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ble, et à être pendu en place de Grève, etc., et ledit greffier de retour de l'amende honorable dudit de Mahy de Faveras, nous avant rejoint dans l'une des salles dudit hôtel-de-ville publiquement, et les portes ouvertes; sur ce qui nous a été dit que le condamné avoit des déclarations à nous faire, nous avons ordonné qu'il seroit amené pardevant nous par l'exécuteur de la haute-justice.

Et nous a dit que pour l'acquit de sa conscience, il se croit obligé de nous déclarer qu'en ce moment terrible, prêt à paroître devant Dieu, il atteste en sa présence, à ses juges et à tous les citoyens qui l'entendent; d'abord qu'il pardonne aux hommes qui l'ont inculpé si griévement, et contre leur conscience, de projets criminels qui n'ont jamais été dans son ame, et qui ont induit justice en erreur. Le déni d'entendre ceux qui étoient propres à dévoiler l'imposture et les faux témoins, est peut-être en ce moment un reprocha qu'un malheureux condamné pourroit faire à justice, si, mieux éclairée, l'erreur ne se fut pas emparée d'elle, et un jugement effroyable qui condamne l'innocence, n'auroit pas souillé les lèvres qui l'ont prononcé, et les mains qui l'ont signé. Mais un aveu solemnel, qui méritera sans doute à un innocent la compassion d'un peuple qui semble jouir de sa misère et de son infortune, est l'aveu qui va suivre.

Ni cu Juillet, ni en Septembre, ni en Octobre, quand je me suis adressé à M. le comte de Saint-Priest, aucune action de ma part, propos ni projets, n'a pu donner lieu aux corspirations effroyables qui m'ont été imputées pour enlever le roi, détruire l'assemblée nationale, et faire périr trois des principales têtes de l'état. Je jure, au contraire, devant Dicu, que j'ai plusieurs fois blàmé non pas directement, ceux qui ont formé de pareils projets, car je ne les ai pas connus, mais même l'idée de parcils projets, particulièrement de violences contre le roi, convaincu que jamais il ne devoit quitter sa rési– dence ordinaire, et qu'il auroit fallu l'y maintenir plutot que de l'en enlever. J'ai professé ouvertement cette façon de penser par cette considération, et sans aucune intelligence préalable ni préméditée. J'ai consuni, le cinq Octobre, sur la demande de la pluralité de ce qui étoit aux appartemens du roi, et avant que l'on fût certain si la milice nationale de Paris se rendroit effectivement à Versailles. J'ai consent, dis-je, à m'airesser à M. de Saint-Priest,

Saint-Priest, pour lors au cabinet du roi, dont il est sorti pour me parler, afin de lui demander si on pourroit user des chevaux des écuries pour enlever l'artillerie d'une multitude armée qui occupoit l'avenue de Paris, et qui menaçoit la tranquillité de Versailles pendant la nuit. Cette demande ne pouvoit avoir son exécution que dans le cas où M. de Saint-Priest y auroit consenti par la permission du roi; elle étoit tellement innocente, que je ne suis pas en état de nommer un seul de ceux qui m'ont engagé à la faire. Dieu m'entend, et je dis vrai. Cette demande cependant, venue à la suite d'une dénonciation déjà faite à M. le marquis de la Fayette, et par laquelle je lui avois déjà été représenté comme un conspirateur, par un homme dont je n'étois pas connu paroît être devenue un premier indice de suspicion qui a fortifié cette prévention; elle étoit mal - fondée. Le moment de la demande passé, il n'a plus été question de rien. C'étoient de grands ennemis du bien public, et particulièrement du roi, qui avoient excité cette insurrection du cinq Octobre ces ennemis, disoit-on de toutes parts, vouloient la destruction entière de la famille royale. J'aimois mon roi, je mourrai fidelle à ce sentiment, il m'a vivement affecté; mais aucun moyen en moi, ni volonté, n'a été d'employer des mesures violentes contre l'ordre des choses nouvellement établies. Je n'ai point de pension, aucune grace personnelle, mes intérêts, ceux qui attendent les miens sont en pays étrangers; je ne perdois rien avec le nouvel ordre des choses, je ne pouvois espérer qu'y gagner personnellement; mais le roi conduit à Paris, la faction qui lui étoit contraire, ne perdoit pas de vue, que le coup prémédité à Versailles avoit été manqué. Pour y donner de la suite, et dans l'intention de l'effectuer, on a travaillé le peuple, afin d'y fomenter les troubles qui, au mois de Novembre, ont menacé la ville de Paris d'une insurrection nouvelle. A cette occasion, un grand seigneur, d'une maison qui marche après celle de nos princes, et attaché par état à la cour, ayant désiré ne parler, parce que, disoit-il, toutes les trames lui étoient connues, je fus chez lui; dans la première conversation, il dit que la manière dont j'avois voulu garantir les jours du roi à Versailles, le cinq Octobre, lui avoit donné une haute dée de mon attachement à sa ma esté que, si j'avois quelques moyens de préNo. 33.

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venir le coup terrible dont elle étoit menacée, il me prioit de m'y employer, pour préserver les jours du roi, qu'il regardoit dans le plus grand danger, et que, si je pouvois comoître le degré des troubles dont le faubourg Saint-Antoine paroissoit agité, il me prieroit de l'en informer; qu'étant vo sin de ce faubourg, j'aurois plus de moyens que lui de savoir ce qui s'y passe. Quelques réflexions de ma part, sur cette inquiétude le mirent dans le cas de m'assurer qu'il connoissoit la cabale; et enfm, sans rien me demander autre chose que de l'informer de l'état où j'apprendrois être les apparences d'insurrection du faubourg Saint-Antoine, il me dit que, sachant que je n'étois pas riche, et la recherche de ce connoissement pouvant me devenir dispendieuse, il m'offroit cent louis, pour les instructions que je pourrois lui donner que ma délicatesse ne devoit pas souffrir de les accepter; qu'il me les donneroit en lieu propre à lever tous scrupules. Et enfin, pour les lever, il m'invita à me rendre chez le roi, le soir du même jour où il me les remettroit, après que sa majesté auroit donné l'ordre. Je me suis rendu au rendez-vous; ce seigneur s'y trouva de même; en sortant du cabinet du roi, il me remit les cent louis, en deux rouleaux de vingtcinq doubles chacun. Nous descendîmes ensemble du château; il me conduisit dans son cabriolet jusqu'à la rue Vivienne, dans la rue des Petits-Champs: et, chemin faisant, il ne cessoit de m'entretenir des dangers imminens que couroit la vie du roi, si l'insurrection avoit lieu. Ce seigneur ne me dit point que les cent louis venoient de sa majesté, mais bien tout ce qu'il faut pour y faire croire; et on ne peut disconvenir que toutes les apparences y étoient. Je le répète encore, il n'étoit question de rien autre chose, que de l'apparence plus ou moins grande, et des progrès de l'insurrection appréhendée. Je lui promis donc tout mon zèle. Je ne manquai pas à prendre les informations nécessaires. Les mouvemens étoient grands; mais je ne les ai jamais jugés dangereux, et je le lui ai dit. Lui; au contraire, me regardant mal informé, considéroit le danger toujours plus imminent, et au point qu'il cessa de coucher dans son hotel pour, me ait-il, être plus près du roi, ayant une chambre aux Tuileries, près de sa majesté, où il passoit toutes Jes nuits. Quelques jours après, moi, cherchant toujours à le rassurer, parce que je savois qu'il avoit

tenn la famille royale sur pied toute la nuit, il me dit ces propres paroles : « Vos informations sont mauvaises, Tinsurrection aura lieu; elle se portera vers les Tuileries. La vie du roi est dans le plus grand danger. Je sais, de science certaine, que, s'il a peur, et qu'il sorte de son appartement, il y a ordre de tirer dessus ». Je. frémis à ce récit, et il me le répèta deux ou trois fois; je fus toute la journée hors de moi. Je fus, le soir au faubourg Saint-Antoine; je me mêlai dans plus de vingt pelotons de gens attroupés, et j'entendís de toutes: paris, sans que personne ait pu m'en expliquer la cause que le tumulte se porteroit sur les Tuileries. Me trouvant fortifié, pour lors, dans la terreur qui avoit été imprimée à mon ame du fanatisme qui menaçoit les jours du roi, je rentrai chez moi très-effrayé. C'étoic le même jour que s'y trouvèrent les sieurs Turcati et Morel, et il ne faut pas s'étonner si je leur témoigna de l'inquiétude. Il ne fut dit que cela, et point parlé de complot; et peut-être que, si je n'avois pas en l'espoir d'appaiser, de quelqu'autre manière, l'insurrection appréhendée, je leur aurois proposé de m'aider par les moyens qu'ils m'avoient dit être en eux, pour me servir dans l'occasion; service qui se rapportoit à des pays étrangers; mais pour lors il n'en fut point question, et je ne les réclamai pas de ces deux hommes, à qui je pardonne, et à qui je souhaite que Dieu pardonne égafement leurs impostures. L'un m'a accusé, ce jour-là même, d'un long détail de conspiration. L'autre l'a nié. Mais le lendemain, voulant tenter de calmer le peuple du faubourg, et la nuit s'étant passée plus calme que je ne l'aurois dû supposer, je m'adressai au curé de Sainte-Marguerite, comme un digne et honorable pasteur, pour m'informer de lui s'il ne connoissoit personne en état de calmer le peuple, et de l'inviter à la paix: if m'a dit que non; ce qui me causa beaucoup de peine. D'un autre côté, je travaillois à rassurer la famille royale par mes rapports, ils furent toujours justifiés par l'événement; de sorte que ce seigneur, qui la tenoit dans des craintes beaucoup plus considérables, n'étoit plus cruc j'observe que ce seigneur n'est point M. le comte de la Châtre, mais un seigneur d'un rang beaucoup plus élevé. Ce fut dans ce même temps qu'inopinément, et par hasard ; je fus invité à m'informer du sieur Marquié, de quelques circonstances relatives au 6 Octobre: on

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étoit persuadé que le salut de la famille royale lui étoit dû qu'il avoit aussi empêché le massacre général des gardes-du-corps; et je trouvai dans cet officier des sentimens si honorables, que, vu la crise du moment, je crus ne pouvoir mieux faire que de le sonder sur la disposition de sa compagnie des grenadiers, afin d'empêcher l'approche des Tuileries en cas d'insurrection. Mon motif étoit pur, et il me mena à quatre conversations avec ce même officier, sans autre motif que de prévenir les malheurs des jours du roi. Je n'ai jamais eu d'autre intention. Le plus grand détail de ce que j'ai fait, à cet égard, est consigné dans un mémoire qui auroit dû paroître imprimé il y a plusieurs jours, et dont je n'ai eu que fort peu d'exemplaires hier au soir à près de dix heures. Je prie ceux des citoyens qui m'entendent, et à qui ce détail vrai peut causer quelqu'impression, d'y rechercher l'innocence d'un homme qui va mourir tout-à-l'heure, de le plaindre comme une victime dévouée, mais parfaitement résignée, et de se pénétrer de cette autre vérité, que les mouvemens de l'insurrection n'ont fini qu'au même moment où j'ai cessé de voir le sieur Marquié, puisqu'alors je n'avois plus aucun motif pour le rechercher; que d'ailleurs je n'avois communiqué à personne, pas même au seigneur dont j'ai parlé, ma conduite envers le sieur Marquié; et que ce même seigneur, vers ce même temps où j'ai cessé de voir ledit sieur Marquié, me dit, en présence d'un témoin, que, Dieu merci, ses alarmes commençoient à cesser; que le roi ne tarderoit pas à recouvrer l'autorité légitime qui lui appartient, sans aucune crise ni convulsion populaire; qu'il ne s'agissoit pour cela que de faire un connétable, et de donner un nouveau commandant à la milice de Paris. Je fis peut-être une réflexion qui n'a pas été ajoutée; savoir, que l'un et l'autre étoient trop jeunes pour leur destination respective, car on me tourna le dos, en me témoignant du mécontentement. Depuis ce jour, je n'ai plus vu ce seigneur qu'une seule fois chez lui, où il me déclara qu'il me prioit de ne plus venir, parce que je devenois suspect. Je m'en suis, en effet, abstenu; il n'avoit jamais été, entre nous, question de toutes ces conspirations détestables. Cette déposition fait voir le principe de ma conduite, qu'elle étoit muc par un agent visible, et par mon amour pour mon roi, sans que j'y aie été poussé par aucune mission directe. Je n'avois que

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