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CHAP. II. Après les princes, on peut être bien sûr de trouver les Polignac à la tête des déprédateurs des fonds publics. On lit, page 17 de l'extrait publié par le comité: « Ordonnance au porteur de douze cents mille livres, à laquelle somme sa majesté a fixé le prix de l'engagement de la comté de Fénestrange accordée à M. le duc de Polignac, ci 1,200,000 livres >>.

Ainsi le roi engageoit, ou on engageoit pour le roi, à M. de Polignac la comté de Fenestrange; et M. de Polignac en payoit le prix au trésor royal, par une ordonnance gratuite au porteur, c'est-à-dire, que le roi donnoit quittance sans avoir

rien reçu.

Cet article, et tous ceux qui lui ressemblent font naître de singuliers doutes. Comment se peut-il qu'un roi honnéte homme ait signé des ordonnances qui, non-seulement avoient pour objet de commettre un faux, celui de faire paroître qu'une somme qui n'avoit point été versée au trésor royal, y avoit été versée, mais dont l'usage étoit si évidemment coupable, que l'on n'osoit pas mettre l'opération à nu sur les registres du trésor public? De deux choses l'une ou le roi regardoit que le trésor public lui appartenoit, ou qu'il n'en étoit que l'administrateur. Dans le prenier cas, cette ordonnance gratuite, donnée à son débiteur pour qu'il pût se libérer envers lui, étoit une puérilité. Dans le second cas, c'étoit un vol fait au peuple. Or, la probité et le bon sens du roi étant bien connus, que faut-il conclure d'une pareille opération, si ce n'est qu'il y avoit auprès du roi des personnes qui lui faisoient signer dans le cours du travail une chose pour une autre, ou que l'on a falsifié sa signature? et c'est principalement sur ce point que tous les bons citoyens invitent et pressent MM. du comité des pensions de faire les recherches les plus exactes, non-seulement sur le livre rouge, mais encore sur les innombrables

ordonnances de comptant que le roi peut ne pas avoir toutes signées.

On a vu, dans le dépouillement que nous avons fait de la liste des pensions, que les Polignac, à tous les degrés possibles, avoient des pensions de toutes les sortes; que ce sieur Polignac avoit, outre le département des haras, une pension de 80 mille livres reversible à son épouse; et voici encore la jouissance d'une comté qui leur est donnée à titre gratuit. Quels étoient donc les services des Polignac Toute la France sait qu'ils n'en ont pas rendu de publics. Or, quels services privés ont-ils pu rendre qui exigeassent qu'on les abreuvât du plus pur sang des malheureux Français ? Le mari n'avoit ni talent ni emploi. La femme étoit l'amie ou la favorite de la reine. Mais quelque fùt l'intimité qui régnoit entre la reine et la dame Polignac, on ne conçoit pas quelle put être la cause des dons scandaleux qu'on prodiguoit à cette famille. Il est réservé sans doute à l'histoire de dévoiler ce singulier mystère; et le devoir de l'histoire est de punir ceux que l'opinion publique n'a pu retenir ni corriger.

On trouve encore, dans cet article, sept dons montant à 64,500 livres, accordées au riche premier président d'Aligre, sur la demande du garde des sceaux. Citoyens, observez ce fait ; il doit vous prouver que, puisque le gouvernement corrompoit les officiers des parlemens, il ne manquera pas d'en user de même envers vos représentans ne laissez donc, ni à lui les moyens d'acheter, ni à eux le besoin de vendre les suffrages.

A M. le ringrave de Salm, pour lui faire 40 mille livres de rente viagère, 400 mille livres; au sieur et dame Lonchamp, pour leur faire 60 mille livres de rente, 740 mille livres. Voilà, citoyens, pourquoi les rentes se montent si haut: le capital n'en a pas été fourni.

Un article qui n'est pas à oublier, et qui figure bien dans le livre rouge,ce sont deux cents mille livres

accordées au fils du visir Saint-Priest, pour l'adjoindre à son père, intendant en Languedoc. Or, jugez combien le visir doit aimer une révolution qui ne lui laisse plus l'espoir de spéculer sur les largess es royales. Faut-il donc s'étonner des obstacles qui ont été mis à la publication du livre rouge?

Les aristocrates font grand bruit d'un secours de 40 mille livres donné à madame la comtesse de Lameth. Ils partent de là pour peindre les frères Lameth comme des ingrats, etc... etc...etc...;. et les millions donnés aux Polignac, les 100 mille livres au comte d'Angivilliers, les 166 mille livres à la comtesse de Maurepas, les 60, mille livres à un sieur Gonnet, les 285 mille livres à M. de Civrac, les 150 mille livres pour les dettes de la princesse Christine, les 200 mille livres au mouchard Sartine, ne sont que de petits cadeaux, qu'on ne pouvoit s'empêcher de faire à tous ces honnétes gens.

Il semble, selon les apôtres de l'aristocratie, que le nom de Lameth doive purifier le livre rouge, ou que le livre rouge doive souiller ce nom. Il n'en sera rien; l'opinion publique le protégera contre les odieux clabaudages de ses ennemis. Il n'est pas un Français qui ne se réjouisse en pensant qu'il peut avoir contribué pour quelque chose aux 40 mille livres qui furent données à madame de Lameth, puisqu'elle a su faire de ses enfans de bons citoyens et des amis de la liberté.

Le CHAP. III comprend des traitemens et pensions que les uns nomment secrètes, et les autres, honteuses. Là, sont les dames de Pile pour 12 mille livres, d'Albani pour 60 mille livres, de Clermont-Tonnerre pour 12 mille livres, d'Andlau, pour 6 mille livres d'Ossun, dame d'atour de la reine, pour 20 mille livres, la comtesse de Briosne pour 20 mille livres. Là sont le prince de Condé et Thierry, le prince de DeuxPonts et Panchaud celui-ci, grand calculateur,

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avoit fourni à Calonne les moyens de faire des emprunts, et d'ailleurs avoit reçu de lui, en une seule fois, 300 mille livres.

CHAP. IV. Le peuple français ne s'attendoit pas, sans doute, à se trouver en personne sur le livre rouge; à se voir trainer dans la fange des courtisans et des filles titrées. Voici pourtant l'article: « au peuple, à l'entrée du roi à Paris, 15 mille livres ». Eh lien! peuple, comprendras-tu enfin que cette cour te méprisoit et se jouoit de toi ? Vois, examine, compare; on donnoit, dans un quart-d'heure, à un Polignac, 1200 mille livres, et dans le jour le plus solennel, dans une occasion unique, la bienfaisance royale ne s'élevoit pour toiqu'au soixantième de cette somme! Va donc maintenant, sur les belles paroles que te donnent les prédicans aristocrates, e prêter à une contrerévolution, rétablir l'ancien ordre de choses, et, comme ils le disent, reconduire en triomphe la famille royale à l'ersailles! --- N'oublie pas sur-tout d'aller au-devant des Polignac, et de les ramener aussi en triomphe, pour compléter la fête !

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CHAP. V. A madame la maréchale de Mirepoix, pour constituer 10,000 livres de rente sur la tête du sieur la Reyniere. Il est difficile de savoir si, par cet article, la dame Mirepoix donne au sieur de la Reyniere, ou si elle le paye; il est clair seulement que l'état perd 125 mille livres.

A madame la princesse de Conti, pour perte sur deux cents actions des fermes, 2400 livres. Une princesse sur le livre rouge, pour cent misérables louis! quelle honte ! Et pourquoi madame de Conti a-t-elle des actions sur les fermes?

A M. Furth, pour l'édition d'un libelle, 22,680 l.; vraisemblablement que le libelle ne contenoit que des vérités. Or, notez bien l'époque, ( le 21 Février 1778).

A madame du Barry, 5 millions 250 mille liv., pour abandon de 1250 mille livres de contrats, 4 pour cent.

Belle économie! échanger une somme, qui peut donner au moins 5 pour cent, contre des contrats à 4 pour cent ! Cet article fournira des éclaircissemens aux mille et un historiens de la pudique du Barry. Tout ce chapitre est à-peu-près de la même couleur.

Le CHAP. VI doit indiquer aux représentans de la nation que l'acquisition des droits utiles du Clermontois doit être examinée de près.

Autre article qui mérite attention: « Ordonnance de huit millions sept cents mille livres pour le payement de l'acquisition de l'Isle-Adam, en bordereaux viagers de l'emprunt de janvier 1782, dont sept millions cinq cents mille livres seront constituées tánt sur la tête de sa majesté que sur celle de Monsieur. Ordonnance au porteur pour le complément du parfait payement de l'acquisition de l'Isle-Adam,tant en capitaux qu'intérêt ». Qui auroit cru que le roi des Français eût des rentes viagères ? Messieurs du comité doivent se faire remettre le travail de l'acquisition de l'Isle-Adam; il doit être

curieux.

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Le CHAP. VII prouve avec quelle facilité les banquiers de Paris se prêtoient aux dépenses de la cour. Une dépense montant à cinquante-huit millions huit cents vingt-cinq mille livres, n'a d'autre motifque ces mots: pour service connu de sa. amajesté. Le CHAP. VIII doit faire frémir. et sur les indignes menées de nos ministres dans les cours étrangères, et sur la violation du sceau des lettres à la poste: il en coûtoit tous les ans trois cents mille livres à l'administration, pour violer le secret des familles, , pour procurer à un ministre les moyens de perdre un honnête citoyen. Souvent une lettre de cachet a été le prix d'une réflexion adressée à une épouse ou à un ami.

Eh! que l'on ne croye pas que cette manœuvre n'étoit propre qu'aux ministres dont la perversité et le caractère despotique sont bien connus! uà ministre qui so targue par-dessus de tout de sa

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