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des aristocrates, expose ce qui lui reste à faire: Organiser l'armée, organiser le clergé, établir un systême d'impositions qui ménage l'agriculture et l'industrie, réformer l'instruction criminelle et les loix pénales, réformer le code civil, et organiser les tribunaux, former un code d'éducation nationale; voilà le terme de ses travaux.

On se demande tout de suite: combien d'années l'assemblée nationale compte-t-elle donc rester en exercice? La réformation seule du code civil n'estelle pas un ouvrage de longue haleine, et doit-elle être regardée comme une partie de la constitution? Une assemblée qui ne se regarde pas comme une simple législature, mais comme une convention nationale, pourroit-elle ne pas sentir que le retour de la confiance dans le commerce, dans les affai res, est attaché à la fin de son travail sur la constitution? et ne verroit-elle pas que, si elle doit prendre le temps nécessaire pour l'achever elle ne doit point s'en réserver pour tout ce qui ne seroit pas la constitution?

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Il faut, sans doute, qu'elle organise l'armée de manière qu'elle ne puisse pas devenir, dans la main du pouvoir exécutif, un instrument contre la liberté nationale; il faut qu'elle achève la destruction du clergé comme ordre pour faire des prêtres, de simples citoyens, ou des officiers de morale. Il faut qu'elle établisse la liberté individuelle, en décrétant constitutionnellement la procédure par jurés. Quant aux impôts, au code civil et à l'éducation nationale, elle ne doit pas entreprendre de régler pour toujours ces trois objets. La vie des députés actuels n'y suffiroit pas, et un trop long état de représentation pourroit devenir funeste à leurs vertus ; ils pourroient oublier à la fin qu'ils ne sont que de simples citoyens. Ils doivent donc se borner, sur l'impôt, à développer le principe de la déclaration des droits (1),

(1) Art. XIII de la déclaration des droits. Une contribution

et à appliquer l'article 15 de la constitution à l'état actuel des besoins de l'état (1), et pour un temps qui n'excède pas la moitié de l'exercice de la première législature à venir.

L'érection des nouveaux tribunaux est de néces sité indispensable, elle tient à la constitution; mais les loix particulières, selon lesquelles les contestations particuliè es doivent être jugées, sont hors de la constitution, et ne demandent pas la prolongation de l'existence du corps constituant.

Il en faut dire autant du code d'éducation. La législature actuelle doit se borner à poser les bases qui appartiennent à la constitution; mais les détails qui peuvent donner lieu à des loix particulières appartiennent aux législatures sui

vantes.

Il ne faut pas que les représentans actuels se dissimulent qu'ils trouveront, dans la formation des loix, des obstacles que leurs succèsseurs n'éprouveront pas ; ils ont au milieu d'eux une horde d'aristocrates qui ne sont que les représentans batards de la nation, ou plutôt qui ne la représentent point du tout. Et leur unique occupation, quelle est-elle ? De tendre sans cesse des piéges aux patriotes, d'embarrasser toutes les discussions, d'avilir le caractère des représentans, et de perpétuer enfin, à l'abri de l'inviolabilité, la vie de T'aristocratie.

Lorsqu'après avoir voté la somme des impôts nécessaires, après avoir constitué l'armée, réformé le

commune est indispensable à l'entretien de la force publique; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, à raison de leurs facultés.

(1) Art. XV de la constitution. Aucun impôt, ou contribution en nature ou en argent, ne peut être levé; aucun emprunt direct ou indirect ne peut être fait que par un décret exprès de l'assemblée des représentans de la nation.

Voilà tout ce qu'il peut y avoir de constitutionnel sur l'impôt.

clergé,

clergé, organisé les tribunaux et établi les jurés l'assemblée nationale actuelle aura appelé de nouveaux représentans, et qu'elle les aura elle-même installés dans la place qu'elle occupe aujourd'hui, elle aura été assez utile, elle aura acquis assez de gloire: tout ce qu'elle feroit au-delà seroit plutôt l'ouvrage de l'ambition que de la sagesse, du despotisme que de l'amour de la liberté.

Mais ce jour n'est pas près d'arriver; arrêtée sans cesse dans ses opérations par les manoeuvres des aristocrates, par l'intrigue ministérielle, par l'effervescence populaire, par des contestations particulières qui pourroient devenir générales, l'assemblée nationale ne peut achever que lentement la constitution; elle a donc raison de vous dire, citoyens : « Défiez-vous d'une impétueuse vi vacité, Votre lassitude est le dernier espoir des ennemis de la révolution. C'est pour la liberté ! vous avez donné tant de siècles au despotisme (1) » !

Et j'ajoute, citoyens, défiez-vous de votre ponchant à l'idolatrie. Ne vous avisez plus dorénavant de croire qu'un ministre puisse être l'ami dupeuple; un ministre n'est jamais que l'ami plus ou moins adroit du pouvoir. Défiez-vous des alléchemens du pouvoir exécutif; il a plus d'une fois réussi à forcer les peuples qui avoient repris leur liberté de se remettre sous son joug.

Mais ce qui est arrivé à des peuples ignorans et grossiers, peut-il arriver au peuplé le plus éclairé

(1) En Angleterre, les législatures sont de sept ans; les nôtres ne seront que de deux années. C'est un grand avantage de notre constitution sur la constitution anglaise. La fréquence des changemens dans la représentation esquive les effets de la corruption ministé– rielle; il semble que les citoyens les plus ombrageux sur la cause de la liberté, et les aristocrates les plus envenimés n'auront rien à dire, si l'assemblée, qui fait et qui établit la constitution, n'excède pas le terine d'une législature ordinaire.

No. 33.

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qui existe sur la terre? ne saura-t-il pas distinguer l'af freuse paix du despotisme, des orages de la liberté ? confondra-t-il les désordres inséparables du moment de la constitution avec le bel ordre de choses qui doit en résulter lorsqu'elle sera achevée. Amis et citoyens, il n'y a pour nous qu'un moyen de salut, quelque chose qui arrive, quelques suites qu'ayent les opérations actuelles de l'asse in blée nationale, quelque danger qui nous menace, quelque bonheur qu'on nous promette, quelque perte que nous éprouvions; je le repète, il n'y a qu'un moyen de salut c'est de nous rallier autour de nos représentans.

Nouvelle loi sur les émeutes.

Encore une loi martiale ! N'auroit-il donc pas suffi de revoir la première, de la corriger, ou d'y faire des additions, si elle est suffisante pour rétablir la tranquillité publique?

On se rappelle que, d'après la loi martiale, un officier municipal peut déployer toute la force militaire au premier attroupement apparent, en arborant un drapeau rouge. Supposez une partiodes officiers municipaux des principales villes vendus à l'aristocratie ou au ministère, supposez encore le ministère ou les aristocrates nantis d'assez de numéraire pour soudoyer des brigands ou la populace, afin de faire faire des attroupemens apparens; et vous voyez que la constitution et la liberté sont à leur discrétion. On ignore dans ce moment si les nouveaux officiers municipaux ne sont pas des aristocrates hypocrites, ou des suppôts du ministère. Les petites villes et les campagues ont fait des choix qui paroissent heureux, mais les grandes villes en général ne nomment aux places municipales que des marquis, des comtes des officiers généraux, et, qui pis est, des intendans. On conviendra que ce n'étoit pas le cas de concentrer la force publique dans les mains muni

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cipales. Cependant les circonstances ont amené l'assemblée nationale à faire une loi sur les émeutes. Voyons d'abord cette loi, nous parlerons ensuite des circonstances qui y ont donné lieu.

ARTICLE PREMIER. « Nul ne pourra, sous peine d'être puni comme perturbateur du repos public, se prévaloir d'aucuns actes prétendus émanés du roi ou de l'assemblée nationale, s'ils ne sont revêtus des formes pres-> crites par la constitution, et s'ils n'ont été publiés par les officiers chargés de cette fonction >>.

Il faut savoir, pour l'intelligence de cet article, qu'on a excité des particuliers à ravager et brûler des châteaux, à refuser le payement des impôts en faisant circuler de faux décrets de l'assemblée nationale, et de faux ordres du roi. Or, il arrivera toujours, toutes les fois qu'un législateur aura un fait particulier en vue, qu'il fera une mauvaise loi, Les peines contre les perturbateurs du repos public sont très-graves, et doivent l'être; il seroit fort dûr d'être traité comme tel pour s'étre prévalu d'un décret ou d'un ordre du roi qui n'existeroit pas, ou qui seroit faux, ou qui, n'étant pas faux, n'auroit pas été publié.

Supposons que l'on demande à un habitant de la Gascogne le payement d'un impôt ou d'un droit féodal; que cet habitant ait lu dans quelque gazette que cet impôt ou ce droit étoit supprimé, ou que quelques gens mal intentionnés ayent fait oirculer un faux décret qui le supprime; que ce citoyen l'ait lu, l'ait cru sincère et authentique, et qu'il s'en prévale pour refuser le payement de cet impôt, ou de ce droit, sans excès, sans violence, sans autre résistance enfin qu'un simple refus: traiterez vous ce citoyen comme un pertur bateur du repos public?

Voici un autre cas qui n'est plus une simple supposition; le fait existe. Les ministres ont néligé d'envoyer certains décrets dans plusieurs pro

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