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vinces. Il en est même qui n'avoient pas reçu, il y a huit jours, celui de la contribution patriotique. Si un citoyen a connoissance d'un décret sanctionné, mais qui n'ait pas été publié par les officiers du lieu, le ferez-vous punir comme perturbateur du repos public, parce qu'il se prévaudra d'un décret existant, et dont la non-publication sera l'effet de la négligence des municipaux ou de la fraude ministérielle ?

Se prévaloir est un mot vague qui, d'après la lettre de la loi, pourroit donner lieu à une foule de vexations. Si l'on veut sentir toute l'absurdité de cette rédaction, il fant exprimer l'esprit de l'article, et le voici. « Nul ne pourra se prévaloir pour brúler les cháteaux, pour rosser ou pendre les commis, d'aucuns actes prétendus émanés du roi ou de l'assemblée nationale ». Auroit-on osé rédiger ainsi l'article? Il n'a cependant pas un autre

sens.

ART. II. « Le discours du roi, l'adresse aux Français, les décrets, seront envoyés aux curés, avec injonction d'en faire lecture au prône, la proclamation publice au prône, et affichée sans frais >>.

Le rédacteur (1) du discours du roi n'a-t-il point

(1) Le rédacteur, va-t-on dire, ch! qu'importe le rédaeteur? Le roi s'est tout approprié en prononçant le discours. Eh! bons citoyens, vous ne savez pas encore qu'un discours public, prononcé par l'agent inviolable du pouvoir exécutif, pourroit causer les plus affreux malheurs; qu'il faut par conséquent que ces sortes de discours soient toujours censés l'ouvrage des agens responsables du pouvoir exécutif. Supposez un roi parcourant les villes, prêchant contre la constitution, et alléchant le peuple par la promesse des plus belles réformes et d'un gouvernement modéré. Qui faudroit-il punir des discours de ce roi? Ses ministres; ainsi le veut le salut des peuples.

mêlé aux sentimens du monarque quelques phrases ministérielles, dont les bons habitans des campagnes pourroient être dupes? N'y a-t-il pas inséré certaines louanges aigres-douces, qui ne sont pas propres à raffermir la confiance du peuple dans ses représentans? Et ces critiques placées dans la bouche du roi ne feront-elles pas une impression d'autant plus défavorable, qu'elles sont réunies aux expressions les plus affectueuses de son amour pour le peuple?

Cet envoi prouve du moins la bonne foi, la candeur de l'assemblée nationale.

ART. III. « Les officiers municipaux employeront les moyens qui sont à leur disposition pour la protection efficace des personnes et des propriétés, et pour prévenir les obstacles qui seroient mis à la perception des impôts; et si la sûreté des personnes et des propriétés étoit mise en danger par des attroupemens séditieux, ils seront tenus de publier la loi martialè ».

Attroupemens séditieux! il ne s'agit donc plus. des attroupemens apparens? Cet article doit être regardé comme une correction à l'article premier de la loi martiale. Quant à l'exhortation adressée aux officiers municipaux d'user des moyens de confiance, elle ne peut que déparer une loi. Si ces officiers sont de bons citoyens, l'exhortation est inutile. Si ce sont des aristocrates, ils ne chercheront qu'à laisser eroître le trouble.

ART. IV. « Toutes les municipalités se prêteront mainforte. En cas de refus, elles seront responsables des dommages ».

ART. V. « Lorsque, par un attroupement, il aura été commis quelque dommage, la commune en répondra si elle a été requise, et si elle a pu l'empêcher, sauf le recours contre les auteurs de l'attroupement; et la responsabilité sera jugée par les tribunaux des lieux, sur la réquisition du directoire du district >>

Dans le premier de ces deux articles, ce sont les municipalités qui sont tenues de s'entr'aider, ce sont elles qui sont responsables des dommages. Dans l'autre, ce sont les communes et non les municipalités qui sont responsables des dommages.

Le premier de ces articles est dans le systême général des loix proposées par le comité de constitution. Dans les décrets sur les municipalités, les officiers municipaux sont tout, et les communes ne sont rien absolument; elles n'ont pas même le droit de s'assembler pour délibérer sur la chose commune. La seule assemblée de la commune autorisée par la loi est celle d'après la Saint-Martin, pour les élections; il s'ensuit que les assem. blées, que les communes feroient pour obvier à quelqu'émeute ou à quelqu'attroupement, seroient illégales, et pourroient être traitées comme des émeutes et des attroupemens.

Admirez l'équité de ce système de législation. S'agit-il de délibérer sur les achats, les ventes qui intéressent 'universalité des habitans, sur l'emploi de leurs fonds, sur leurs établissemens publics, sur leurs droits, la commune ne mérite pas d'être assemblée, consultée, interrogée ? La municipalité et le conseil général ont assez de sens, de raison et d'activité. Mais s'agit-il de réparer un dommage de payer une indemnité à un habitant dont les possessions ont été dévastées ? Oh! ce n'est plus la municipalité ni le conseil général que cela regarde, c'est la commune.

Payer, toujours payer, voilà le lot de la masse des citoyens; jouir de l'autorité et gaspiller les fonds publics, voilà celui de tous ceux qui auront quelque portion d'autorité. Il n'y a pas de loix pires que celles qui tendent à des points différens. En assujettissant les communes au payement des dommages, qu'a-t-on voulu faire ? on a entendu porter les citoyens à se surveiller les uns les autres, à se prêter secours mutuellement, à défendre la propriété d'un seul, comme si elle étoit la pro

priété de tous; on a voulu faire nattre un esprit public. Mais qu'a-t-on fait, en ne donnant aux communes que le droit d'élire des officiers et des représentans? On les a dispensés de tout soin sur la chose publique, on les a affranchis de toute sollicitude générale; on a fait, de ces prétendus citoyens actifs, des machines payantes et élisantes. L'autorité municipale émane incontestablement des communes ; une commüne assemblée doit donc avoir une autorité supérieure à celle de la municipalité. C'est cette autorité supérieure qui a été paralysée par la création des conseils généraux des communes, et c'est cette autorité qu'il faut leur rendre, ou il faut les affranchir de la responsabilité des dommages qui pourront être causés par les émeutes.

On veut que les communes ne pensent que par l'esprit des officiers municipaux, ne voyent que par leurs yeux, n'agissent que sur leurs ordres. Eh! ce ne sont pas ces officiers municipaux, ce sont les communes que l'on accable du poids des dommages qui résulteront de leur négligence, de leur impéritie, ou de leurs prévarications.

L'article dit bien, que les communes ne seront responsables qu'autant qu'elles auront été requises,etqu'elles auront pu empêcher le dommage. Requises par qui? requises comment? Sont-ce les officiers municipaux, sont-ce les citoyens en dangér qui ont le droit de requérir la commune? Sera-t-elle requise par le tocsin, au son du tambour, par des placards? Les citoyens qui se seront rendus à la réquisition, qui se seront portés au danger, qui auront fait tous leurs efforts pour apaiser ou arrêter l'émeute, seront-ils compris dans la répartition du montant des dommages et intérêts? La loi reste muette sur tous ces points. Ainsi' nous pourrions voir quelques jours les veuves ou les enfans de ceux qui auroient été tués dans une émeute, en voulant la réprimer, imposés comme mem

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bres de la commune, pour réparer le dommage que les séditieux auroient causé.

Un autre inconvénient de cette loi, c'est qu'elle déprave les idées des citoyens ; ce ne sera plus par fraternité, par civisme, par amour pour les loix, qu'ils se secoureront les uns les autres, c'est parce qu'il faudroit payer, s'ils ne se secouroient pas. Observations sur les circonstances qui ont donné lieu à la loi sur les émeutes.

Toutes les fois que le pouvoir exécutif parle au peuple ou à ses représentans, on peut être sûr qu'il demande de l'argent ou des soldats. Son premier moyen est toujours d'effrayer, de jeter l'alarme dans les esprits, parce que les alarmes empêchent de réfléchir sur le parti qu'on peut prendre dans les cas urgens.

Nous étions dans une sécurité assez entière sur la disposition générale des esprits. Nous n'étions inquiets que de la disparution du nnméraire, dont la cause n'est pas trop cachée, et nous attendions assez paisiblement la fin de la constitution, lorsque le ministère est venu jeter l'épouvante dans tous les cœurs, par la première phrase du discours du roi. « La gravité des circonstances où se trouve la France, les mécontentemens, les oppositions, les haines, les dissentions, la situation critique des finances, les incertitudes sur la fortune publique, l'agitation générale des esprits » ; tout cela n'étoit encore, en majeure partie, qu'une longue et pénible énumération de mots, le 4 février.

M. Mallouet avoit, comme on sait (1), sa motion en poche, tout prêt à profiter de l'émotion que devoit causer le discours du roi; il ne put la proposer le même jour, à cause du serment ei

(1) Vide N°. 31

vique.

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