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de le faire condamner au dernier supplice, à l'âge de 72 ans, sous le faux prétexte d'une intelligence avec les Espagnols; et Grotius, citoyen, aussi courageux qu'écrivain profond, fut renfermé à perpétuité.

Eclairés par ces exemples et par ceux que donna Frédéric-Henri, frère et successeur de Maurice, les Hollandois abolissent le stathoudérat; ils font jurer à Guillaume III qu'il n'acceptera jamais cette place pour quelque cause que ce soit. Mais bientôt après, la clameur populaire force les magistrats à lo relever de son serment; il est nommé Stathouder, amiral et capitaine-général. II servit bien ses concitoyens; mais telle fut l'autorité qu'il acquit dans sa patrie, qu'on a dit de lui qu'il fut Roi de Hollande, et stathouder d'Angleterre (1). Le grand pensionnaire, Jean de Witt, et son frère, osèrent lui résister et défendre la liberté publique contre ses attentats. Le peuple s'ameuta contre ses seuls défenseurs; il les mit en pièces, et sa haine pour ceux qui avoient refusé de fléchir le genou devant leur idole, fut tele, qu'il mangea une partie de leurs cadavres.

Ces républicains perdirent enfin toute idée de

(1) C'est une chose bien remarquable que Guillaume IIi ait abandonné le pouvoir absolu dont il jouissoit en Hollande, pour accepter l'autorité circonscrite qu'il n'obtint en Angleterre qu'en detronant son beau-père. Les talens politiques qu'il avoit développés dans le stathouderat sembloicnt lui promettre le gouvernement absolu de la Grande-Bretagne; il ne paroît même pas qu'il ait eu la tentation d'y arriver. Il est donc évident que Guillaume III aima mieux commander à un peuple libre et jaloux de sa liberté, que de régner sur des républicains entièrement soumis à ses volontés. C'est une belle leçon qu'il donna aux peuples

et aux rois.

liberté, de patriotisme, de constitution, au point de déclarer par un acte public le stathouderat et la charge de capitaine-amiral-général, héréditaires dans la maison de Nassau, tant en ligne masculine que féminine. Ils décrétèrent, pour flatter leur idole, que, sa postérité ne consistant que dans une jeune princesse, elle exerceroitle stathouderat sous le titre de gouvernante, et qu'elle seroit capitaine et amiral général.

Depuis cette époque (1), le commerce de la Hollande, ses manufactures, sa marine, son influence dans la balance politique, n'ont fait que décliner; et lorsque les patriotes ont essayé, en 1787 de faire une révolution pour rétablir la constitution libre et républicaine, ils n'ont pu y réussir.

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Je me borne, citoyens, à ces exemples, sur lesquels je vous invite à méditer. Voyez s'il vous convient, dès le commencement de la révolution, de vous attacher à certains personnages, au point d'être plus pleins d'eux et de leur esprit, que de la liberté et de l'esprit de patriotisme.

Si, dans votre ivresse pour tel ou tel citoyen, vous vous persuadez qu'il est le seul qui puisse rétablir vos finances, reproduire le numéraire et raviver le commerce, si vous ne croyez bien calculé que ce qu'il aura calculé, bien imposé que ce qu'il aura imposé, bien dépensé que ce qu'il aura dépensé, il arrivera que votre opinion enchaînera celle de vos représentans, qu'ils n'oseront ni examiner ni contrarier les plans de votre idole ; qu'ils adopteront ce que vous auriez vous-mêmes accepté a genoux. Le déficit augmentera, le commerce s'éteindra entièrement, et le numéraire deviendra plus rare, malgré que la plus forte portion des impôts se paye en argent, et qu'on fabrique par tout de nouvelle monnoie.

Si vous vous faites une idole d'un citoyen, et

(1) En 1747.

qu'il ne soit ni assez ambitieux ni assez dépravé pour entreprendre contre la liberté publique, il sera l'arbitre de la liberté individuelle, et il en disposera, comme autrefois les académiciens disposoient de l'esprit. Nul n'en aura que lui et ses amis.

Vous applaudirez aux vexations qu'il commettra contre vos concitoyens; vous blâmerez ceux qui auront le courage de lui résister; vous haïrez les écrivains qui vous rappelleront votre propre dignité, qui dévoileront ses injustices et votre foiblesse ; vous serez d'abord vils, et bientôt vous deviendrez esclaves.

Faisons nous done un principe, et c'est dès le commencement de la révolution qu'il faut nous faire des principes, de ne point idolatrer ceux qui nous deviendront recommandables par leurs services, de quelque nature qu'ils soient. Respectons les vertus; applaudissons aux talens; récompensons les sacrifices: mais n'oublions pas que chaque citoyen doit un tribut de bonnes actions à la patrie; qu'elles portent avec elles-mêmes une grande récompense; que, si l'exercice du pouvoir a ses amertumes, il a aussi ses douceurs, et qu'il nous est ainsi plus facile que nous ne pensons de nous acquitter envers ceux qui paroissent porter tout le fardeau des affaires publiques.

On a dit de nous que bien souvent nous adorions nos rois; que notre amour pour eux étoit notre caractère distinctif. Je crois en effet que, si nous eussions aimé la liberté autant que nos monarques, la révolution auroit en lieu depuis long-temps. Je ne vois pas cependant sur quoi cette idolâtrie étoit fondée. Depuis que Louis XVI nous apprend à connoître ce que c'est qu'un bon roi, un roi honnête homme et citoyen, il devient chaque jour plus problématique que Henri IV lui-même ait été digne de notre attachement. Il se mettoit, disoit-il aux notables, en tutelle entre leurs mains; mais, hors de la salle, il ajoutoit: Je l'entends l'épée à mon coté. Louis XV ne nous conna que de vaines

espéranoes. Louis XVI est le seul qui, malgré les efforts combinés de sa cour et des aristocrates pour empêcher qu'il ne fût connu sous ses vrais rapports, se soit acquis de justes droits à l'attachement du peupu- Sa probité, ses mœurs, son dévouement au bien pu blic, sa prudence et son courage dans les circonstances les plus difficiles où jamais roi se soit trouvé, nous excuseroient peut-être, si notre amour pour lui alloit jusqu'à l'idolatrie. Je ne vous en diai pas moins, citoyens, qu'il ne faut idolatrer personne, pas même notre roi. Que la liberté seule soit notre idole. Ce doit être un de nos voeux, que ce bon roi et sa postérité règnent long-temps sur un peuple libre; mais que le premier de nos vœux soit toujours d'être libres.

Principes, conduites et desseins des impartiaux.

Quand les impartiaux publièrent leur lettre aux amis de la paix, ils n'avoient pas encore mûri leur systême; aussi y régnoit il un ton d'aigreur, un fiel, une animosité contre les patriotes, qui les fit reconnoître sur le champ pour des aristocrates. La malheureuse habitude des hommes à se laisser conduire par les mots nous fit un devoir de prévenir nos concitoyens contre les surprises qu'on auroit pu leur faire par le saint mot d'impartialité.

Depuis que nous avons rendu compte de cette nouvelle manoeuvre aristocratique, les impartiaux ont changé quelques-unes de leurs dispositions. M. Malouet n'a accepté le titre de chef de la nouvelle coalition, que sous la condition que MM. Maury, d'Espremenil, et le vicomte de Mirabeau, en seroient exclus; ils auroient trop décrié la société. M. de Cazalès, qu'on y auroit ecu avec plaisir, a généreusement refusé; il a préféré passer pour aristocrate, et ne point mentir sur ses opinions

et ses sentimens.

A l'exception de ces quatre membres, tout le parti aristocratique forme le club des impartiaux. Les quatre commissaires que le district patriote

de

de Saint-Germain-des-Prés se proposoit d'envoyer à leurs assemblées, les a effrayés; ils se sont réiugiés rue de la Michodière, n°. 8, et ils ont envoyé deux députés au district des Filles Saint-Thomas, pour le prévenir de l'existence et du but de leur association; ils étoient sûrs d'être accueillis par un comité financier.

La première opération de cette coalition a été de publier, sous le titre de principes impartiaux, un symbole en 15 articles, qu'ils ont déjà défendus contre ceux qui les ont attaqués, par cinq à six brochures. On connoîtra dans quel esprit elles sont écrites par les réflexions impartiales que nous allons présenter sur les principes publiés par des hommes que les patriotes désireroient sincérement n'avoir plus pour ennemis.

« Nous, membres de l'assemblée nationale, ennemis de toute mesure violente et exagérée, séparés de tout intérêt personnel, réunis par le patriotisme, et dévoués entièrement à la cause de la liberté nationale et du salut public, professons et déclarons les principes suivans. »

Ce préambule n'est-il pas une satire atroce contre les autres membres de l'assemblée nationale, qui ont formé une société aux Jacobins? Ne présente-t-il pas ceux-ci comme ennemis des mesures sages, comme rassemblés par l'intérêt personnel? Avec un peu d'impartialité, le club de la rue de la Michodière auroit supprimé ces calomnies indirectes contre ses adversaires,

ARTICLE Jer. « Fidelles à notre devoir, et invariablement attachés aux véritables intérêts du peuple, nous ne cesserons de nous opposer jusqu'à la fin à tout projet qui tendroit à l'égarer ou à compromettre ses droits, soit en excitant insidieusement sa défiance et en l'invitant au dé-, sordre, soit en le portant au mépris de la consti tution et de l'autorité légitime ».

Certes, la pétition des juifs de Bordeaux ne tendoit, ni à égarer le peuple, ni à compromettre No. 50.

B

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