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une députation militaire d'une partie des districts accompagnoit chaque drapeau. Les trois cents mandataires provisoires de l'hôtel-de ville, M. Bailly à leur tête, suivoient, entourés des gardes de la ville; ils sont arrivés vers midi à NotreDa se.

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Une demi-heure après l'assemblée nationale est arrivée, precédée et escortée comme les trois

cents.

Le peuple a espéré jusqu'au dernier moment que le roi assisteroit à cette cérémonie. Il n'y est point venu. Chacun a cherché à en deviner les raisons, et voici l'opinion qui s'est le plus accréditée. Les aristocrates, disoit-on, l'avoient fait prévenir que, s'il alloit à Notre-Dame, il y seroit couronné par l'a semblée nationale; que c'étoit un acte à éviter, afin de ne pas reconroitre qu'il tenoit la couronne de la nation et non de Dieu et de ses ancêtres.

Ce qui avoit pu donner lieu à cette opinion, que le peuple s'étoit faite très-promptement, c'étoit peut-être qu'ua de ces misérables papiers-nouvelles, à deux sous, dont le plus grand nombre est vendu à l'aristocratie, portoit que ce jour-là la constitution seroit signée par le roi sur le maitrc-autel ( 1 ). Quoi qu'il en soit, le peuple a gardé un silence morne pendant toute la cérémonie, pendant toute la marche; ce qui prouve mieux que tout ce qu'on sauro i dive combien ce Te Deum étoit déplacé.

Une des principales raisons qui a contribué à la stupeur populare, c'est que rien dans cette cérémouie n'indiquoit qu'il y avoit eu une révolution. L'else n'étoit point ouverte aux pauvres comme

(1) Une preuve non équiveque que le fabricant de ce papier-nouvelle est un des valets de l'aristocratie, c'est que les impartiaux l'ont loué dans le N°. 2 de leur journal. Is Pont loué sur sa modération, et il n'y a pas de jour que ce malheureux ne fasse crier dans les rues, combas sangl at grand combat, malheur affreux, émeue considérable, &c... Au reste, il est bien digne en tout de la cause qu'il sert.

aux riches; il falloit des billets pour y entrer, comme il en falloit pour les cérémonies qui avoient lieu avant la révolution. C'étoit autrefois les créatures, les valets du lieutenant de police, ses commis, les femmes des commis, les financiers, les seigneurs, qui obtenoient ces billets. Il en étoit de meine lors de ce Te Deum patriotique; les repré'sentans de la commune n'y avoient appelé que leurs amis ou leurs protégés. Comme avant la révolution, les gens en place étoient tout, et le peuple rien. Aussi ce n'étoit point une fête pour le peuple; c'étoit un spectacle qu'on lui donnoit; et, comme cela devoit être,il en a été fort peu ému, fort peu intéressé.

Si les représentans de la commune n'eussent pas invité l'assemblée nationale à cette cérémonie, il y auroit eu séance le matin; et elle auroit fait quelque travail utile. Or, en ajoutant les honoraires des députés pour ce jour aux frais qu'a coûté le Te Deum, et à la dépense de l'illumination générale, il y auroit eu sûrement une somme assez forte pour soulager une grande partie des indigens de cette ville.

On assure que l'illumination de l'hôtel-de-ville a seule coûté près de 20,000; il est vrai qu'elle offroit aux regards, par des transparens, les plus beaux endroits du discours du roi; mais il y avoit assurément une manière moins dispendieuse de les lui apprendre.

Avant la révolution, une pareille journée auroit transporté tous les Parisiens; ils auroient été ivres de joie sans savoir pourquoi; ils se seroient réjouis même d'entendre les salves du canon de la Bastille. Dimanche dernier, ils étoient froids, muets; ils observoient, ils sembloient reprocher aux administrateurs qui passoient sous leurs yeux une dissipation aussi désespérante qu'inutile des fonds publics.

Le peuple commence à savoir que c'est lui qui paye tout, et toujours. Il deviendra donc de plus en plus moins curieux de ce qu'on appelloit réjouis

sances publiques, réjouissances ordonnées, et qui n'ont ordinairement pour principe qu'une lâche adulation.

I semble qu'il seroit juste, avant de dépenser l'argent d'une commune enréjouissances publiques, de savoir si elle veut se réjouir; et, pour cet effet, il faudroit consulter la volonté générale. Les administrateurs qui ont toujours quelque chose à ga-* gner à ce qu'il se fasse de la dépense, en ordonneront souvent, s'ils peuvent les ordonner impu nément. Il est bien démontré que des députés ne peuvent pas représenter la volonté générale; à plus forte raison, ne peuvent-ils pas représenter l'affection générale, et ordonner que le peuple se réjouisse, quand il ne veut pas se réjouir.

Au reste, le spectacle qu'a présenté la marche de deux assemblées a distrait assez les esprits, pour qu'on n'ait pas paru penser aux mascarades, aux orgies, aux folies qui avoient lieu, à pareil jour, les années précédentes. Ila'y a point eu de courses de masques le lundi ni le mardi, et le peuple n'a pas paru les regretter. Il a senti toute l'absurdité de cette monstrueuse contume, et il faut espérer, pour notre honneur, qu'elle ne se reproduira plus: ce sera encore un des fruits de la révolution.

Le mardi matin, M. de la Fayette a passé en revue une assez grande partie de la garde nationale aux Champs-Elysées; il y a eu une trèsgrande affluence de citoyens de toutes les classes. Il faut convenir que, dans un temps de révolution, il ne pouvoit pas y avoir de spectac'e plus inté ressant que celui que présentent de braves bourgeois armés pour la liberté, même en uniforme.

Suppression absolue des Ordres Religieux.

Si la suppression des ordres reli ieux n'est pas, comme quelques personnes le prétendent, une bonne opération en finances, elle est au moins excellente en politique. Les moines formolent un

état au milieu de l'état; ils n'avoient ni ne pou voient avoir de patrie. Ils pouvoient donc, à chaque instant, devenir des instrumens de troubles; dévoués entièrement aux volontés despotiques d'un supérieur, accoutumés à regarder ses ordres comme des loix plus impératives que les loix générales, qu'ils étoient même censés ne pas connoître, les religieux répandus sur toute la surface du royaume pouvoient facilement former ou servir une conspiration contre l'état: il falloit donc les supprimer.

Il ne peut y avoir dans l'état aucun établissement qui ne soit pour le bien général, et dont l'existence ne soit maintenue par la volonté gés nérale. Si les moines n'étoient pas utiles à l'état, ou simplement si la volonté générale n'étoit plus pour la conservation des ordres religieux, il falloit les supprimer. Or, jamais peut-être la volonté générale n'a été plus certaine sur quelque point, sans toutefois avoir été constatée. Depuis vingt ans, la suppression des couvents étoit ardemment désirée par tous les bons citoyens, et les cahiers des communes en font foi.

Les parens ambitieux s'étoient, il est vrai accoutumés à regarder les cloîtres comme des moyens innocens de se défaire d'une lignée trop nombreuse: eh! que de crimes n'a pas fait commettre cette horrible spéculation ! que d'enfans enterrés tout vivans par des pères dénaturés! que de filles qui se sont arrachées de la maison paternelle pour se soustraire aux chaînes monastiques, et qui ont ensuite fini leurs jours dans la douleur ou la débauche, dans le désespoir ou les remords! Voilà donc une porte, une porte bien vaste fermée au crime. La nature ne sera plus outragée par les violences barbares des pères, et par les vœux sacrilèges des enfans.

Quel fruit les profès et professes vont-ils recueillir de ce bienfait national? Rentreront-ils dans la société qu'ils avoient abjurée ? ou bien une fausse honte. nn sot respect humain, les retiendront-ils au fond

de leurs cachots qu'on décoroit du nom de cellules? Citoyens, citoyennes que nous venons de reconquérir, il est temps de vous rendre à la patrie, et de lui payer par vos soins le tribut d'utilité dont vous étiez tenus envers elle. Vous ne retrouverez plus dans le peuple fiançais cette haine dont il vous accabloit, lorsqu'il étoit forcé de vous regarder comme des frelons qui consumoient dans l'oisiveté le fruit des abeilles diligentes. Nous vous adoucirons la pratique des devoirs sociaux que vous aviez perdus de vue; et dans peu, vous goûterez avec nous les grands avantages de la révolution : la jouissance des droits de l'homme, la liberté politique, civile et religieuse.

Vous, sur-tout, à qui il reste encore l'espérance de donner des sujets à la patrie, citoyennes qui vous étiez choisi un époux que vous ne pouvez trouver ici bas, venez choisir parmi la jeunesse patriote un compagnon laborieux, brave et vertueux. Le premier qui épousera une ci-devant religieuse, mériteroit, à notre avis, une couronne civique. Nous nous proposons de célébrer son mariage dans cet ouvrage, et de le faire connoître à toute la France (1).

(1) Nous apprenons qu'une religieuse visitandine, qui étoit, par lettre-de-cachet, au couvent des dames du Vald'Osne de Charenton, est sortie le lendemain du décret, et s'est rendue au comité ecclésiastique pour faire une déclaration. Les supérieures du couvent n'ont plus voulu la recevoir lorsqu'elle s'est présentée le même soir pour rentrer; mais, ce qui est plus étonnant, elles n'ont pas voulu lui rendre ses nippes et effets. Ceci nous denne lieu d'observer qu'il faudra faire déclarer aux supérieures des maisons les noms des sujets retenus par lettres-decachet, autrement il se trouveroit un mécompte peutêtre considérable sur les pensions que la nation auroit à payer.

Opérations

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