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Opérations des soi-disans représentans de la Com: mune de Paris.

Les municipalités s'organisent dans tout le royaume; les choix tombent en général sur des hommes qui paroissent dévoués à maintenir la révolution. Le nouvel ordre de choses va prendre dans les provinces une consistance capable de décourager les aristocrates qui y sont répandus. Par quelle fatalité la ville, qui a le plus contribué à la révolution par ses lumières et par son courage, sera-t-elle la dernière à avoir une municipalité légale, et une organisation régulière ? Quoi! les-Parisiens auront essuyé les premiers orages de la liberté, ils auront fait les premières et les plus grandes pertes, et ils jouiront les derniers des avantages de la constitution ?

Et ce sont des hommes chargés de leurs pou-voirs, leurs simples mandataires provisoires, qui les privent de ces avantages, et qui leur ont fait perdre l'occasion de donner au reste du peuple français l'exemple de la tranquillité des élections et de la sagesse des choix!

Il a été démontré (1) plusieurs fois que les soidisans représentans de la commune de Paris n'étoient chargés que d'une seule chose, de rédiger un plan municipal; et c'est précisément la seule chose dont ils ne se soient pas occupés.

Sept à huit intrigans, encore plus méprisables que dangereux, se sont mis à la tête de cette assemblée. Ils lui ont fait singer, autant qu'il a été possible, les formes de l'assemblée nationale, et le résultat de toutes leurs conférences est abouti,

(1) Vide No. 18, page 2, état actuel de la commune et de la municipalité de Paris.

N° 32.

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où à vexer insolemment leurs commettans, en abusant de toutes sortes de manières des pouvoirs qu'ils s'arrogeoient, ou à bigarrer les rues de placards bleus, en faveur de ceux qui étoient assez vils pour les flatter, en les reconnoissant pour une autorité publique.

Nos plaintes fréquentes, celles de plusieurs autres écrivains,les réclamations des différens districts, ont enfin forcé les deux cents quarante à travailler au plan municipal. Mais agités sans cesse par le démon de l'ambition, uniquement occupés des moyens de se perpétuer dans les fonctions publiques, ces criminels mandataires se sont plusieurs fois écartés du travail qui leur étoit prescrit pour servir des haines personnelles, pour opprimer des particuliers, et pour éblouir, par des démarches utiles en apparence, ce peuple trop bon, dont ils osent se flatter de surprendre encore les suffrages aux prochaines élections.

Le plan de municipalité n'est donc point achevé, quoique l'assemblée nationale ait terminé l'importante opération de la division du royaume, après laquelle il étoit naturel qu'elle décrétát le réglement particulier promis à la ville de Paris; réglement qu'elle ne doit faire que sur le vœu des diverses sections de la commune de Paris.

Mais comment l'assemblée nationale y travailleroit-elle, quand le vœu des districts de Paris n'est pas encore émis, quand ils n'ont pas même été consultés sur l'ensemble du plan municipal?

Nous en avions dit assez dans le cours de cet ouvrage (1) pour rappeller cette assemblée à ses devoirs, si elle n'eût été infectée d'un vice aristocratique qui la rendoit insensible aux raisons les plus pressantes comme aux réprimandes deses cominettans. Convaincus que, dès qu'elle avoit perdu

(1) Vide N°. 14, page 15; N°. 18, pages 5, 6, et suivantes, &c.

leur estime et leur confiance, ses entreprises ne pouvoient plus être dangereuses, nous avions résolu de n'en plus parler; et l'abandonnant au sentiment qu'avoient excité sa coupable négligence, sa morgue insultante et ses menées tortueuses, nous attendions que les nouvelles élections nous en déli

vrassent.

Mais la voix de plusieurs citoyens, de plusieurs districts, sollicite notre zèle. Ils s'indignent de ne point avoir un réglement municipal et de nouveaux officiers municipaux. Ils craignent avec raison que cette lenteur affectée dans la discussion du plan de municipalité, ne cache quelques combinaisons dangereuses, pour faire retomber le pouvoir dans des mains qui, après l'avoir usurpé, s'en étoient si peu montrées dignes.

Le district des Petits- Pères s'est adressé à l'assemblée nationale elle-même, pour obtenir un réglement municipal. Ses plaintes contre les mandataires provisoires sont exprimées avec la vigueur qui convient à des hommes libres. «<< Vainement, porte l'adresse de ce district, vainement les soixante assemblées partielles de la

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mune attendroient-elles des prétendus représentans, réunis à l'hôtel-de-ville, le projet de cette organisation qu'ils étoient chargés de rédiger. Dès long-temps, ces commissaires, oubliant l'objet unique de leur mandat, se sont arrogés une autorité que leurs concitoyens ne leur ont jamais confiée, et qui doit heureusement cesser par l'organisation à laquelle ils n'ont aucun intérêt de concourir. C'est de leur chef qu'ils se sont conférés à euxmêmes le titre de représentans de la commune; c'est en conséquence de ce titre imaginaire qu'ils ont cru pouvoir se comparer aux augustes représentans de la nation; c'est par une imitation ridicule de ce qu'ils devoient respecter, qu'ils ont construit une salle d'assemblée, une tribune, une barre et des galeries pour le pub'ic curieux; qu'ils ont établi des comités de constitution, de rapport,

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et, ce qui est infiniment plus fàcheux, un comité de recherches qui a si souvent, si indécemment et si inutilement vexé d'honnêtes citoyens; c'est de leur propre autorité qu'ils se sont établis juges de leurs commettans, et qu'ils se sont permis de donner des ordres à ceux de qui ils tenoient leur mission, eux qui, n'étant revêtus d'aucun caractère, devoient laisser aux soixante membres choisis par la commune le soin de l'administrer próvisoiremet.

Si ces prétendus représentans, fidelles au vou de leurs concitoyens et à la teneur de leur mandat, se fussent uniquement et incessamment occupés du projet d'organisation municipale, il y a long-temps que la capitale de l'empire auroit donné l'exemple d'une sage administration, comme elle l'a donné du patriotisme le plus pur et le plus énergique; il y a long-temps que le nouvel ordre de choses, après leque tous les bons citoyens soupirent, auroit remplacé cette espèce d'anarchie contre laquelle les comités des diverses assemblées partielles Juttent infatigablement, taudis que les prétendus représentans se donnent complaisamment en spectacle, et s'applaudissent d'une tranquillité qui n'est pas leur ouvrage, mais dont ils auroient dù profiter pour la confection du travail qui leur étoit pres

crit.

Pourquoi donc, s'attribuant des fonctions au moins inutiles, ont-ils néggé celles qui leur étoient confiées ? Maintenant accoutumés à se considérer comme les arbitres de la destinée de la commune, s'empresseront-ils de coopérer à un réglement qui doit les replacer dans la classe des autres citoyens? Ne le dissimulous pas, Messieurs, cès prétendus représentans out perdu la confiance qui les avoit fait nommer, parce qu'ils ont préféré la considération qui paroît attachée au titre de représentans, à l'utilité qui devoit résulter pour la commune de celui de simples commissaires ne le dissimulons pas, le travail auquel ils ont

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été forcés enfia de se livrer ne réunira pas le suffrage des assemblées partielles auxquelles il de- ' vra être communiqué. Vous seuls, Messieurs, avez des droits acquis à une confiance univer

selle.

L'assemblée partielle de la commune, district des Petits-Pères, vous supplie de prendre en considération le besoin pressant de donner à cette ville immense les loix particulières que vous lui avez promises, d'après lesquelles elle puisse enfin organiser d'une manière stable son administration municipale, et jouir de la pa'x que vos décrets ont déjà assurée aux autres parties de l'empire ».

Le district des Petits-Pères aura prévu, mais n'aura pas prévenu le coup que nos aristocrates. municipaux veulent nous porter. Les derniers titres du code municipal qu'ils auront rédigé pour eux arrivera à l'improviste dans chaque section de la' commune. Il s'agira de l'examiner, de l'adopter ou de le rejetter sur le champ. On aura à peine eu' le temps de le lire, et le conité de constitution' dé l'assemblée nationale, composé en majeure partie des députés de Paris, liés avec les intrigans qui mènent l'assemblée des deux cents quarante, le fera décréter. Il sera envoyé à la sanction sans que ceux qui doivent y être soumis sachent bien préciséde

ment ce qu'il contient, et sans que les gens lettres aient pu en démontrer les vices.

Ce n'est pas tout; le point essentiel pour les habitués de l'hôtel-de-ville est de se perpétuer dans les places municipales, ou d'y arriver; il faut donc que les élections se fassent avant que chaque citoyen ait eu le temps de regarder autour de lui à qui il doit donner sa voix. Mais si le code municipal, le décret de l'assemblée nationale, la sanc-' tion et la convocation pour les élections, oat lieu au même moment, il est certain que chacun tournera, presque malgré lui, les regards vers ceux qu'il a déjà élus, et qu'il n'aur le temps ni de comparer si leur conduite a répondu à ce qu'il en avoit espéré,

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