>> insolens de nobles n'ont aucun droit d'être à » l'assemblée nationale; ils ne représentent pas la » nation, puisqu'elle ne les a pas choisis; ils ne » représentent pas des ordres, puisqu'il n'y a plus » d'ordres; nous n'aurons point la paix, et l'assem» blée nationale ne pourra pas faire sa besogne tant qu'on ne les aura pas chassés: ils ne sont point députés, ce sont des intrus; ils ne sont point >> >> » inviolables ». Un écrivain peut se féliciter d'avoir mis ce raisonnement simple, mais sans réplique, à la portée de tous les citoyens (1); mais il doit observer qu'il n'a pas porté les conséquences aussi loin qu'il a professé au contraire cette maxime sacrée : Tout citoyen n'est il pas inviolable (2)? Il doit rappeler à ses concitoyens qu'ils ne doivent et les lumières et la sagesse dont ils donnèrent mardi matin des preuves évidentes, qu'à l'espèce de liber é dont la presse jouit, dont ils jouissent eux-mêmes depuis neuf mois. Dès que l'assem' lé nationale eut rendu le sage décret par lequel elle consacre le grand principe de la liberté de conscience, et son attachement au culte catholique, les applaudissemen; du dehors répondirent à ceux du dedans, et les aristocrates demeurèrent convaincus que ce seroit une démarche inutile de porter au roi leur protestation. La fin de la séance a produit une scène dont M. de Cazalès et le vicomte de Mirabeau ont été les principaux acteurs. Ils se sont empressés d'en rendre compte au public dans une feuille imprimée. « De peur, disent-ils, que les journaux ne » la dénaturent et ne l'exagèrent »: il ne leur est pas défendu du moias de citer leur récit et de Î'examiner ensuite. (1) Vid. No. 21, page 25. (2) Fid. No. 14, page 24. « Nous « Nous sortions de l'assemblée nationale par la grande porte; nous étions parvenus à la moitié de l allée qui conduit à la cour du manége, lorsque nous avons rencontré deux dames; nous leur ayous offert le bras. A peine avions-nous fait quelques pas que nous avons vu venir une grande quantité d'hommes sortant des Tuileries et du passage qui mène à la rue Saint-Honoré. Il étoit difficile de distinguer l'objet de leur course; mais ils couroient tous. Nous étions précédés de 25 oμ 30 grenadiers, qui avoient été de garde à la salle et s'en retournoient. L'officier qui les comman< doit leur a ordonné de se mettre en ligne; ce qui a été exécuté: cela en a imposé au peuple >>. (C Cependant un bourgeois, ayant un sabre au côté, s'est approché du vicomte de Mirabeau, et. a dit: Ces gueux-là sont très-heureux d'avoir une garde. Le vicomte a désigné cet homme à la garde, ne pouvant quitter le bras de la dame qu'il conduisoit. L'homme s'est perdu dans la foule ». « Les grenadiers nous ont offert de nous reconduire; nous leur avons répondu que nous étions d'un métier où l'on bravoit le danger. Au moment où nous percions la foule pour gagner le passage, nous commencions à être fort serrés; un homme est venu mettre le point sous le nez du vicomte de Mirabeau, et lui a dit: Infame gueux, tu périras! Le vicomte de Mirabeau a mis l'épée à la main, et il s'est fait une escarre dans le peuple. MM. les officiers de la garde nationale ont profité de ce moment pour nous entourer; nous avons marché au milieu d'eux jusque dans la rue SaintHonoré. M. de Cazalès a observé que le peuple s'amassoit, et qu'il valoit infiniment mieux prévenir une émeute. Nous sommes entrés dans la maison de M. Bourdeille, banquier ». Le Mirabeau n'étoit pas plus à jeun lorsqu'il a fait ce récit, qu'il ne l'étoit lors de l'exécrable action qu'il essaye de justifier. Chaque mot est une absurdité; chaque phrase un lache mensonge. N°. 40. P Observez d'abord la position topographique; placez le vicomte à quelques pas du milieu de l'allée qui conduit de la cour du manége à la porte de l'assemblée nationale; supposez devant lui un groupe de trente grenadiers, et concevez comment il étoit possible que le peuple l'apperçût, et qu'il apperçût le peuple au débouché des Tuileries et du passage de la rue Saint-Honoré. Ce peuple, qui sortoit des Tuileries et du passage, couroit en venant à lui, c'est-à-dire, qu'ii venoit dans la gaîne étroite que forme cette allée, sans doute pour renverser ces trente grenadiers, derrière lesquels il devinoit qu'il trouveroit le vicomte de Mirabeau. Ces grenadiers se mettent en ligne, ce qui en a imposé au peuple; et néanmoins, quoique cette ligne fermåt le passage, un homme, le sabre au côté, trouve le moyen d'aller trouver, derrière la ligne, le vicomte de Mirabeau, et de le menacer. Or, cet homme, qui s'étoit approché du vicomte de Mirabeau derrière la ligne, est par lui désigné à la garde, et néanmoins ce particulier trouve le moyen de rétrograder ( ce qui le forçoit à passer entre les soldats ou à côté d'eux), et il va se perdre dans la foule qui étoit à quelques pas au-devant des grenadiers; car, sans cela, il seroit faux de dire qu'ils en avoient imposé au peuple en se mettant en ligne. Et quoique le vicomte eùt été menacé en ces termes: Ces gueux-là sont très-heureux d'avoir une garde; quoiqu'il y eût là une foule agitée, ces messieurs veulent braver le danger. Il commence à se trouver serré au moment où il perçoit la foule: ou cet honnéte vicomte sait le moyen de percer une foule sans être serré, ou il prétend qu'une foule qu'il perce doit sur le champ former la haie pour le laisser passer. Un homme est venu lui mettre le poing sous le nez. Les autres faussetés déjà démontrées dans ce récit nous forcent à rejeter cette circonstance, d'autant qu'un bon Français ne peut pas s'avilir à ce point. Et lui a dit: infáme gueux! C'est bien ce que l'on pourroit dire à un homme qui trahiroit à la journée la voix de sa conscience pour opprimer un malheureux peuple. Et lui a dit: infáme gueux! L'apostrophe conviendroit assez à un homme criblé de dettes criardes, et qui, au lieu de les payer, emploieroit son argent à s'enivrer tous les jours. Et lui a dit: infúme gueux! Propos grossier qu'on ne se permetteroit même pas vis-à-vis d'un colonel qui auroit fait, un vide à la caisse de son régiment, et qui n'auroit esquivé d'être chassé qu'à force de protections, et par les promesses de payer au plus vite. Et lui a dit: infäme gueux! Ce nom appartiendroit assez à l'auteur des Déjeuners, des Diners, et autres plats libelles contre l'assemblée nationale et les patriotes, et où l'on ne trouve que le dépit de n'avoir point de talens, et la rage d'en montrer. Et luia dit: infâme gueux, tu périras! Supposons donc que ce propos ait été tenu au vicomte de Mirabeau; la présence des officiers de la garde nationale ne le dispensoit-elle pas de tirer l'épée contre des gens qui n'en avoient point? On voit, par l'examen de tout ce récit, qu'il y a un fait constant: le vicomte de Mirabeau a voulu assassiner quelques gens du peuple, afin de faire commencer le carnage dans Paris. Or, comme il n'a pas réussi, et que le glaive de la loi n'en doit pas moins frapper sa tête coupable, tout ce récit, dont nous venons de démontrer la fausseté, n'a d'autre objet que de faire illusion à ce même peuple sur le triste droit qu'il a de demander vengeance. Il faut d'abord rétablir les faits; ils sont fort simples. Un groupe de peuple étoit arrêté pour voir passer MM. les députés à l'entrée de l'allée, entre les écuries et la barricade; en même-temps la foule, qui attendoit l'issue de la séance sur les Tuileries, s'écouloit par le passage de SaintHonoré il n'y avoit donc ni gens qui couroient, ni gens qui venoient sur le vicomte de Mirabeau. Lorsqu'il a passé, 'il a essuyé quelques huées; il a dit à la garde: vous voyez bien qu'on m'insulte. L'officier l'a prié de lui désigner qui l'avoit insulté, afin qu'il l'arrêtât. Le Mirabeau ne pouvoit désigner personne; alors il a dégaîné, en vomissant quelques imprécations mal articulées, et il s'est jeté sur le peuple. La garde l'a arrêté; on a feint de l'emmener au district pour appaiser le peuple, qu'une action aussi infàme avoit irrité contre lui (1). > Le peuple avoit le droit de huer le Mirabeau, tout au moins autant que le Mirabeau a celui d'insulter, à tout moment, le peuple dans ses dicours et dans ses écrits. Les huées ne sont défendues par aucune loi. Elles ne constituoient donc point le peuple agresseur envers le vicomte Mirabeau. L'agression est toute de lui: et quelle agression? un assassinat; car il est impossible de nommer autrement l'action d'un homme qui, pouvant avoir recours, pour se mettre à l'abri du danger, s'il en avoit couru, à une force publique présente, ose astaquer, le fer la main, des hommes désarmés. Le sieur Mirabeau voudroit insinuer, par les circonstances qu'il suppose avoir précédé cette action, quil a couru risque de la vie; qu'il y avoit un complot contre lui; qu'il n'a dégatné que pour la défense de sa vie. Mais ce qui prouve, sans (1) Quelques heures après, le peuple a forcé l'abbé Maury à se sauver dans une maison de la rue SainteAnne. La garde nationale est aussi venue à son secours, et l'a reconduit chez lui. Il faut savoir que l'abbé Maury est armé de pistolets, qu'il montre au premier qui ose le fixer dans la rue. Voilà des gens qui osent se plaindre qu'ils ne sont pas libres, parce qu'on ne leur laisse égorger personne. 1 |