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On croyoit autrefois que la profession religieuse donnoit aux individus qui l'embrassoient une patience, une douceur, une charité, qui devoient rendre leurs soins précieux aux malades. On sait aujourd'hui qu'un homme éternellement séparé des douces jouissances de la société, qui n'a ni épouse, ni enfans, ni famille, devient par degrés égoïste, dur et féroce. Il faut donc regarder, comme des exceptions aussi précieuses que rares, les religieux de la Charité, qui mettent quelque teinte d'humanité dans leurs procédés envers les

malades.

On a observé que ceux de cet ordre, qui ne s'étoient pas endurcis à la vue des souffrances, perdoient tout bon sentiment en passant aux places administratives. Le desir d'amasser de l'or pendant leur priorature, est un fléau également cruel pour les simples religieux, pour les pensionnaires et pour les malades.

Prenons pour exemple, la trop fameuse maison de charité de Charenton, cette bastille pestiférée où les enfans de S. Jean-de-Dieu font l'office des de Launay et des Rougemont: des faits notoires qui y ont eu lieu, démontrent que, bien loin que cet ordre doive subsister, il faut, au contraie, par humanité, se hâter de l'anéantir et d'y substituer des établissemens mieux conçus et mieux administrés.

Le couvent de la Charité de Charenton n'étoit autrefois qu'un simple hospice où il y avoit dix lits fondés, auxquels les religieux en ont ajouté deux. Aujourd'hui c'est une seigneurie, une terre féodale. Le désir d'être seigneur du lieu, d'avoir des juges, des vassaux, etc. a coûté aux charitains, en prix d'achats, indemnités, lods et ventes et frais, 600,000 liv. et l'objet acquis, ne rend pas 18,000 liv. de rente. Et vous osez dire que votre ordre consacre ses revenus au soulagement et à l'amélioration du sort des malades! Vous pourriez le faire croire peut-être si, laissant à côté le sot avantage de

faire

faire dire aux paysans des environs, nosseigneurs les moines, vous eussiez placé en bonnes rentes vos 600,ono !., et si avec les 12,000 l. qu'elles vous eussent produit au-delà des revenus de votre seigneurie, vous eussiez ajouté 10, 20, 30 lits à ceux que vous avez déjà. Mais qu'avez-vous fait, au contraire ? Vous avez trafiqué, avec le gouvernement, de l'honneur de votre maison et de votre ordre. Vous y avez recelé les victimes que la Battille et Vincennes ne pouvoient contenir, afin qu'il vous fut permis de placer vos capitaux en terres peu productives, mais titrées pour être seigneurs, yous vous êtes fait bourreaux.

Il est inutile d'affliger nos lecteurs, en faisant ici le tableau des traits d'avarice et d inhumanité, dont se sont rendus coupables les différens supérieurs locaux de diverses maisons de charité (1). Il suffit de dire qu'ils avoient produit une telle fermentation intérieure dans l'ordre, qu'au dernier chapitre, en mai 1789, il a été impossible à

(1) Il y a dans certaines maisons de charité des pensionnaires pour lesquels on pave une pension tous les ans. Il en est d'autres pour lesquels ont a payé une somme une fois donnée; les moines appellent ceux-ci des forfaits. Le frère d'un prêtre habitué dans une paroisse de Paris, pensionnaire dans une maison de charité, avoit des attaques d'épilepsie si terribles, qui lui arrivoit des accidens graves. Une personne qui fur témoin d'une chûte que fit ce malade, dit au supérieur qu'il devroit prendre des précautions; que quelque our le malade se iueroit en tombant. Eh bien reprend froidement le moine, c'est un forfait.

Nous avons eu connoissance d'un compte des frais funéraires d'un grand-vicaire décédé dans une maison de charité; ils se montoient à cinq cents livres, et, vérification faite, l'ecclésiastique avoit été enterré avec deux cierges, sans qu'on cût célébré une messe ba se pour lui. Ce ne sont là que les moindres faits que nous pour

rions dévoiler.

No. 34.

* D

1

ces religieux de s'entendre Il a fallu que le roi nommât deux commissaires du conseil pour assister aux élections, et pour leur donner un réglement provisoire.

Un ordre déchiré, il y a six mols, par des factions, par des cabales, peut-il être aujourd'hui assez tranquille pour voter, d'une voix unanime, la conservation de l'institut? Les revenus et l'autorité étoient la cause des divisions; elles seroient donc éternelles, si le régime subsistoit; il n'y a en France que trente-deux hôpitaux de l'ordre de la Charité; il y a fort peu de sujets dans chaque maison. Cet institut ne suffiroit donc pas pour établir une administration uniforme des secours publics aux malades dans tous les districts et dans toutes les municipalités. Quel peut donc être le but de cette adresse du supérieur-général, sur lequel il faut que l'opinion publique se fixe un instant? Le voici : L'honnête frère Yves voudroit que l'on ne pourvût pas si tot au sort des religieux, qui veulent rentrer dans la société, qu'on lui laissât l'administration des biens de l'ordre, assez long-temps pour qu'il se fût procuré les moyens de vivre dans la société en ex-supérieur-général.

Visite des farines à l'Ecole Militaire.

Le sieur Vauvilliers se disant, on ne sait pourquoi, hieutenant de maire au département des subsistances, invita les districts à envoyer une députation pour examiner l'état des approvisionnemens. Cette vis te a eu lieu le 22 février dernier.

Le président des subsistances vouloit se procurer, à la veille des élections, un beau placard bleu, in genere laudativo, que ses amis et les créatures du ministère pussent colporter pour faire entrer le sieur Vauvilliers parmi les futurs municipaux ; parce que, si cela arriyoit, il ne faudroit qu'un mot

du ministre adoré à ces municipaux, pour que le département des subsistances fût de nouveau confié au professeur grec.

Il s'étoit imaginé vraisemblablement que la visite alloit se passer en complimens et en cérémonies. Mesdame la Fayette et Bailly s'y étoient rendues, M. Vauvilliers leur faisoit les honneurs de la salle d'assemblée: et les députés de la commune étoient debout, un d'eux cria à l'ordre, et M. Vauvilliers. s'approcha du bureau.

Dans un discours préparé, il rendit le tribut d'usage au ministre adoré, à M. Bailly. Les louanges qu'il leur donna ne le cédèrent qu'à celles qu'il se donna à lui-même. Il remémora ses travaux, oublia les dépenses, ne pria point du tout de bénéfice; il donna à eatendre seulement que tel étoit le détail de l'opération des subsistances, qu'un administrateur pourroit voler de fortes sommes sans qu'on s'en apperçût, ou du moins sans qu'on pût le lui prouver.

Après ce discours, les députés se transportèrent dans l'ale gauche de l'Ecole Militaire, à la suite du ministre adoré, qui assistoit à la visite, qui trouvoit tout à merveille, qui marchoit fort vite, pendant qu'une voix officieuse crioit de temps en temps aux députés: Allons, Messieurs, ne faites pas attendre M. Necker.

Le ministre des finances alla' ensuite dans la cour passer en revue les volontaires de la Bastille, qui font la garde à l'Ecole Militaire. Une partie les députés le suivit, l'autre resta dans les magasins, et s'obstina à vouloir visiter sérieusement le's provisions.

Il fut même fait une motion par un député pour qu'on passât dans l'autre aile qui n'avo't pas été ouverte. On eut quelque peine à trouver les porte-clefs. Ils arrivèrent, pourtant; et on trouva dans cette partie, outre de très bonne farine ea grande quantité, environ 4 à 5 sacs avais ; plus, un magasin particulier appartenint a u

employé qui fait du pain pour les ouvriers et pour les paysans des environs de Paris; plus, un magasin appartenant à l'école de boulangerie chargée du pain des prisons; plus, un atelier où l'on travailloit quelques farines maionnées.

Les députés demandèrent pourquoi les ouvriers ordinaires n'éto ent pas en activité un jour de visite. Il sembloit qu'on craignit qu'ils ne conversassent avec eux. Il leur fut répondu que le ministre adore, leur ayant donné pour boire, on leur avoit donné congé ce jour-là.

Quant il fallut en venir à la rédaction du verbal, quoique la quantité et la qualité des farines fussent satisfaisantes en général, les députés ne se trouvèrent pas d'accord sur la mesure de louanges qu'il falloit donner au sieur Vauvilliers. Ce n'étoit pas le tout, selon quelques-uns, d'avoir fait ramasser de belles et bonnes farines, il falloit encore savoir si l'achat, le transport, l'emmagasinement avoient été faits avec économie et au profit de la commune.

Les député se séparèrent. Une partie, dont quelques membres avoient, pour toute opération, été manger une matelotte au Gros-Caillou, signè rent un procès-verbal qui fut imprimé le lendemain, et répandu avec quatre-vingt six signature de députés des di tricts. Grandes et bruyantes réclamat ons contre éet imprimé. Le 26, le sieur Vauvilliers envoie une imissive non imprimée à ohaque district, dans laquelle il déclare que, par une etourderie inconcevable de copiste, on a inséré les signatures de vingt commissaires qui n'avoient pas réellement signé le procès-verbal de visite, et qu'on en avoit omis cinq.

Il falloit bien la petite omission pour pallier l'énorme ampliation des signatures. Or, sur cent vingt commissaires de districts, il reste donc qu'il n'y en a réellement que soixante-dix qui ont signé la pancarte louangeuse délivrée au sieur Vauvilliers,

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