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que je le priai de eonnottre par tous les moyens possibles; et je dis alors à M. Morel qu'il devoit des ce moment se regarder comme officier dans la garde nationale parisienne, attaché particulièrement au commandant général, et employé par son autorisation et ses ordres à la découverte de toute conspiration contraire à la nation, à la loi, au roi, et à la commune de Paris, attendu qu'il se trouvoit lié par ce quadruple serment, comme membre de la garde nationale parisienne.

J'ai donné cette instruction à M. Morel, et comme un des représentans de la nation, et comme général de l'armée que j'ai l'honneur de comman der, prenant sur moi seul la responsabilité de tout ce qui pourroit lui arriver de cette mission importante. Fait à Paris, ce 30 Septembre 1789. Signé, LA FAYETTE.

Pour copie conforme et copiée sur l'original de l'écriture de M. de la Fayette.

D'Arnaud, ancien officier au corps des chasseurs royaux de Saint-Domingue, et actuellement chasseur au bataillon des Petits-Augustins, connu dans son district et dans celui de Saint-Médéric, pour instructeur d'exercice, a eu l'honneur de faire hommage à M. le marquis de la Fayette du tableau général de la garde nationale parisienne, représentant les soixante drapeaux avec le rang des soixante bataillons, et les noms de tous les officiers. Cet ouvrage, très intéressant dans ce moment, le sera davantage à la postérité. Il est de six pieds de long.

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PAPIERS DE LA BASTILLE.

Suite de l'affaire de M. Delmotte.

M. le Noir m'assura qu'il ne seroit nullement question de cette pièce, qu'elle étoit étrangère à l'affaire, et qu'il n'en parleroit point à M. de Mau

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repas. Depuis la visite de M. le Noir, de Launay me donna du papier, des plumes, des livres, et j'eus la promenade depuis cinq heures du soir jusqu'à six. Le sommeil et l'appétit me quittèrent depuis mon séjour à la Bastille. Je passois les jours et les nuits à lire, à écrire ou à me promener. Je barbouillois les murs de mes tristes réflexions. Je me servois, pour cela, d'un bout de crayon, resté dans le gousset de ma culotte, malgré la sévère inquisition de mon geolier. L'après-dîner j'allois faire sentinelle à mon étroite croisée, afin d'aspirer un peu d'air, et de redonner de l'élasticité à mes poumons oblitérés par l'absence de cet élément vital. Un jour que je me procurois cette douceur, j'apperçus une femme qui travailloit à une fenêtre de la rue S.-Antoine. Malgré l'extrême distance qui me séparoit d'elle, je la trouvai supérieurement belle. J'avois alors vingt-quatre ans. J'étois plein de santé, de force et de vie. Mon imagination naturellement ardente étoit encore bandée par la contrainte et la solitude où je me trouvois. L'ame enflammée par d'amoureux souvenirs, j'embellissois, j'entourois cette créature, que je ne connoissois pas, de tous les charmes de son sexe. Tant que je l'apperçevois, je ne la défixois pas. Je l'embrassois par la pensée. Souvent je lui parlois. Je suivois toutes ses attitudes. J'étois attentif à ses moindres mouvemens. Lorsqu'elle se retiroit vers le soir, j'en étois bien affligé ; une sombre tristesse s'emparoit de moi; je tombois dans un acchbienient incroyalile. Puis tout-à-coup je laissois échapper des plaintes, et je ne me consolois que par l'espérance de la revoir le dendemain. Enfin, elle manqua uue fois de paroître à l'heure accoutumée ; je sentis amérement la douleur de cette, cruelle absence; j'en cus le coeur si navré, qu'il me fut impossible le soir d'avaler un seul morceau. Mes larmes coulèrent en abondance. Je lui fis de tendres reproches. Je lui demandai en quoi j'avois pu lui déplaire. Je la sup

pliai à genoux et les mains jointes de re me point priver de l'unique consolation qui ma estoit dans mon infortune, celle de la contempler respectueusement, et de l'adorer dans un silence religieux;' enfin, j'espérai la toucher, en lui retraçant par écrit ma douloureuse situation. Je mis dans ma lettre tout le feu qui me consumov; elle étoit tourà-tour suppliante et vive, énergique et tendre ; j'y passois rapidement de l'expression touchante du sentiment à l'aveugle fureur d'un amour exalté..... Ce qui étonnera le lecteur, c'est qu'étant sorti de la Bastille, j'eus la curiosité de voir de près cette beauté que mon imagination déifioit. Eh bien! je trouvai une vieille ravaudeuse édentée, qui me fit mal au cœur. Ainsi, me dis-je, une femme nous paroît charmante tant que nous l'aimons: aveuglés que nous sommes par l'amour, ses défauts nous paroissent des perfections; et lorsque nous cessons de l'aimer, le bandeau tombe; alors elle nous paroît

un monstre........

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Mon mémoire achevé, je l'envovai au gouverneur, qui vint me féliciter sur la manière adroite dont je me disculpois, sans charger Goupil, et sans compromettre le magistrat. Vous êtes capable me dit-il, et M. le Noir sera fort content de vous. Je revis bientôt ce dernier; son visage rayonnoit de joie.---Je reviens de Versailles. Votre mémoire a fait des merveilles. Vous sortirez incessamment. Goupil et sa femme n'en seront pas quittes à si bon marché: cette mégère m'a tenu les propos les plus durs et les plus insultans; elle vouloit n'arracher le visage. Goupil est un sot, qui s'est enferré luimême; je pourrois le faire pendre: ce scélérat a compromis des personnes éminentes et respectables qui l'ont désavoué; il se souviendra de noi. Effectivement, après trois ans de détention à Vincennes, il y mourut empoisonné ou noyé: sa feminie, qui étoit absolument innocente, après avoir langui long-temps à la Bastille et à Sainte Pélagie, est venue mourir de misère à Paris.

Le 17 gril, le gouverneur vint m'annoncer mon élargissent. La première chose que je fis, en sortant du château fut d'entrer dans un care, pour me mettre au courant des nouvelles politiques dont j'avois été sevré pendant près de six semaines. Je lus (non sans l'émotion du plaisir ) que la France voit fait un traité de commerce et d'amitié avec les Américains anglais. Cette liaison inespérée me fit croire qu'un jour on verroit l'arbre de la liberté étendre ses rameaux sur toute la surface du continent atlantique. En lisant cette importante transaction, qui hâtoit l'émancipation de nos nouveaux amis, je fus consolé des maux qu'on venoit de me faire souffrir. Je bénis avec transport la main royale qui avoit signé ce pacte protecteur. Je lui pardonnai d'avoir souscrit la cédule de ma détention; et combien je lui pardonne davantage depuis qu'elle a sanctionné les droit de l'homme!

POULTIER D'ELMOTTE, de Montreuil-sur-Mer. Péronne, le 20 janvier 1790.

Horrible conspiration liguée anciennement entre le ministère, la police et le parlement de Paris, contre la France entière, découverte en juillet 1768, par Jean-Charles-Guillaume le Prévôt de Beaumont, ancien secrétaire du clergé de France, détenu dans cinq prisons de Paris, depuis vingtdeux ans, sans déclaration de cause, pour pécher de révéler et dénoncer le pacte infernal de Laverdy, qui lui est tombé dans les mains en cette même année 1768.

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Salus populi fuprema lex.

Au mois de juillet 1768, temps de famine, Dieu me fait tomber dans les mains le pacte d'une ligue monstrueuse, composée de tout le ministère de la finance, de la police et de la justice, tandis que les parlemens de Normandie et du Dauphiné font

au roi de vives remontrances pour découvrir les causes de la cherté et de la rareté alarmante des grains. Cet abominable pacte rédigé en vingt articles sur quatre expéditions, par défunt Cromot du Bourg, premier commis des finances, est signé par Laverdy, le 12 juillet 1765, tantôt sous le nom d'entreprise, et c'en est une sans pareille, tantôt sous le titre de bail de douze années, et c'en est un aussi que deux autres semblables ont précédé depuis 1729. Mais la France donnée trois fois à bail de douze années par le ministère de la finance ! le croirez-vous, races présentes et races futures? On a vu des empereurs Romains trahis, trompés, vendus; mais l'empire ne fut pas affermé par ses ministres comme le sont ici Louis XV et Louis XVI, (nunc et in posterum), avec leur royaume. Qui peut concevoir l'audace du projet et son exécu tion?

Il est dit dans l'un de ces vingt articles du bail de la France, qu'il sera encore renouvellé pour douze années au 12 juillet 1777, soit aux quatre mêmes preneurs que je vais désigner, soit à d'autres. Nous verrons bientôt qu'il l'a été. Comment se peut-il trouver des gens assez hardis pour se charger d'un pareil bail? Les scélérats se connoissent autant par les sentimens que par la figure; les petits s'appuient sur les grands en place, et sont sûrs de réussir.

Dix-sept autres articles expliquent les manœuvres prescrites au généralissime agent de l'entreprise, l'un des quatre preneurs du bail Laverdier Un autre prescrit au caissier de tenir prêts pois de novembre ses comptes, ses états d'émargement, pour répartir aux associés et aux croupiers les bénéfices de l'entreprise. Ce caissier étoit le nommé Goujet.

i:

Les quatre preneurs millionnaires du bail dé sigués par noms, qualités et demeures, sont Rai de Chaumont, receveur des domaines et bois du comté de Blois, rue des SS. Pères, Rousseau, re

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