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vique. Le lendemain, il demanda qu'il fut fait lecture du discours du roi, et il fit la motion (1) que, sans attendre l'organisation du pouvoir exécutif, le roi fût investi d'un pouvoir absolu. Il en donna pour motif les justes sollicitudes du roi sur les désordres qui affligent le royaume. Or, quels étoient les désordre qui affligeoient le royaume à la fin de janvier et avant le 4 février? Il n'étoit question, à cette époque, ni de troubles, ni d'émeutes. Chaque ville, chaque canton, se signaloit, au contraire, par divers actes de patriotisme.

Ce n'est que le 7 février qu'arriva à Lyon l'affaire des volontaires; et c'est le premier désordre dont on ait ouï parler à cette époque. Examinez maintenant, citoyens, la liaison des faits qui vont suivre. Le ministère et les Malouétins ayant manqué leur coup, parce que les députés patriotes ont demandé la continuation du travail sur la constitution, on apprend tout d'un coup que des châteaux de ces patriotes sont menacés par les brigands, qui qui sont précisément des Piémontois, c'est-à-dire, des gens envoyés d'avance par les traitres réfugiés en Piémont, ou partis de Paris ad hoc.

Au même moment, le garde des-sceaux fait par venir à l'assemblée un mémoire désespérant, où

peint toute la France livrée aux plus affreux ravages, et où il ne cite pourtant qu'un seul fait, une émeute arrivée à Beziers, dans laquelle le peuple a pendu cinq commis. Ce fait, dont il y a eu malheureusement des exemples, dans le temps où le pouvoir exécutif étoit despotique, où le ministère étoit absolu, joint à quelques autres faits qui ne prouvoient rien que des refus de les rayer droits féodaux, refus fondés sur de faux décrets,

(1) Si quelqu'un doutoit que cette motion ne fut concertée entre le ministère et les Malouétins, qu'il lise les écrits des impartiaux et le discours du roi; il verra un rapport frappant dans les idées, et même dans la manière de les rendre. Vide le dialogue de l'impartial et du patriote, No. 31, p. 21.

No. 33.

C

sur de faux ordres du roi, répandus dans les campagnes; voilà ce qu'on a présenté à l'assemblée, comme des motifs suffisans de conférer au roi la dictature pendant trois mois, et de suspendre la responsabilité des ministres.

Le croira ton? Comment les Malouétins excusoient-ils une demande aussi extravagante, aussi dangereuse pour la liberté publique et individuelle ? Les vertus du roi !.... Ils ne respecteront rien; ils profaneront tout; ils abuseront de tout: comme si les vertus du roi nous garantissoient celles de ses ministres comme si nous n'avions pas de justes sujets de regarder ceux-ci comme les ennenis cachés de la révolution et du mode de la constitution comme s'il n'étoit pas évident que les ministres adorés, les ministres citoyens, les ministres patriotes, n'ont jamais voulu autre chose, sinon que l'assemb ée nationale fùt, dans leurs mains, un in trument passif pour travailler le peuple qu'il n'étoit plus possible de pressurer, de torturer, par les ressources de l'ancien régime.

On a bien vu, par la chaleur avec laquelle les Malouétins ont soutenu le projet de dictature, tantôt absolue, tantôt mitigée, qu'il y avoit un coup monté, et que le ravage des chateaux patriotes n'avoit pas d'autre objet que de faire donner les députés patriotes, têtes baissées, dans le piége.

Une preuve évidente que les troubles ont été excités pour donner lieu à la loi de la dictature, pour forcer l'assemblée nationale de se mettre à T'abri du pouvoir exécutif, c'est que par-tout les citoyens se sont portés avez zèle à les apaiser, et que l'assemblée nationale avoit reçu, avant que la loi sur les émeutes fût décrétée, la preuve que ces troubles étoient finis. Ils n'étoient donc point l'effet de l'agitation générale des esprits (1), mais

(1) Nous avons eu occasion de converser avec des Anglais qui venoient de parcourir à pied une partie de la.

d'une combinaison scélérate, pour forcer l'assem blée à armer les mains des ministres d'un instrument avec lequel ils pussent ou renverser la constitution, ou la tailler à leur gré.

Et voici maintenant le but ultérieur de cette intrigue, qui n'a pu être entièrement développée, parce que la sagesse de l'assemblée nationale l'a fait échouer, en décrétant, au lieu de la dictature, une loi sur les émeutes.

Si les alarmes données par le discours du roi. par le mémoire du garde-des-sceaux, par le ravage des châteaux des patriotes, eussent tellement troublé les esprits, qu'on eût investi le roi du pouvoir absolu, ou presque absolu, le ministère qui a mis en réserve tout le numéraire, qui a accaparé l'or que les provinces ont envoyé au trésor royal, et celui qui a été fabriqué, auroit rétabli sur le champ la circulation; il nous auroit fait passer rapidement de la pénurie la plus entière, à l'abondance la plus flatteuse, afin que la comparaison de l'état où nous aurions été sous l'empire absolu du pouvoir exécutif, avec notre état actuel, nous eût portés à murmurer contre les opérations de l'assemblée nationale, et à préférer le gouvernement ministériel à la constitution, Il est probable que la plus grande partie des citoyens eussent été dupes de ce tour de gibecière; et que, quand

France. Ils nous ont affirmé qu'ils avoient trou, & par-tour une paix profonde, et qui leur paroissoit un problême dans un moment de révolution. Le peuple leur a paru moins affligé qu'ils ne l'auroient cru de la cessation du commerce et des travaux; il est très-occupé des nouvelles idées. Ils ont remarqué que le patriotisme étoit quelquefois trop exalté, et pas assez soutenu; ils ont vu que le peuple français n'avoit d'autre ennemi à craindre que son propre caractère. Trop de chakur, et point assez de tenue; point de cette sainte opiniâtreté contre les obstacles, qui fait la base du caractère des Romains des Suisses et des Anglais.

* Ca

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l'assemblée auroit voulu retirer au pouvoir exécutif cette autorité absolue, le peuple lui même s'y seroit opposé, et qu'elle se seroit vue forcée de se dissoudre, ou de ne continuer ses travaux que sous l'inspection des ministres, et conformément à leurs

vues.

Le projet est avorté pour le moment; mais il n'est pas abandonné. Le coffre royal reste toujours fermé sur les écus que produisent la fabrication, la perception des impôts, qui ne se payent ni à Paris, ni dans le reste du royaume, en billets de caisse (1). Il suffira d'exciter de nouveaux troubles pour revenir sur le projet de la dictature, et la continuation de l'accaparement de l'argent suffira seule pour les faire naître. Cette grande demande d'une loi contre les émeutes, cet éclat sur la non-perception de quelques impôts indirects, auront du moins servi à masquer la recette effect ve qui, depuis trois mois, s'engloutit dans le trésor royal

Eh bien! citoyens, quel parti allez-vous prendre? Nous n'en avons qu'un à vous conseiller : la patience. Voyons qui sera le plus constant, ou du peuple dans la vertu, ou des accapareurs d'argent dus le crime; l'excès même des maux en amenera nécessairement le terme ; et malheur aux coupables!

Serez vous assez fous pour imputer la détresse actuelle à l'assen.blée nationale, qui n'a ni coffres, ni receveurs généraux, ni receveurs particuliers,

(1) Un receveur-général, ayant à verser une soixantaine de mille livres dans les premiers jours de cette semaine, s'avisa de retenir deux mille écus, et d'y subs-tituer six billets noirs. On les retusa au trésor-royal, parce qu'il n'avoit point reçu ces billets de la province, et qu'il devoit verser en nature ce qu'il avoit reçu. Ce fait nous a été certifié par deux personnes.

ni commis de barrières, ni douanes, ni ferme générale ?

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Serez-vous assez aveugles pour ne pas voir qu'elle a déjà réduit les dépenses de tous les départemens de plusieurs millions; qu'elle a rogné les exécrables pensions qu'on payoit avec votre sang; qu'elle a augmenté la masse des recettes par position des privilégiés? Or, si d'un côté les dépenses sont moindres, et que de l'autre les recettes soient soutenues,par compensation, au même point, ne balancez jamais, entre des hommes qui vous avoient fait éprouver tous les maux possibles pendant plusieurs siècles, et ceux qui, ea peu de mois, vous ont préparé tant de biens.

Nous apprenons dans ce moment que l'assemblée vient de décréter une réduction provisoire de 60 millions sur les dépenses du trésor public (1). Elle a décrété, dans la séance précédente, Tabolition du droit d'ainesse, droit absurde, contraire à la nature, aux bonnes mœurs et à la saine politique. Si ces deux grands avantages aliènent les cœurs de quelques grands et des aînés, ils doivent attacher de plus en plus à la révolution le peuple et les cadets. Plus de guerres intestines entre les frères, plus de malheureux sacrifiés aux courtisans. Citoyens, tenons ferme, et nous nous régénérerons entièrement.

Nouveaux détails sur le marquis de Faveras.

La condamnation et le supplice du sieur de Faveras offriront plus d'un problême à l'histoire, plus d'un sujet d'étonnement à nos neveux. Ils en causent beaucoup à ses contemporains. Des aristocrates le condamnent, des patriotes le croient innocent ; une partie du peuple a battu des mains pendant son supplice, et a crié bis après son exécution; une

(1) Séance du vendredi 26 février.

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