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cette étrange manière de faire les loix sans la consulter, fait présumer que les décrets sanctionnés sont conformes à la volonté générale.

Je jure de maintenir ces décrets; mais aussi je jure de répéter et d'écrire jusqu'au dernier soupir que la représentation absolue n'est autre chose qu'une espèce de despotisme; qu'il ne peut y avoir de loix, sans que la nation les ait ou votées ou ratifiées en personne, c'est-à-dire, par l'émission du vou individuel (1); qu'on ne peut véritablement connoître la volonté générale que par le recensement des volontés particulières; que, de quelques manières que la nation cherche à lier ses représentans, elle sera toujours vendue par eux au pouvoir exécutif, tant qu'elle ne leur fera pas rendre compte de leur mission, qu'elle n'exercera pas la faculté qu'elle ne peut jamais perdre déléguer ni aliéner, d'accepter ou de rejetter les décrets de ses représentans ; et si, à ma mort, je n'avois pas convaincu mes concitoyens de cette vérité, je ferois mettre sur ma tombe pour toute inscription :

et

Il ne peut y avoir de loi, que celle que la nation a votée ou ratifiée en personne.

(1) On cherche à accréditer deux erreurs bien dangereuses. La première, que les adresses d'adhésion manifestent assez la volonté générale. Ces adresses ne peuvent que faire présumer la volonté générale, et sans doute il suffit de cette présomption, quand il faut pourvoir au salut de l'état. Mais ces adresses, qui ne sont le plus souvent l'ouvrage que des comités électifs, ne peuvent pas suffire pour établir l'acceptation nationale de la

constitution.

La seconde erreur est de dire que le peuple peut ratifier la constitution, en nommant une convention nationale pour la revoir. Qui ne sent pas que ces réviseurs seroient tourmentés de la manie de retoucher ou de refaire? et d'ailleurs, fussent ils d'accord avec les législateurs, leurs volontés réunies pourroient encore se trouver opposées à la volonté générale

N°. 31.

C

DIALOGUE

Sur le discours du roi, du 4 février.

Une des soirées de la semaine dernière, au moment où la ville retentissoit des cris de vive le roi, pendant qu'une clarté factice prolongeoit un jour délicieux, et que la gaîté peinte sur le visage, le peuple couroit en chantant admirer le goût avec lequel les aristocrates avoient illuminé leurs, hôtels, une petite société réunie à la grotte nationale, bénissoit le monarque citoyen, et célébroit avec du Champagne le moment heureux qui doit ramener la concorde entre les citoyens de toutes les classes.

Les convives paroissoient réunis de cœur et d'esprit. Il y avoit cependant dans le nombre un impartial, un de ces aristocrates de la Vieille-roche qui ne cesseront de croire à la, contre - révolution. II fron çoit de temps en temps le sourcil, lorsqu'on parloit de la beauté, de la durée de la constitution, de la souveraineté nationale, etc... Mais son front s'épanouissoit à chaque mouvement de sensibilité qu'excitoit le souvenir de la démarche du monarque ou de quelques phrases de son discours.

Les sensations alternatives de l'impartial n'échappèrent pas à l'oeil exercé d'un député patriote qui étoit présent. Soit qu'il voulût le sonder, soit qu'il crût possible de le convertir, il lui adressa quelques observations auxquelles l'impartial répondit d'une manière assez piquante pour que la con. versation se gravât dans la tête d'un des auditeurs qui nous a priés de la rendre publique.

Le patriote. Vous paroissez très-satisfait du discours du roi. Je ne le suis pas moins que vous. Ainsi, je suis sûr que désormais nous nous entendrons. Votre club laissera sans doute ce nom si injurieux à la société de la révolution.

L'impartial. De quelle injure parlez-vous ? Nous n'avons pris le nom d'impartiaux, que parce que nous nous faisons un devoir de garder la plus parfaite impartialité entre les députés qui veulent s'attribuer tous les pouvoirs, et ceux qui ne veulent pas que le gouvernement en perde aucun. A peine notre systême a-t-il été connu, qu'il a rallié tous les cœurs droits; et ce n'est pas lorsqu'il a été courouné des propres mains du monarque, à la face de nos adversaires, que nous serons assez fous pour l'abandonner?

Le patriote. Veillai-je ? Quoi! vous croiriez que c'est par amour pour les impartiaux que Louis XVI est venu à l'assemblée ?

L'impartial. Etes vous aveugle ou sourd? n'avez vous ni lu, ni entendu le discours du roi ?

Le patriote. Je l'ai entendu, lu, relu, je le sais par cœur, et je ne l'oublierai de ma vie.

L'impartial. Je n'ai pas la mémoire si heureuse; mais j'en possède parfaitement l'esprit et le résultat. Il faut un effort commun; vous ne réussirez que par la concorde. Réunissez-vous, n'est-ce pas dire, soyez tous impartiaux? En bonne foi, voudriez-vous que le roi nous eût conseillé de nous mettre du nombre des enragés?

Le patriote. Et de bonne foi, croyez-vous qu'il nous ait conseillé de nous faire aristocrates? Pardonnez-moi ce vieux mot; il n'a encore rien perdu de sa force.

L'impartial. Vous avez raison, ce n'est qu'un mot; mais, dans le fait, à quel parti croyez vous que le gouvernement puisse s'attacher? à ceux qui veulent le dépouiller, ou à ceux qui veulent le maintenir?

Le patriote. Je ne réponds point du ministère. mais je sais que le roi a dit : « J'aurois bien des pertes à compter, si je m'arrêtois à des calculs personnels; mais je trouve une compensation pleine et entière dans l'accroissement du bonheur de la nation ». Est-ce clair? malgré que nous ayons, Ca

comme vous dites, dépouillé le gouvernement, le roi nous en veut-il ?

L'impartial. Il se pourroit que l'accroissement du bonheur de la nation empêchat le roi de regretter ses pertes. Mais enfin, si la nation avoit des droits légitimes à tout ce que vous avez ôté au gouvernement, le discours porteroit-il des pertes? Et si la nation n'eût pas été heureuse avant le nouvel ordre de choses, il ne s'agiroit pas de l'accroissement de son bonheur.

Le patriote. Ah! fi donc! vous jouez sur les mots. Les sentimens sont du roi, et les mots de je ne sais lequel des ministres. Or, je vois clairement que le roi approuve notre travail, et sur-tout l'entière suppression des différences d'ordre et d'état, avantage le plus précieux que nous ait procuré la révolution.

L'impartial. Vous le croyez ! Eh! tenez, lisez donc : « Tout ce qui rappelle à une nation l'ancienneté et la continuité des services d'une race honorée est une distinction que rien ne peut détruire.........Ceux qui aspirent à servir efficacement la patrie, et ceux qui ont eu le bonheur d'y réussir, ont un intérêt à respecter cette transmission de titres ou de souvenirs ».

Le patriote. Titres ou souvenirs. J'aimerois mieux qu'il ne fût question que des souvenirs. Mais lisez plus bas; voici le commentaire. « Ceux qui ne formeront plus un ordre politique dans l'état se trouvent soumis à des sacrifices dont je connois toute l'importance ».

L'impartial. Des sacrifices auxquels on est soumis, en vertu des scènes du 14 juillet et 5 octobre, sont des sacrifices forcés ; aussi le roi vous rappelle-t-il à cet esprit de justice qui sert de sauve-garde à la propriété.

Le patriote. Il pense si peu que nous ayons attenté aux propriétés, qu'il s'associe à l'exécution et à la réussite de tout ce que nous avons concerté pour l'avantage de la France.

L'impartial. Donc il ne s'associe point à tout ce qui ne seroit pas pour l'avantage de la France. Il approuve, par exemple, cette grande idée, ce salutaire dessein de faire une nouvelle division du royaume, parce que c'est un moyen d'éteindre les prétentions des provinces, ce qu'elles appelloient leurs priviléges, leurs chartes, leur constitution, éternelles sottises,qui arrêtoient à chaque pas l'action du gouvernement, et qui s'opposoient à cette uniformité d'obéissance qui est absolument nécessaire pour qu'un état soit bien gouverné.

Le Patriote. Si nous n'eussions rien eu de mieux à mettre à la place pour arrêter la marche du despotisme, ne vous persuadez pas que nous eussions fondu la France dans une seule unité. Il en est de cela comme des Parlemens, que nous conserverions si nous avions à craindre que le despotisme ministériel pût revivre au milieu de nous. On voit par ce que nous avons fait, tout ce que nous voulons et devons faire; et le roi promet de maintenir nos principes, les principes de la constitution contre toute entreprise.

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L'Impartial. Vous ne voyez donc pas que le roi a voulu parler des principes impartiaux. Il faut enfin que je vous désille les yeux. 1°. Le roi dit : «C'étoit d'une manière plus douce et plus tranquille que je voulois vous conduire au but qui se présente à vos regards ». Et notre lettre impartiale porte: Nous ne voulions pas une révolution à feu à sang..... Nous aurions désiré qu'on eût mis vingt années à détruire ce qui a été détruit en quelques heures. Vous voyez bien que c'est la même idée. 2o. Nos principes impartiaux portent, art. II: Ce que la constitution pourroit avoir de défectueux, le temps et l'expérience le manifesteront à la nation, qui le changera ou le modifiera à son gré. -- Et le roi a dit : « Le temps réformera ce qui pourra rester de défectueux dans la collection des loix qui auront été l'ouvrage de cette assemblée ». - Vous voyez qu'on nous a copiés. 3o. L'art IV de nos principes porte:

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