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Saint-Jean-d'Angély, le 16 Mars... « Les commissaires de la Rochelle sont arrivés pour exécuter le décret de l'assemblée nationale. Mais ce décret est bien vague, puisqu'il n'énonce pas quels faits il faut vérifier et constater. Les commissaires ont fait afficher qu'ils entendroient tous les citoyens qui se présenteroient. Ainsi, ou ceux qui se présenteront seront les bons citoyens qui ont concouru aux élections, et ils diront seulement qu'ils sont contens, ou ce sera nos aristocruches, et ils déposeront dans leur propre cause. Un semblable décret et une pareille procédure renverseroient toutes les municipalités du royaume; car il n'y en a pas une seule où les élections aient été faites à l'unanimité, et où il ne fût facile de trouver des réclamans contre l'élection la plus légale. Il y a eu une procédure contre les furieux qui ont voulu troubler les assemblées primaires, à main armée; plusieurs annoblis, ou juges, sont décrétés de prise-de-corps, et ceux qu'ils avoient séduits, d'ajournement personnel ».

AVIS IMPORTANT.

Il y a un projet formé pour jeter la discorde entre les citoyens armés et non-armés. On veut faire protester les bataillons contre les arrêtés des districts sur la permanence. Citoyens, restez unis, si vous ne voulez pas établir le régime militaire, et retomber sous le despotisme d'un connétable. Nos anciens maires du palais, les premiers auteurs de notre servitude, n'établirent leur pouvoir au-dessus de ceux des rois et du peuple, que parce qu'ils soumirent tout à l'autorité militaire.

Nota. Nous avons reçu de M. le commissaire Desmarets une lettre explicative du fait qui le concerne dans le No. dernier. Nous l'insérerons dans le Ne. prochain.

PAPIERS

PAPIERS DE LA BASTILLE.

Je soussigné, certifie avoir remis noi-même à M. Prudhomme les pièces originales de la conspiration et de ma captivité développées dans mon mémoire, étant libre depuis quatre mois par les bontés de M. le comte de Saint-Priest, et que foi doit être ajoutée à celles-là seu

ment.

LE PRÉVOT DE Beaumont.

A Paris, ce a1 février 1790.

Suite de l'horrible conspiration découverte en juillet 1768 par le Prévét de Beaumont, prisonnier pendant 22 ans.

C'en étoit étoit déjà plus que le nouveau ministre n'en vouloit apprendre, et je parlois encore ainsi sans le savoir à l'un de ces conjurés ligués; car le sieur Amelot n'arrivoit au ministère qu'à cause des services qu'il avoit rendus aux conjurés dans son département de Bourgogne. (C'est ainsi que ces maudites ligues sans pareilles ont fait parvenir Vergennes, Sartine, Miromesnil, le Noir, et tant d'autres, au ministère et à la police). Qu'avez-vous besoin, me dit Amelot? De ma liberté seule, monsieur; je n'ai pas mérité de la perdre un seyl instant depuis hut ans; rendez-la moi de l'ordre du roi ou de votre office, cela vous fera honneur. N'est-ce pas pour cela que vous me visitez? Vous paroissez, monsieur, préoccupé et pressé de partir, sans rien décider sur ma liberté. N'êtes-vous donc pas venu pour me la rendre comme vous le pouvez, et même le devez, n'étant pas coupable? car, si vous ne me la rendez pas, je croirai que vous ne m'avez visité que pour me recéler à votre four comme vos précédens confrères, qui ne sont venus me voir que pour m'abandonner ensuite. Il faut, dit-il, que je parle au roi, et que je lui demande votre liberté. M. de Malesherbes, qui vint l'an passé, me dit la même chose, et ne m'a point délivré, Le roi ne sait point ma détention, et ne connoît pas un scul des prisonniers qu'on fait par l'abus des lettres-de-cachet. Si vous vou→ N°. 36.

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lez, me répond sur cela le ministre Amelot, que je Jui donne connoissance de vos découvertes, il faut que vous me fassicz remettre, par, votre gardien, votre dénonciation sous trois semaines. Je vous l'enverrai à tous deux, M. le Noir et vous; mais je m'attends que vous la supprimerez comme vos prédécesseurs, et vous trahirez comme eux les intérêts du roi et de l'état dans la plus grande cause qui ait jamais existé, et qui n'est pas la mienne. Je m'en déchargerai sur vous, messieurs, et vous la remettrez à ma charge, en ne faisant rien de ce que vous promettez. Vous ne risquez rien de m'élargir aujourd'hui provisoirement. Je vous donnerai mon adresse pour m'appeller où il sera nécessaire, s'il est besoin d'affirmer ou renouveller ma déclaration. Non, dit-il, envoyez-moi votre déclaration; joignez-y vos observations, vos conseils, et tout ce que vous voudrez, j'en parlerai au roi dites-moi seulement ce qui vous manqué à présent. Rien, monsieur, si ce n'est ma liberté...

Tous s'en vont. La pantomime est jouée. Le jubilé m'apprend l'avènement de Louis XVI, et la mort de Louis XV, dès le 10 mai 1774, qu'on m'avoit soigneusement cachée jusqu'alors; et j'avois déjà envoyé, comme je l'avois promis, mes déclarations le 29 août 1776, tant au ministre Amelot qu'à son subdélégué le Noir, en les chargeant tous deux de les remettre au roi, duement fermées sous trois inscriptions; savoir, la première : Au roi de France et de Navarre à Versailles; la seconde, et en tête du paquet: Conjuration et ligue formidable dénoncée au roi, pour lui être remise par son ministre Amelot, et par son lieutenant-général de police le Noir, bien fermées, s'agissant de choses extraord naires; la troisième, parce que tant de mutations subites me faisoient soupçonner des événemens et la trahison des ministres sur tous points: Maledictio tua! ô Deus, super proditores cadat, qui bono regi, aut magno Delphino, istam declarationem sigillatam non reddent vel reddiderint. Cette dénonciation est la même qu'un ancien gendarme a fait imprimer depuis deux mois sur ma minute en papier gris, trouvée, je ne sais pourquoi, le 14 juillet dernier à la Bastille, et que j'ai été vérifier chez le sieur Maradan, libraire, qui la montre à qui la veut voir. Le gendarme y a mis en tête un discours préliminaire relatif au temps présent. J'en joindrai ici un exemplaire corrigé de ma main.

Ainsi, les Laverdy, le Noir, Albert, Malesherbes, Ame

lot, Sartine, de Crosne, Breteuil, Villedeuil, qui ont presque tous pris la fuite, ne fourniront point d'excuses sur leurs trahisons insignes envers les rois et la France entière. Tous, s'érigeant juges contre moi de leur propre cause dans le forfait énorme de leurs prédécesseurs, ont méprisé leurs devoirs. Tout ce que je craignois de leurs trahisons est arrivé. Les ministres et lieutenans de police, avec les onze premiers commis qui accompagnoient Albert, Malesherbes, Amelot, le Noir, Sartine, Breteuil, dont il va bientôt être mention, ont retenu et supprimé mes déclarations au roi, et toutes les autres pièces que je leur ai envoyées pour leur maître, l'ont trahi sans pudeur, aussi bien que la France entière, ont abandonné tous les prisonniers sans les visiter, et repeuplé tour-à-tour les prisons d'état, par l'abus et la prostitution des lettres-de-cachet. Tous ces fantômes ministres et lieutenans de police, se sont toujours copiés l'un après l'autre, pour tromper, filouter nos rois, abuser de leur autorité et de leur confiance, dévorer la nation, dénier la justice, renverser les loix, prévariquer et mépriser leurs devoirs, sans se soucier même de les étudier pour les remplir. Nous en allons encore donner de nouvelles preuves, en omettant pourtant, pour abréger, une quaninté de faits graves qui caractérisent leur excessive mé

chanceté.

Sur la fin de 1783, le baron de Breteuil, arrivant au ministère bouffi d'ignorance et d'orgueil, dédaigne de visiter, non-seulement les prisons publiques, les cinquantesept maisons de force, les hospices, les hôpitaux généraux d'honnes et de femmes qu'il prend en département, mais encore les prisons d'état, de la Bastille, de Vincennes, Charenton, Saint-Lazare, Bicêtre, la Salpêtrière. Dirigé par le comte de Vergennes, son protecteur, et par le démon négritien, son suhdélégué et son guideane, il n'ose me visiter comme ses devanciers, que j'avois convaincus de haute perfidie; mais il m'envore, le 29 février 1784, un officier de sa part, auquel il donne ordre de tâcher de me surprendre, et de m'enlever de nuit par violence du donjon de Vincennes. Pourquoi ? Parce que mes écrits, mes dénonciations, mes découvertes sur les hantes trahisons des ministres et des lieutenans de police ne tendoient qu'à faire emprisonner au donjon tous ces scélérats pour le reste de leurs jours, même à titre de très-grande grace; ce qui n'eût pu manquer d'arriver, si

un seul de mes écrits fût parvenu au roi; car il n'est point de prince qui ne sente ses intérêts à quelque degré, et ne veuille se faire justice et la rendre en même-temps à ses peuples écrasés par l'exécution de ces ligues et de ces conjurations exécutées depuis si long-temps en son nom et à son insu. Mais Louis XVI se laissant, comme Louis XV, gouverner en toutes choses par les infidelles, domestiques gagés de sa couronne, il étoit fort difficile d'arriver aux barriéres du trône, tant ces despotes Sentinelles font bonne garde pour en défendre l'accès, si če n'est par des voies clandestines auprès d'un souverain peu défiant de son choix, qui, d'ailleurs, ne lisant jamais, et n'ayant pas un sentiment qni ne lui soit suggéré, n'aime, ne hait, ne protège, ne persécute qu'au gré de ceux qui le guident et le conseillent.

Je venois d'achever, depuis cinq ans, l'Art de régner, ou la Science, d'après l'écriture-sainte, du vrai gouvernement de la monarchie française dans ses soixantesix branches; ouvrage si considérable, qu'il formeroit à l'impression prés de vingt volumes in-8. de caractère historique or, Breteuil, Vergennes et le Noir, qui se doutoient bien que toutes les différentes administrations et les conjurations, depuis 1729, y seroient peintes et révélées parmi la foule des matières divisées par titres, chapitres, sections et paragraphes en ordre didactique, employoient tous leurs efforts pour m'enlever cet ouvrage en même-temps que son auteur, comme la suite le fera voir.

A l'arrivée de l'officier du baron de Breteuil, le dimanche au soir 29 février 1784 ( et ce prétendu officier n'étoit que Royer de Surbois, inspecteur de police), mon geolier, le démon Rougemontagne, au lieu de venir lui-même, envoie son second, le sieur Vallage, capitaine de la compagnie préposée à la garde des fossés du donjon, m'annoncer ce qui suit:

Je viens, dit-il, Monsieur, vous dire que M. Amelot n'est plus au ministère, et que c'est le baron de Breteuil qui le remplace. D'où est ce baron? que dit-on de lui? pourquoi ne vient-il pas lui-même me visiter comme les autres qui l'ont précédé? M. le baron, me répond Vallage, habile homme, décoré de l'ordre du Saint-esprit, a été ambassadeur, durant trente ans pour le roi, dans les différentes cours étrangères. Judicieux, zélé patriote, et fidelle à son maître, il veut savoir de

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