famine, 'comme la dernière fois; et, afin que ses cris ne puissent pas être entendus hors du donjon, j'ai ordonné qu'on remplit de FUMIER sa trémie. Je vous serai obligé de me faire connoître vos intentions sur ce qui pourroit me rester à faire ».

Lettre du sieur le Prévót à M. de Sartine, du 4 octobre 1772.

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«Quand j'ai vu que la malice des geoliers n'étoit pas encore satisfaite, j'ai pris le parti de barrer ma porte avec mon lit, jusqu'à ce que vous mettiez fin à leurs persécutions, etc, etc ».

Lettre du sieur Rougemont aussi M. à de Sartine, du 16 octobre 1772.

Porte ce qui suit:

Je m'étois flatté que ma santé m'auroit permis de vous faire ma cour, et de vous remettre une lettre du

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sieur le Prévot, que son porte-clef trouva au pied de
sa trémie, ouverte et rongée par
les vers.
Répondu pour approuver sa conduite.

Je lui ai fair supprimer, ainsi que vous l'avez jugé à propos, sa nourriture, à commencer du jour qu'il avoit commencé à travailler de rechef à démolir chez lui, à se barricader, et à faire le refus de laisser entrer son porte-clef; et je ne lui ai fait donner que ce qu'il lui falloit de pain par jour pour l'empêcher de mourir de faim.

Je me propose de le mettre au cachot, s'il continue de dégrader sa fenêtre.

Lettre à M. Prudhomme.

MONSIEUR,

Indignement outrages dans la personne de nos officiers municipaux par le rédacteur de la gazette de Paris, nous sollicitons une vengeance éclatante; elle nous est due et nous espérons l'obtenir mais en attendant que les tribunaux, qui sont faits pour réprimer les abus que font de la liberté actuelle de vils mercenaires, ayent satisfait à notre juste ressentiment, nous vous prions, au nom de nos jeunes concitoyens, au nom de votre patriotisme, de vouloir bien rendre publique, par la voie de votre journal; la réponse que nous faisons à l'audacieux folliculaire: elle vous paroîtra violente sans doute; mais quand vous aurez lu, dans l'extrait imprimé que nous vous faisons passer, les atroces calomnies que vomit ce libelliste abominable contre une ville dont le patriotisme s'est manifesté d'une maniète non équi-› voque, vous excuserez la véhémence d'une réponse dictée par l'indignation qu'excitent chez tout honnête homme la bassesse et l'atrocité.

s'il est

En satisfaisant à nos désirs, vous ajouterez, possible, aux sentimens de reconnoissance que vous ont voués pour la vie tous les bons patriotes.

Signes, Lesjeunes citoyens de Brest. BLAD. GUILLAUME LEBRETON, commissaires de correspondance.

A Brest, le 26 mars 1790.

P. S. Notre municipalité désire vivement l'insertion de cette réponse dans vos feuilles!

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Réponse au Rédacteur de la Gazette de Paris;
14 mars 1790, pages 2 et 3.

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Savez-vous, M. le rédacteur de la gazette de Paris, à quoi vous expose l'imprudente témérité avec laquelle vous vous permettez d'insérer dans votre feuille aristocratique les lourdes et atroces invectives que vomissent contre notre municipalité, des gens mécontens, sans doute, du calme que ses soins ont fait régner dans notre ville ? Vous êtes un répétiteur inconsidéré, ou un lâche écho vendu à l'or des illustres scélérats qui vous gagent; mais ce n'est pas tout que d'être vil, et de se faire bien payer, il faut encore être prudent, si l'on ne veut ajouter à ses bénéfices pécuniaires certains autres profits que vous pourriez vous attirer. Etes-vous affamé, M. le rédacteur? Eh bien ! mendiez votre pain, cela sera plus honnête, et laissez-là Tinfâme et dangereux métier d'écrire des sottises à tant la ligne.

Nous vous conseillons au nom d'une jeunesse qui a juré sur son épée de maintenir la constitution du royaume jusqu'à la mort, et qui porte dans le cœur une haine implacable à tout ennemi de la révolution : cette même jeunesse nous charge, de vous prévenir que, malgré les distances (qu'elle saura toujours franchir pour venger l'honneur de ses concitoyens ), elle punira votre folle audace, si par une amende-honorable-littéraire vous ne réparez l'injure faite à notre ville: nous le voulons, nous l'exigeons.

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Nous sommes irrévocablement liés par un pacte fédératif, un serment solemnel, aux jeunes citoyens de Bretagne et d'Anjou; nous le sommes par l'estime à cette intrépide jeunesse, dont les efforts concoururent à faire trembler les murs de l'odieuse Bastille; nous le soinmes, par l'unanimité de nos sentimens patriotiques, à toute la jeunesse française; nous ne formons plus enfin qu'une même famille: elle est immense, mais étroitement unie; et malheur à qui outrage un de nos frères. Nous sommes outragés, nos frères de Rennes le sont; vous avez osé publier contre notre municipalité d'atroces calomnics, contre la garde nationale de Rennes de plates faussetés; vous avez insulté une foule de

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braves et généreux soldats, qui sont aussi nos frères, en les supposant capables de s'être laissés séduire; vous avez enfin commis le forfait d'une ame basse ; mais tremblez la liberté ne peut dégénérer en licence chez un peuple éclairé; celle de la presse a ses bornes; elle ne peut s'étendre jusqu'à donner le droit abominable d'invectiver impunément des citoyens honnêtes, dont le seul crime a été peut-être de résister avec une fermeté réfléchie, et un mâle courage aux sourdes manœuvres de l'aristocratie: tremblez.. nos jeunes concitoyens de Bretagne, d'Anjou, de tout le royaume enfin, partageront notre ressentiment, quand ils apprendront jusqu'où vous avez porté la bassesse et l'atrocité; nos frères de Beauce, de Normandie, de la Marine même, qui, quoique vous n'en parliez pas, se regardent comme insultés, dans la personne de leurs frères, partagent déja notre indignation: tremblez..... envain croyez-vous les calmer, par l'éloge que vous faites des braves grenadiers. Sachez que pour l'honnête homme la louange d'un sot ou d'un coquin vaut une insulte, et vous êtes l'un ou l'autre.

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Je ne dis plus qu'un mot, c'est à vous de l'entendre...

Ce que vous avez eu l'impudence d'avancer est de la plus grande fausseté; rétractez-vous, dévoilez vos odieux correspondans, faites des excuses authentiques; our dénoncé par notre municipalité aux tribunaux, dénoncé par nous à notre brave garnison, à la jeunesse parisienne, bretonne, angevine, à toute, celle du royaume enfin i vous subirez le châtiment dû aux ennemis de la chose publique..

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Pour les jeunes citoyens de Brest, BLAD, GUILHEME, LE BRETON, commissaires de correspondance.

Paris, ce 8 avril 1790.

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MONSIEUR,

Je n'ai pas pu acquérir beaucoup de lumière dans le droit public; mon commerce ne me laissoit aucun mɔment sacrifier à l'étude : lorsque mon travail m'a eu procuré une certaine aisance, je me suis retiré dans

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