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roit quelque sens dans cette opération; car si tous. et chacun des habitans de Paris, me vendoient un des couvens de cette ville, ils seroient garans de la vente, partant je trouverois dans l'obligation solidaire de tous et chacun des vendeurs, le gage très-réel et très-solide de mon prix d'achat.

Mais si j'achète d'une municipalité (1) qui ne posséde rien, et qui ne peut assujotir à une hypothèque ni les biens communaux, ni les biens des particuliers; je n'ai qu'une garantie idéale dont je puis retirer le fruit que me produiroit la garantie solidaire de tous les habitans de la commune. Les députés du bureau dirent bien à l'assemblée nationale que si elle autorisoit ce plan, ils se retireroient devers leurs commettans pour le soumettre à leurs lumières, et leur demander leur autorisation. Mais ce mot de commettans signifiet-il la commune assemblée en section, ou le bu reau qui les avoit députés; ou l'assemblée des deux cents quarante? c'est ce qu'on ignore. Les mots les plus clairs de notre nouvelle langue n'ont déjà plus de sens.

En examinant le plan en lui-même, on voit que la municipalité propose à la nation de commettre un stellionat. Les biens du clergé, les charges déduites, sont hytothéqués à la dette nationale. Or, la municipalité feroit un emprunt hipothéqué par privilège sur ces mêmes biens déjà hypothéques à la dette générale. Qu'est ce autre chose qu'un stelionat? Des ministres pouvoient se permettre cette sorte de fraude; mais une nation doit avoir des principes et un caractère. Malheur au peuple qui, dans les perils mêmes les plus évidens, employe

(1) Un des moindres inconvéniens de ce plan, c'est qu'il force les citoyens de nommer aux prochaines élections les municipaux provisoires qui l'ont conçu, et qui se chargent de l'exécuter; il faudroit même les continuer au bout de leur exercice si l'opération n'étoit pas finie, et Dieu sait s'ils la feroient durer!

une seule fois des ressources honteuses! il n'acquerra jamais ni crédit ni confiance.

Quel bien résultera-t-il dans l'avenir pour la nation de l'exécution de ce projet ? Le voici. La ville ne doit pas compter et ne compte pas vendre chaque année pour plus de dix millions de biens ecclésiastiques. Or, elle payera six millions pour l'intérêt à quatre pour cent de ses obligations, et les maisons supprimées, renfermant de quatre cents cinquante à cinq cents personnes de tout age, dont les pensions monteront à 500,000 liv.

Un autre article de dépense et un article énorme, celui qu'il faut peut-être regarder comme l'idéo matrice du plan, c'est les frais d'entretien des maisons pendant tout le temps qu'elles seront à vendre; on sait de quelles manières le sont en général les régies publiques, et sur tout les régies de bâtimens; on sait que, depuis le goujat jusqu'à qu'à l'architecte, tous les employés font pleuvoir des mémoires, des mémoires, des mémoires (1). On ne peut pas nous taxer d'exagération, en portant à trois millions par an les réparations, les frais de garde et de régie, etc....

Il y a donc 9,500,000 livres de consommation annuelle sur une vente de 10 millions annuelle. ment. Il ne reste donc, au bout de l'opération, qu'une somme modique et une masse énorme de billets.

Le défaut de l'opération est d'avoir attaché une prime ou intérêt au prix représentatif d'un objet non-productif de fruits ou d'intérêts. Si, au lieu de commencer par mettre en vente des maisons qui, de leur nature, exigent de gros frais de réparations et de régie, et dont le débouché est infinement difficile, on eût mis à l'encan des champs et d'autres objets en culture, sur-tout à la proximité des

(1) M. de la Michodière, un des plus habiles adminis trateurs que Paris ait eu, disoit que, pour ruiner la ville, ne lui faudroit que le double des bâtimens qu'elle avoit.

grandes villes, on auroit eu l'avantage 19. de recueillir sur ces objets, et en attendant l'heure de la vente, des denrées dont le produit auroit fut face aux modiques intérêts alloués aux obligations représentant le prix de la vente. 20. On auroit trouvé promptement et facilement des acquéreurs en morcelant les terres; elles sont toutes à la convenance des particuliers voisins; elles sont contigues à leurs possessions, et tout propriétaire a la manie de s'arrondir. Les maisons religieuses des villes, au contraire, ne sont à la convenance de personne; il faut les détruire et les rebâtir à grands frais pour en jouir pendant que l'acquéreur des clos, vignes et champs ruraux jouiroit, à la fin de l'éte prochain, des fruits de son acquisition. Il n'y a que quelques manufacturiers qui puissent convoiter les maisons religieuses: mais, hélas ! en quel temps sommes-nous ? Et le manufacturier, qui a besoin de ses capitaux pour les détails de sa manufacture, peut-il payer comptant plus qu'un quart du prix du vasc où il s'établit?

II y a donc un avantage évident à vendre les biens ruraux, voisins des grandes villes, et par lopins. Prenez leçon du petit marehand qui a divers objets à vendre. Il ne dit pas je vendrai tel objet. Il ouvre sa boutique, et il livre l'objet dont on lui offre de l'argent, si la somme lui

convient.

Ouvrez un bureau où tous les citoyens puissent faire des soumissions pour les objets qui sont à leur convenance; vous vendrez ensuite, à la chaleur des enchères, les objets pour lesquels vous aurez déjà reçu des offres ; et vous n'aurez point à vous épuiser en frais, à vous morfondre en attendant les acheteurs ; vous clorrez les ventes, quand le produit s'élevera à 400 millions.

Les résultats du plan sont plus absurdes que le plan lui-même. Les billets municipaux prêtés sur gage à la nation, seront remis à la caisse d'escompte,

en échange de pareille somme sur les 152 millions de billets qu'elle a en circulation, « Elle conservera seulement selon ce plan quelques millions d'effets circulans, et elle pourra reprendre ses opérations ordinaires, étant dégagée de toute association aux opérations du gouvernement ».

Ainsi, en substituant un papier-monnoie municipal aux billets de caisse, en éteignant les billets qui nous écrasent; on laisseroit subsister cet établissement. On lui laisseroit la faculté de faire circuler ses billets, dont il pourroit encore nous inonder peu-à-peu- On lui lisseroit les moyens, par une émission successive de son papier, de pouvoir prêter au ministère, à l'insu de la nation, et de renouveller l'opération criminelle de 12 millions, avec lesquels, comme nous l'ayons dit (1), on assembla les troupes autour de Paris, au mois de Juillet dernier.

Il est inutile de parler de la combinaison immorale de la primne par loterie, laquelle seroit payée, non pas à tous les billets, mais à une des cinq sections de billets d'une des 15 obligations; ce seroit bien le moyen de donner une grande activité à ces effets; mais à la bourse seulement, et parmi les agioteurs. Ce jeu forcé enleveroit cette sorte de monnoie à tous les marchands, à la classe du peuple, aux bourgeois. C'est assez qu'à la fin de chaque mois, le porteur du billet touche sa portion légitime de l'intérêt à quatre pour cent, pour qu'il soit préféré aux billets de caisse, qui n'ont pas la même actualité physique. Les députés du commerce ont fait de justes réclamations contre cette partie du plan. Les six corps de Paris ont le plus grand intérêt à appuyer leur demande, autrement les 150 millions d'effets municipaux, deviendront la pâture des agioteurs, et ne seront d'aucune ressource contre la rareté du numéraire.

(1) Vide N°. 23, page 9.

Résumons. Le plan du bureau de la ville de Paris n'exproprie pas le clergé ; la vente peut être faite par la nation directement, en employant les municipalités pour agens. Les effets munici paux sont une espèce de papier-monnoie, qui n'a qu'une garantie idéale. Ils auroient un privilége sur un fond qui est déjà hypothéqué. Le produit annuel de la vente seroit presque absorbé par la prime, les réparations et les charges. If y a des avantages évidens à vendre les biens ruraux en rapport. Il faut proposer en vente, par préférence, ceux dont les citoyens offriront de l'argent, afin d'être sûr des acquéreurs; il faudroit les 'morceler pour faciliter les achats. Les billets de caisse qui grèvent le public, ne seroient retirés que pour un instant, et nou pas en entier; l'émission de ces billets pourroit mettre en danger les fortunes particulières, parce que cette émission n'est point limitée; elle pourroit mettre en danger la liberté publique, parce qu'il , parce qu'il est déjà prouvé que la caisse prête au ministère sans le vou de la nation.

En un mot, si l'on veut ranimer la bourse on réussira; mais on embarrassera davantage le commerce. Les agens de change applaudiront; mais le peuple ne sera pas secouru : or, c'est le peuple, c'est le marchand, l'artisan, l'ouvrier, le rentier, le bourgeois, auquel il faut penser et ce plan n'est bon que pour les agioteurs et les architectes. Eh! que l'on supprime tout-à-l'heure les 150, les 390 mille livres de nos inutiles ambassadeurs, les gouvernemens abusifs, les cent mille bureaux, les Bâtimens ruineux que l'on examine l'état au vrai du trésor royal; que l'on retrouve les sommes qui doivent avoir été mises en réserves pour des desseins au moins équivoques, et le peuple sera soulagé, la masse des besoins de cette année disparotira; et, s'il faut un papier-monnoie, que ce soit du moins l'état qui le frappe, et qui en profite.

Observations

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