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Mais si le jugement du sieur Augeard, sur-tout comparé à celui du sieur Faveras, paroît inconcevable, que faut-il dire, que faut-il penser de celui qui, sur les conclusions de M. Pelletier Desforts, avocat du roi, décharge tous les ministres et officiers, auteurs, instrumens ou complices de la conjuration du mois de juillet, des plaintes et accusations intentées contre eux, et qui ordonne sans pudeur l'impression et l'affiche de ce jugement dans cette ville qu'ils devoient réduire en cendres?

Ainsi, Bezenval n'a point trompé le roi par les rapports qu'il a faits de l'état de la province dont il avoit le commandement; il n'a pas induit le roi, en exagérant les troubles, en cachant les causes qui les produisoient, à assiéger ses sujets dans la première ville du royaume. Il n'a point ordonné au prince de Lambesc de faire dans les Tuileries une irruption qui provoquàt le peuple, afin qu'on pût le foudroyer avec le canon qu'on avoit amené aux Champs-Elysées.

Ainsi, Barentin n'a pas arrêté la publicité des délibérations de l'assemblée nationale; il n'a pas attenté par un arrêt du conseil à la liberté de la presse, à la face du corps législatif; il n'a pas cassé, dans la séance du 23 Juin, l'arrêté célèbre du 17 précédent, et par conséquent il n'a pas conspiré contre la liberté nationale; il n'a pas assisté aux conseils dont il étoit le chef lorsqu'on a préparé le siége de Paris.

Ainsi le 26 Juin, trois jours après la fatale séance, lorsqu'il fut bien connu que le peuple de Paris, de Versailles, et les gardes françaises ne s'entregorgeroient pas, Puiségur n'a pas signé des ordres pour faire partir les régimens de Reynac Suisse, Nassau, Provence, Bouillon, Mestre-deCamp général, cavalerie; Royal-Allemand, Dauphin dragons, des villes de Soissons, Metz, SaintOmer, Condé, Valenciennes, pour se rendre à Saint-Denis, à Choisi, à Louvres, à la Muette,

Meaux et à Senlis.

Ainsi il n'a pas dégarni, par des ordres du premier Juillet, les villes de Lafère, Amiens, Orléans, Douay, Givet, Mont-Medy, Verdun, Metz, Sarrelouis, Philippeville, des regimens de Toul, artillerie er. bataillon, de Diesbach Suisse ; Chateau - vieux Suisse; Vintimille, Dauphin infanterie; Hainaut, Saintonge, Devigier, Bourbonnois, Courten et Castella Suisses, et des chasseurs de Normandie, pour former un camp au Champ-de

Mars.

Ainsi ils ne sont pas coupables d'avoir fait amener autour de Paris un train immense d'artillerie, des grils à chauffer les boulets, d'avoir fait distribuer à ces troupes un million deux cent mille cartouches, outre deux cents cinquante mille autres cartouches extraites de l'arsenal de Paris.

Ainsi il n'a pas été donné ordre au sieur d'Orbay, directeur de l'artillerie de Douay, de faire partir pour les environs de Paris dix pièces de canon de bataille, dix caissons de quatro complétement pourvus de pièces de canons et cartouches à boulets et à balles; six cent mille cartouches à fusils d'infanterie, dans dix caissons, et quatre cents soixante mille autres cartouches, dans des charriots à munitions, un caisson pour outils complétement garni, et une forge de campagne (1).

Ainsi, les fusils qui étoient dans la boulangerie des Invalides, n'ont pas été cachés sous le dôme, de peur que le peuple ne les trouvât pour se défendre.

Ainsi, on n'a pas renforcé la garnison de la bastille, et le gouverneur n'a pas eu ordre de faire feu sur les citoyens jusqu'à la dernière extrémité.

(1) Tous ces faits et plusieurs autres de eette nature sont prouvés par un relevé fait dans les bureaux de la guerre, certifié par le secrétaire d'état de ee département.

Ainsi,

Ainsi, les barrières n'ont pas été incendiées par des brigands à la vue des troupes qu'on dit avoir été ramassées contre ces mêmes brigands, sans qu'elles leur ayent opposé aucune résistance.

Ainsi, on n'avoit pas tellement écarté les approvisionnemens destinés à la capitale, que le mardi, 14 juillet, il n'en restoit pas pour trente heures.

Ainsi, on n'avoit pas fait consommer les subsistances d'une province déjà affamée par des troupes destinées à en égorger les habitaus, s'ils demandoieut du pain, ou s'ils murmuroient contre les ordres absolus qu'on vouloit prescrire aux représentans de toute la nation.

Ainsi, il n'est point prouvé que Barentin, Broglie, Besenval, Puiségur et d'Autichamp, ont eu part à cette horrible chaîne de forfaits; ils ne les ont ni conseillés, ni inspirés, ni préparés ; ils n'en sont point auteurs, fauteurs, complices et adhérens. Le châtelet les déclare innocens : ils n'ont donc été que les instrumens aveugles et passifs de la volonté absolue du roi, dont ils étoient les ininistres ou les généraux.

C'est donc toi, ô Louis XVI! restaurateur de la liberté française, roi d'un peuple libre, 1oi honnête homme; c'est donc toi, qui, sans prétexte et sans motif, et seulement pour te donner tout autre passe-temps que celui de la chasse, as conçu le projet de faire périr six cent mille citoyens par la faim ou par le feu.

C'est donc toi qui as couvé dans ton cœur, depuis le 26 juin jusqu'au 12 juillet, un projet dont auroient frémi et Charles IX, qui n'ordonna la S. Barthelemi que trompé par sa mère, par ses ministres, et Néron, qui ne mit le feu à Rome que dans un moment d'ivresse.

C'est done toi, qui, en signant les ordres de faire venir dans les environs de Paris des régimens étrangers, et de les charger de cartouches et de boulets, sayourois d'avance le plaisir de........

No. 35.

D

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Ma main se glace d'horreur!.....Et le jugement du
Châtelet dit tout cela! Il substitue à ta couronne
civique une couronne de serpens. Il te dénonce à
ton peuple, à toute la terre, à toutes les généra-
tions, comme le plus cruel, comme le plus extra-
vagant
des monstres qui ont porté la couronne;
et ce jugement est affiché jusque sur les portes
de ton palais!

Français l'honneur de notre roi est à nous, il faut le défendre contre les conséquences de ces inique jugement. Louis XVI, fort de cette même conscience, de ces mêmes intentions qui l'amenèrent le 17 juillet au milieu de 300,000 hommes armés et irrités, dédaignera de dire: Ils m'avoient trompé; mais nous, répétons-le à nos enfans, à tous les peuples, laissons-en des témoignages certains à la postérité; et, comme membres du souverain, rassemblons-nous pour ordonner à nos représentans d'organiser un tribunal national, de briser la marionnette qui a, jusqu'à présent, joué ce rôle.

Récapitulons ce qu'a fait le Châtelet comme tribunal de la nation. Il a condamné à la mort en vingt-quatre heures le nommé Adrien, pour avoir colporté des billets qui tendoient à susciter des attroupemens; et Adrien ne savoit pas lire, et la loi martiale étoit portée. D'après cette loi, les auteurs des attroupemens non-armés ne peuvent être condamnés qu'à une prison de trois ans (1).

Il a condamné au bannissement le sieur NobleEpine, garde-national, qui, après que le boulanger François eût été pendu, sépara la tête du tronc. Le jugement porte, ce qu'il auroit pu éviter en fuyant ou en abandonnant son sabre. Il résulte du jugement même qu'il avoit été forcé à cette action par les assassins du sieur François, et qu'il

(1) Art. 7. Vide No. 16, page 13. “

a été puni pour n'avoir pas eu dans cette scène d'horreur, au milieu des brigands qui le menaçoient de le pendre, la même présence d'esprit que les juges ont eue sur leur siège,pour combiner comment il lui auroit été possible d'éviter de couper cette tête (1).

Le châtelet a condamné à un bannissement perpétuel l'infortuné Délcrost, pour avoir écouté des propositions qui lui étoient faites d'enrôlemens pour les pays étrangers; et la procédure établissoit sen innocence. Elle prouvoit qu'il n'avoit jamais eu ni la volonté, ni l'intention, ni le moyen de faire des enrôlemens pour l'Espagne.

Le sieur Ruthlidge est arrêté comme ayant porté abstacle aux approvisionnemens de Paris. Il se justifie, il crie hautement: Il faut la téte de M. Necke. ou la mienne. Il inculpe le ministre adoré des manoeuvres criminelles contre cet approvisionnement. Il demande à grands cris de lui être confronté, ainsi qu'à madame Necker; et le châtelet le retient d'abord, sans décret, assez long-temps pour lasser son courage, et il ne l'élargit enfin que sous un décret d'ajournement personnel, afin de l'effrayer.

Le sieur Marat écrit contre tous ceux qui lui paroissent porter obstacle au bonheur du peuple. Il comprend dans sa liste le sieur Boucher d'Argis, il l'inculpe avec raison d'être tout à la fois officier civil, militaire et judiciaire ; et le châtelet convertit une procédure ordinaire en procédure pour crime de lèse-nation, afin de pouvoir ruiner et réduire au silence celui qui, frappant sur les idoles populaires, ose attaquer en même temps un conseiller au châtelet.

Et Bezenval est, élargi! Faveras dont on n'ose publier la procédure, est mis à mort. Bezenval et

(1) Ce particulier avoit été présenté d'abord comne ayant fait cet acte volontairemem.

D &

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