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au fait déclaré par les jurés. Ayons des tribunaux de familles qui assoupissent les procès indécens d'adultère, de séparation, de divorce, d'alimens des pères aux enfans, et des enfans aux pères. Ayons enfin un ordre judiciaire, où les juges ne puissent faire un métier de juger, les gens de loi, un commerce de la justice; et bientôt nous aurons des mœurs, de la bonne foi, et un nombre beaucoup moins considérable de procès.

Affaire de M. Danton,

Les soi-disans représentans de la commune ont mis en délibération l'affaire de M. Danton. L'abbé Fauchet, qui a parlé le premier, a fait la motion que l'assemblée nationale fût suppliée d'anéantir le châtelet, et de créer un grand juré pour le remplacer. Cette motion étoit incidente à l'affaire de M. Danton; elle réparoit bien celle de faire nommer M. de la Fayette commandant général de toute la garde nationale du royaume : aussi fùt-elle trèsapplaudie des galeries; mais elle fut vivement combattue par Mulot, Vigée-Lebrun, Godard, Guillot de Blancheville, grands faiseurs de phrases aristocratiques, et autres parleurs à réputation, on ne sait pourquoi il a été arrêté qu'il n'y avoit lieu à délibérer. Les districts, qui ont senti que la cause de la liberté étoit intéressée dans l'affaire du sieur Danton, et que ce n'étoit qu'un essai que les aristocrates faisoient de leurs forces, ont arrêté de présenter une pétition à l'assemblée nationale; et déjà le comité des rapports est saisi de cette affaire.

Les auteurs de cet affreux brigandage ont fait cqurir le bruit que M. Danton avoit d'abord été décrété de soit-ouï, puis d'ajournement; et enfin, faute d'avoir comparu, de prise de corps. C'est une insigne fausseté, qui n'a d'autre but que de calmer les esprits justement irrités. Cette affaire sera bientôt mise dans tout son jour.

Discours

Discours de M. DE LA FAYETTE, dans la séance du 21 mars.

Soit que les occupations de M. le commandant général fussent moins compliquées depuis quel que temps, soit qu'il eût quelque chose d'important à dire au milieu des représentans de la nation, on avoit remarqué qu'il assistoit assiduement aux séances qui ont précédé celles où M. de Ménoa a fait sa motion sur l'ordre de travail à observer pour accélérer la constitution.

En appuyant cette motion, M. de la Fayette a terminé son discours par une déclaration qui doit faire époque dans la révolution. C'est pour cela que nous les consignons : le discours, parce qu'il donne le terme auquel la déclaration aura son effet; et la déclaration, parce qu'elle mérite d'être méditée par tous les partis.

que

« J'appuie la proposition de M. de Menou, et toutes celles qui pourront assurer notre marche, calmer l'inquiétude, confondre la calorie ».

«Que diront en effet nos détracteurs, lorsque l'assemblée nationale, repoussant les motions incidentes, évitant les séances stériles ou orageuses, aura déterminé ses devoirs et son travail par deux mots : Constitution et finances » ?

« Finances, parce qu'en même temps que. la révolution, en rendant au peuple tous ses droits, doit assurer pour toujours son bonheur, il n'est pas moins vrai que, dans le moment actuel, le peuple souffre, le commerce languit, les ouvriers sont sans ouvrage, et que, dans ce grand mouvement de la fortune publique, tout délai nous perd ».

« Constitution, parce qu'avec elle on a tout: législatures représentatives où la loi se forme avec sagesse; ordre judiciaire, dont les jurés soient la base; administrations électives, mais graduellement No. 37.

C

subordonnées au chef suprême; armées discipli nées, sans qu'on puisse en abuser; éducation qui grave tous les principes et recueille tous les talens; une nation tranquille, sous les armes de la libert; un roi investi de toute la force qu'exige une grande monarchie, et de l'éclat qui convient à la majesté d'un grand peuple; enfin, une organisation ferme et complète du gouvernement, et cette définition distincte de chaque pouvoir, qui seule exclut toutes les tyrannies.

« Je dois rappeler à l'assemblée que les gardes nationales, dont le zèle est aussi constant qu'énergique, brûlent de trouver dans nos décrets leur place constitutionnelle, et d'y line leurs devoirs ; mais je conviens que le travail judiciaire presse d'autant plus, que trop souvent la loi rencontre dans ses principaux organes des adversaires, et que des factions de tous genres peuvent encore tenter dans leurs coupables égaremens, d'opposer des obstacles ou des prétextes à l'établissement de l'ordre public ».

« Et peut-être quelque impatience est-elle permise à celui qui, ayant promis au peuple non de le flatter, mais de le défendre, s'est promis à luimême que la fin de la révolution, en le replaçant exactement où il étoit lorsqu'elle commença, le laisseroit tout entier à la pureté de ses souve

nirs ».

Cette déclaration est assez étrangère à la motion de M. de Menou. L'impatience que M. de la Fayette a alléguée, n'est évidemment qu'un prétexte. Un citoyen tel que lui n'éprouve point d'impatience à faire le bien public, quelque désagrément qu'il essuye en le faisant.

Il ne seroit pas difficile de donner les justes motifs de cette déclaration, en examinant l'état de la révolution, relativement à celui que les deux parties en regardent comme le chef. Les ari tocrates n'ont pas toujours désespéré de gagner M. de la Fayette; ils croyoient qu'il tenoit à eux par plus

de fils ou par des fils plus forts; ils voyoient sans crainte, et même avec quelque plaisir, l'ascendant qu'il prenoit sur l'esprit du peuple et sur celui des citoyens qui composent la garde nationale. Cet ascendant pouvoit, si le commandant général eût voulu se joindre à eux, les faire triompher sans coup férir; aussi s'étoient ils bien gardés de le compromettre dans les premiers libelles qu'ils répandirent contre l'assemblée nationale, ou, s'ils en parlèrent, ce ne fut que pour le rendre plus cher au peuple, en le présentant comme un ingrat, qui sacrifioit toute une famille accablée des bienfaits du roi, au désir de servir la cause populaire.

Sans doute qu'une résistance entière, à laquelle ils ne s'attendoient pas, les a dégagés de tout ménagement. En mêlant son nom dans les derniers libelles à ceux des auteurs des maux publics, ils se sont attachés à le peindre comme un honime d'une ambition démesurée, comme également redoutable au peuple et à la couronne.

Le commandant général auroit peut être méprisé les outrages impuissans des factieux, si les patriotes les plus zélés n'eussent en même temps jeté quel ques cris contre lui,

Ils lui faisoient un crime, non pas d'abuser de la confiance du peuple, mais de s'être attiré cette confiance jusqu'à pouvoir en abuser. Ne pouvant corrier le peuple de son penchant à s'enthousiasmer pour les personnes qu'il a sous les yeux, ils se plaignoient de ce qu'il ne rejetoit pas des hommages qui ne sont dus qu'a la liberté.

D'un autre côté, le choix de son état major, dont les membres les plus éminens sont infiuiment peu connus, la création de plusieurs corps soldés dans la ville, avoient formé dans les esprits un nuage que l'affaire du sieur Marat avoit rendu plus épais; il s'étoit d'ailleurs répandu une opinion que, dans l'affaire du sieur Faveras, les juges du Châtelet avoient donné moins de poids aux résultats de la

procédure, qu'à l'importance que M. de la Fayette avoit mise à suivre et à découvrir les projets de cet accusé; et cette opinion, qui peut être l'effet de l'erreur, avoit jeté l'alarme dans tous les partis ; car il n'est poin d'homme qui veuille que son sort dépende de l'opinion d'un autre, quelque honnête qu'il puisse être.

En ueme temps,. e projet d'un parc d'artillerie, qui auro t mis tous nos canons à sa seule disposition, et auquel il ne s'opposoit pas, inquiétoit les vrais amis de la liberté.

M. de la Fayette s'est donc vu exposé tout-à-lafois aux traits des patriotes ombrageux et des aristocrates désespérés; il a voulu répondre à tous en disant, au milieu de ses collègues, les représentans de la nation, que la fin de la constitution le remettroit à la place où elle l'avoit trouvé. Ces mots devoient calmer toutes les inquiétudes l'engagement étoit solemnel; il devoit donner du courage à ceux qui étoient détournés de travailler à l'accélération de la révolution, par l'idée des dangers imminens qu'elle pouvoit courir.

Enfin, au moment où le châtelet fait une guerre ouverte aux amis de la liberté et de la révolution, où le décret de prise de corps lancé contre M. Danton ouvre les yeux sur le projet qu'on a formé d'effrayer et de réduire au silence les patriotes chauds et courageux, il étoit peut-être nécessaire, après l'éclat que M. le commaadant général avoit donné à l'arrestation du sieur Marat, qu'il dit publiquement que la loi pouvoit trouver des contradicteurs dans ses principaux organes, afin d'écarter de lu toute idée qu'l approuvat cette nouvelle iniquité du châtelet, ou qui y eut aucune part (1).

(1) Laffa're de M. Danton eft la suite de celle du fiour Marat. Or. dans celle-ci, on voyoit un aide-decamp de M. ce ia Fayette porter les ordres du procureur du roi aux huisticis, et ces huissiers aller rendre

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