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tuels, où ils n'avoient souvent eu aucune part. L'intérêt du peuple a presque toujours été sacrifié à l'intérêt d'un petit nombre: et les vrais patriotes ont été les victimes des patriotes intéressés. C'est tantôt par le couteau des loix, tantôt par des émeutes payées que ceux-ci sont parvenus à se délivrer de l'incommode surveillance des défenseurs du peuple.

Nous avons osé prendre ce titre, et peut-être nous en sommes-nous montrés dignes, malgré les persécutions de tous les genres auxquels nous avons été en butte. Persuadés que nos dangers n'étoient rien en comparaison des dangers publics, et qu'il ne nous étoit pas permis de nous occuper de nous tant qu'un seul de nos concitoyens avoit besoin d'être défendu; nous nous sommes rigoureusement abstenus de parler de tout ce qui nous étoit personnel; et nous n'avons repoussé les coups qu'on nous a portés, qu'en éclairant toujours davantage le peuple sur ses droits, et sur les crimes de ceux qui ont en main quelque portion d'autorité.

Si nous nous permettons de contrevenir pour un moment à la loi que nous imposoit notre respect pour le public, c'est que notre cause est liée en quelque sorte avec la cause publique et la liberté de la presse. On voudroit pouvoir obtenir, par une procédure dirigée contre nous, ce qu'auroit produit antrefois une lettre de cachet; et ce que le despotisme ministériel ou militaire eût osé entreprendre à force ouverte, avant la révolution, il le machine sourdement.

Interrompre cet ouvrage, nous effrayer ou nous réduire au silence; voilà le but de nos puissans Yennemis. Conserver leur énorme autorité, nous ôter les moyens de rallier, par les principes, les volontés individuelles à la conservation des districts, éviter les coups de lumières que nous pourrions répandre sur quelques vexations particu

lières qu'ils préparent; voilà leurs motifs. Voici maintenant leurs moyens.

Ils attendoient avec impatience, sur-tout depuis le n°. 29, une occasion favorable de mettre en activité contre nous le tribunal de lèse-nation, parce qu'ils se persuadent que ce tribunal dont nous avons plus d'une fois relevé les infractions aux loix, doit être lui-même notre ennemi.

Notre dernier numéro leur a semblé favorable à leurs projets. L'exposition de la parité des délits des sieurs Augeard et Faveras, et de la disparité révoltante des deux jugemens que le châtelet arendus à leur égard, laliste sanglante des innocens que ce tribunal a condamnés, ou des coupables auxquels il a infligé des peines trop fortes, mises avec exactitude sous les yeux du public, devoient animer contre nous des magistrats subalternes, jaloux et enivrés du pouvoir sans bornes, qu'ils exercent par commission.

Mais comme un attentat à la liberté de la presse et à la tranquillité d'un écrivain sans reproche pouvoit irriter les esprits les plus indifféreas, et qu'un cri général auroit réveillé l'assemblée nationale sur la conduite du châtelet, il a fallu commencer par préparer l'opinion publique, ou par la dévoyer.

Le chef du département des mouchards, car ce département existe encore, en envoya, mardi et mercredi derniers, quelques centaines, pour aboyer dans les cafés contre cet ouvrage incendiaire.

Le mardi, ils répandoient que l'article sur la mort de Joseph II étoit une insulte faite aux souverains et à la maison d'Autriche; que l'article du châtelet avoit pour but d'exciter une émeute pour faire fondre la multitude sur les juges qui composent le tribunal de lèse-nation.

Le mercredi, ils répandoient que nous étions décrétés, et que mille hommes de garde étoient commandés pour nous arrêter la nuit. Des citoyens patriotes ont suivi plusieurs de ces messieurs à mine suspecte; ils les ont vus parcourir de suite sept à huit

eafés, et y répéter les mêmes diatribes, les mêmes nouvelles.

Chacun a pu observer que, lorsque le châtelet a voulu élargir Bezenyal ou Augeard, le bruit en a été semé trois jours à l'avance, afin d'accoutumer les esprits à ces iniquités. C'est un art bien perfide et bien dangereux que celui de sonder ainsi l'opinion pu-. blique par un bruit adroitement répandu; car lorsque ce premier cridu peuple, qui seul en impose, est une fois jeté sur une injustice qui n'étoit pas encore, on peut ensuite la commettre impunément; tant notrą caractère nous éloigne de revenir sur les mêmes choses, et de nous plaindre des attentats dont nous nous sommes plaints une fois.

Nous devons de sincères remercimens aux bons citoyens qui ont pris assez d'intérêt à nous, pour suivre ces menées avec chaleur, pour les dévoiler, pour nons en avertir, Et nous nous acquitterons enyers eux par un conseil.

Les ennemis du bien public, soit aristocrates, soit pseudo-patriotes, ne désirent rien tant qu'une insurrection, que des mouvemens populaires, que les excès quien sont les suites. Ils se persuadent, ceux-ci, que la guerre civile rameneroit l'ancien régime; ceux-là, qu'elle augmenteroit ou feroit durer leur pouvoir, Ainsi, que l'on viole en notre personne, ou en celle de quelqu'autre patriote connu, les droits de l'homme et du citoyen; gardez-vous, bons citoyens, d'exciter aucune rumeur, aucun mouvement. La véritable force du peuple n'est pas de frapper mais de vouloir; qu'il n'agisse pas, il suffit qu'il improuve.

Pour, nous quelque soit le nombre, les ressources, le pouvoir de nos ennemis (1), nous avous pris ces

(1) Sils réussissoient dans leurs méchans projets, le peuple français ne seroit pas le scul privé d'un ouvrage qui ne respire que patriotisme et liberté. Nous recevons dans ce moment un exemplaire traduit en anglais de

résolutions que rien ne peut changer, celle de persister dans nos principes, de nous rendre, sans qu'il soit besoin de l'appareil ridicule de la force militaire, à toute citation juridique, malgré les vices ou l'injustice qu'elle pourroit renfermer, de nous défendre avec le langage d'un homme libre, langage encore incommode dans nos tribunaux! de braver une peine injuste, et d'en appeler à notre conscience, à l'opinion publique.

Que nos persécuteurs sachent que ce sera entre eux et nous un combat à mort; qu'ils n'ont point de composition à espérer, si ce n'est en réparant, en expliquant par une conduite franche et loyale des ac+ tions coupables ou équivoques, et que, si un marbre adulateur offre leurs traits à la postérité, nous nous chargeons, nous, de lui faire passer ceux de leur

ame,

Ingement du Châtelet, contre le sieur Curé,

«La position la plus favorable au bon droit, dit Jean-Jacques, c'est d'avoir à être jugé par une partie éclairée, juge dans sa propre cause ». Quelque grave que soit cette autorité, plus le châtelet faitd'actes publics, moins nous croyons qu'il pût nous juger impartialement d'après nos excursions contre ses opérations.

Ce tribunal vient de condamner le sieur Curé à l'amende honorable, au carcan et aux galères à perpétuité, comuie séditieux et perturbateur du repos public, et pour avoir proféré contre la reine

notre ouvrage, sous le titre: The Paris Revolution magi qine, translated from the original french. London published every other saturday; by C. Dilly, in the poultry. Magasin des Révolutions de Paris, traduit de l'eriginal français, publié à Londres chaque samedi, par C. Diily, &c.

des propos criminels, attentatoires au respect du à sa majesté.

Il y a, d'après ce jugement, deux délits trèsdifférens. Les discours incendiaires tendans à faire former des attroupemens, et les propos contre la reine. Cc tribunal de lèse-nation étoit compétent pour juger le premier cas; mais il est évident qu'il ne l'étoit pas pour le second. La reine n'e t point une personne publique, elle n'est qu'un individu privé dans l'état ; quiconque tient contre elle des propos offensans ou calonnieux doit être puni, ni plus ni moins que s'il les eût tenus contre toute autre mère de famille.

Quant au premier cas, la loi sur les émeutes porte que les auteurs des attroupemens non-armés seront punis de trois ans de prison; et le sieur Curé n'ayant fait que conseiller un attroupement qui n'a pas eu lieu, il étoit évidemment dans le cas de la loi, qui prononce trois ans de prison contre les auteurs des attroupemens non-armés, à moins qu'on ne veuille dire que celui qui a réussi à faire former l'attroupement est moins coupable que celui qui l'a entrepris sans y réussir.

Or, dès que la loi ne prononçoit que trois ans de prison contre le sieur Curé, il s'ensuit que la mort civile ne lui a été infligée que pour les propos qu'il a tenus sur la reine. Aux galères à perpétuité pour des propos! quel rapport, quelle analogie y a-t-il entre un discours qui peut être démenti, désavoué le lendemain, et la vie d'un citoyen? Mais, des propos contre la reine! Esclave, taistoi. La reine n'est qu'une femme. La distance atroce de la peine au délit n'est pas moins contraire aux droits de l'homme et du citoyen, que la condamnation d'un innocent.

Achat des biens ecclésiastiques proposé par la municipalité provisoire de Paris.

Si la cupidité prend le masque du patriotisme,

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