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Observations sur quelques provinces.

Le courage, le patriotisme opiniâtre des Pari siens, ce noble enthousiasme, pour la liberté, par lequel ils s'élèvent au-dessus des maux réels qu'ils éprouvent, et des maux d'opinion qué les ennemis du bien public s'attachent à grossir à leurs yeux, une sage persévérance dans les bons principes qui nous feroit croire à la régénération du caractère français, s'il n'étoit encore entaché de quelque peu d'idolatrie pour des hommes utiles à la bonne cause, mais que cette idolatrie même peut rendre très-dangereux, cette sagacité avec laquelle la classe la moins éclairée discerne les inconvéniens de la révolution des perfides com plots de l'aristocratie, ont enfin décidé les chefs de cette faction à travailler quelques provinces pour y exciter des troubles capables de retardrer ou de détruire la constitution.

Marseille leur a paru, depuis le moment de la révolution, une place dont il étoit essentiel de s'assurer. Une citadelle et quatre forts menacent la ville; et la ville peut entraîner la province. Le port offre un débarquement sûr et facile aux troupes espagnoles, auxquelles les Basques, les Navarrois et les Gascons ferment le passage du côté des Pyrénées.

Aussi le prévôt Bournissac, célèbre aujourd'hui comme Delaunay, avoit-il été chargé d'arrêter et avoit-il traité en séditieux les citoyens qui s'étoient distingués par des ouvrages patriotiques, ou ceux qui propageoient l'amour de la liberté.

La barbarie avec laquelle il s'est acharné sur ses victimes, malgré les cris des Marseillois, la déclaration de l'opinion publique et les décrets de l'assemblée nationale, prouve, sans réplique, qu'il étoit soutenu et encouragé par les principauxragens du pouvoir exécutif.

No. 36.

L'assemblée nationale vient enfin de briser les fers d'une foule de citoyens que les dignités municipales ont été consoler au fond de leurs cachots. Mais le prévôt Bournissac, défendu par l'abbé Maury, jouira de l'impunité. Le nouveau décret ne le renvoie pas par-devers le tribunal de lèse-nation.

Qu'on n'aille pas s'imaginer que l'assemblée nationale a entrevu quelque apparence d'excuse dans les plaidoyers de l'abbé Maury, ou qu'elle s'est laissée aller aux sollicitations de ceux dont Bournissac étoit l'agent. C'est un fait bien notoire que l'indu'gence pres que inconcevable dont le corps législatif use envers lui, a pour unique fondement l'opinion défavorable que la partie saine de nos représentans a conçue du tribunal provisoitement national, quoiqu'il soit leur propre ouvrage. Puisse l'embarras où se trouve ce corps législatif pour faire punir les attentats à la liberté publique et privée, le forcer enfin à organiser promptement, selon ses promesses, un tribunal vraiment na tional!

Mais pendant que la justice et la vérité faisoient triompher la cause des Marseillois au sein de l'assemblée nationale, les agens du pouvoir exécutif leur préparoient d'autres fers dans leurs propres foyers. Ils approvisionnoient la citadelle et les forts de munitions et de farines; ils rassembloient des soldats dans la ville avec si peu de ména gement, que, sur 12 mille hommes ou envi: on de troupes de ligne qui sont dans la province, il y en a plus des deux tiers dans Marseille seule. Les officiers de divers corps travaillent les soldats pour leur faire abjurer la cause de leurs pères, de leurs frères, leur propre cause (1). Le logement

(1) En même temps ces officiers provoquent les citoyens de totes sortes de manières. L'un d'eux a donné un soufflet à la femme de celui chez lequel il

militaire pèse sur les citoyens, quoique, sous pré texte de les soulager, les places publiques et les églises soient occupées par des détachemens.

Dans une visite que M. de Miran, officier général, fit dans l'un des forts, il exhorta les soldats à une obéissance aveugle pour leurs chefs. L'enthousiasme aristocratique Fégara assez pour qu'il trahit ses véritables intentions.

Aussi-tôt un soldat, un héros, dont on ne tait le nom dans ce moment que pour sa propre sûreté, écrit au maire de la ville; il lui dénonce ces préparatifs hostiles, les mouvemens qui ont lieu dans l'intérieur des forts, et les discours alarmans tenus par M. de Miran. Le maire envoie sur le champ cette lettre à ses députés vers l'assemblée nationale, pour la remettre au comité des recherches.« Nous avons, dit ce maire ( le sieur Martin, surnommé le Justes) nous avons douze mille citoyens de bonne volonté; mais à peine pouvons nous en armer trais, mille »

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En nous transportant à l'extrémité opposée du royaume, nous retrouverons que nos ennemis trament à peu près les mêmes complots pour y semer l'esprit de discorde, et pour y ouvrir les portes aux brigands étrangers qu'ils veulent appeler pour ravager la France.

On nous mande des provinces belgiques que les chasseurs et fusiliers du régiment d'Auvergne, en garnison au Quesnoy, s'apperçurent que les officiers travailloient la compagnie des grenadiers au point que ceux-ci passerent bientôt, aux yeux

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est logé; un autre a insulté un jeune homme, et a eu, l'effronterie de demander à la muricipalité qu'il fût puni.. Sa propre plainte prouvoit qu'il avoit tort avec ce jeune citoyen; et, comme la municipalité a refusé de commettre une injustice pour complaire au corps des officiers qui étoit intervenu, le major dit qu'il ne répondois pas.de La vie du jeune homme.

Ca

de leurs camarades, pour des aristocrates; qu'il y a eu une espèce de combat entr'eux; que les grenadiers ont été obligés de se retirer un moment dans le pays de l'empereur, d'où ils sont rentrés en France par Maubeuge. Ils ont passé par Avesnes pour se rendre à Biche, où ils se réuniront sous les drapeaux avec les soldats des autres compagnies auxquels on n'a pas donné des congés absolus ou de semestre...

Ge fait, dans lequel le patriotisme des chasseurs et fusiliers, et la prudențe bravoure, la loyauté des genadiers, ne laissent voir que la perfidie des scélérats qui les avoient animés les uns contre les autres, n'est pas le seul qui doive nous alarmer. Il y a eu des mouvemens dans les deux régimens qui sont à Maubeuge. Ils étoient resserrés ; ils ont obtenu la liberté des portes, et les Suisses ont fait un feu de joie avec les CANNES de leurs caporaux..

Le dimanche 7 de ce mois, après la messe, environ trois cents hommes du régiment RoyalLiégeois, en garnison à Avesnes, se présentèrent à la porte de France, pour sortir malgré la garde. Le pont étoit levé ; ils courent à leurs casernes, prennent leurs fusils, les chargent en présence des citoyens défilent en traversant une place où la garde montante étoit rangée en bataille. Les officiers municipaux tentent de les ramener : efforts inutiles!"

Le pont levis a été baissé pour éviter de plus grands malheurs. Des bourgeois, qui ont suivi les emigrans, sont parvenus à en amener quelquesuns. Le lendemain, ceux qui étoient restés ont demandé que les portes fussent libres, et quelques désertions ont encore eu lieu. «On assure, ajoute notre correspondant Belge, qu'il y a à craindre pour les garnisons de Cambrai, Arras et'de Lille, et que les ennemis du bien public ont distribué beaucoup d'argent dans les régimens qui les composent, pour les exciter à l'insubordination.

Le comte de Saint-Aldegonde, député de la ville de Marchienne, est, dans ce moment, à la suite de l'assemblée nationale, pour obtenir des fusils pour cette commune. Plusieurs membres de l'assemblée nationale ont fait de vaines instances auprès du ministre de la guerre pour obtenir qu'il fit donner des armes aux gardes nationales de leurs districts. Les députations des provinces belgiques doivent se féunir pour faire une semblable démarche, malgré le mauvais succès de ceux qui les ont précédés:

Le ministre de la guerre a déjà répondu et répondra vraisemblablement encore qu'il n'y a pas de fusils dans les arsenaux et fabriques royales. Il faut bien se garder de s'en tenir à cette affirmation: il y a deux arsenaux à Marseille; il y en a un superbe et bien pourvu à Toulon ; il y a en plusieurs dans nos provinces belgiques; celui de Roche fort suffiroit pour armer les provinces qui l'avoi

sinent.

A qui appartiennent toutes les armes que contiennent nos arsénaux? A la nation, sans doute, puisque c'est de ses contributions qu'elles ont été payées; le pouvoir exécutif n'en a que la disposition. La nation peut donc exiger qu'elles soient distribuées aux diverses communes, et ses représentans doivent en faire l'objet d'une loi.

Un décret de l'assemblée nationale, sanctionné par le roi, soumet les communes et les municipalités à la responsabilité, dans tous les cas d'éTeute qu'ils n'auroient pas empêché. Qui veut la fu, veut aussi les moyens. Il faut donc distribuer aux gardes nationales les fusils qui reposent dans nos arsenaux, si toutefois ils n'y sont pas conservés contre elles.

II y a donc deux points bien importans que l'assemblée nationale, les amis de la liberté, tous les patriotes doivent prendre en consideration.

19. Faire remettre aux gardes nationales, surtout à celles qui sont les plus exposées, toutes les

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