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La formule a été ainsi arrêtée : Je jure d'être fidelle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée nationale, et acceptée par le roi.

Le serment a été prêté par appel nominal. M. le président l'a prononcé le premier. Chacun des membres a dit simplement: Je le jure.

MM. les suppléans, les députés du commerce de la commune de Paris, et les députés extraordinaires des provinces, se sont levés dans leurs tribunes, pour prêter serment: l'assemblée l'a reçu, et aussi-tôt, par l'instinct de patriotisme, tous les citoyens et citoyennes, qui remplissoient les autres tribunes, se sont aussi levés, et ont prété le même

serment.

Ces détails ont été sus au même moment dans toutes les villes; plusieurs comités ont convoqué sur le champ les assemblées générales de leur district, et le serment civique a été prêté avec solemnité par tous les assistans.

Le soir il y eut illumination générale.

Il est impossible dans de pareils momens de se livrer à aucunes réflexions; ilfaut être tout à sentir. Nous dirons donc seulement, et du fond du cœur: Puisse cette journée étouffer la discorde qui régnoit entre les citoyens, et ramener à la nation ceux qui ne vouloient pas reconnoltre ses droits! Et nous, patriotes, faisons au bien de la paix tous les sacrifices qui peuvent s'allier avec la liberté. Soyons dignes d'être libres, soyons dignes d'être les sujets d'un tel roi.

Fait remarquable.

Le sieur Guillaume junior faisoit faire une édition furtive de la tragédie de Charles IX sur des épreuves qui avoient été volées chez M. Didot. Cet imprimeur, et les intéressés à l'édition originale, qui est à la veille de paroître, ont requis une visite chez le sieur Guillaume junior, et on y a trouvá

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les preuves du délit. Ce fait, ajouté à tant d'autres,
prouve
la nécessité de décréter la loi sur les délits
de la presse. Cette filouterie pouvoit porter aux
entrepreneurs de l'édition une perte de plus de

40,000 liv.

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J'achète vos Révolutions; je les ai lues jusqu'à présent avec plaisir. J'aime mon commandant général de tout mon cœur, et jusqu'à répandre mon sang pour lui. Je vois avec regret que vous l'inculpiez dans votre Révolution; on ne doit dire bien dessus son compte. Je vous préviens de n'en point dire de mal. Les gens qui vous payent pour que du en parler s'en repentiront, et vous aussi, si vous continuez. Je crois que vous voulez faire le petit Marat. Croyez-moi, ne continuez pas; Marat n'écrit plus; vous pourriez faire de même.

Votre serviteur, MAYON, garde national, Faubourg Saint-Antoine.

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Je n'aime que la vérité.

La multiplicité de nos occupations ne nous permet pas de recevoir les souscriptions proposées, No. 29, page 44, pour élever une statue à J. J. Rousseau; nous avons remis celles qui nous ont étê envoyées, à M. Ménard de Marsa nvilliers, rue de Seine, faubourg S. Germain, No. 29, où l'on pourra s'adresser dorénavant pour cet objet. Nous donnerons dans la suite une liste exacte des souscripteurs.

PAPIERS

PAPIERS DE LA BASTILLE.

Suite de l'affaire de M. Delmotte,

J'avois laissé des avis à l'intendance, qui m'instruisoient de toutes les dilapidations de Berthier. J'eus bientôt occasion de mettre leurs confidences à profit, en les rendant publiques par la voie des journaux des Deux-Ponts, dont j'étois devenu l'un des auteurs. J'écrivois la partie dont j'étois chargé avec le ton des papiers actuels. Ces journaux n'avoient pas de censeurs. J'usois de cette indépendance pour dénoncer tous les coquins en place, pour faire connoître toutes les mauvaises opérations des administrateurs. Cette liberté, encore précoce, faisoit grimacer les ministres et leurs entours. Dans ces entrefaites, le bruit se répandit que M. de Saint-Germain vouloit réhabiliter les jésuites, en leur confiant la direction des nouvelles écoles militaires. Je conseillai au gouvernement de préférer les bénédictins de SaintMaur, société plus éclairée, plus philosophe, et. où se trouvoit plus de probité, plus de patriotisme que chez les jésuites. Je regardai la résurrection de ces rusés despotes comme un obstacle aux progrès des lumières. J'annonçai ce projet criminel de Saint-Germain d'une manière trèsimprobante. L'orgueil ministériel s'offensa de mon audace. Une lettre-de-cachet vint suspendre mon zèle polémique. Je fus incarcéré pendant neuf jours; à ce terme, Goupil vint m'annoncer que j'étois libre comme on l'étoit alors, et m'offrit son amitié et sa table, en qualité d'ancien camarade dans la gendarmerie. Goupil étoit inspecteur de la librairie, et n'avoit aucune notion de littérature. Il auroit saisi les discours de Moreau sur l'histoire de France, comme un ouvrage philosoNo. 30.

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phique, s'il n'y eût point vu de privilége. Sa vue n'étoit pas plus longue; mais sa femme joignoit à un esprit orné une figure agréable; elle avoit l'ame forte, des connoissances, et une raison bien au-dessus de son sexe. Je cultivai assidument son amitié, et bientôt Goupil ne voulut plus avoir de secret pour l'ami de sa femme. Mon cher d'Elmotte, me dit-il un jour, je sais que la charge d'inspecteur de la librairie ne me convient pas : je n'y entends rien. Cette place vous siéroit mieux qu'à moi; je vous la céderois volontiers; il ne faut que la mériter. Je suis sur le point d'obtenir, par la faveur de madame la princesse de Lamballe, un bon de visiteur général des postes. J'entretiens cette éminente protection par le moyen des nouveautés que je lui porte, et dont ensuite elle fait part à une personne d'une plus haute importance. Il faut vous joindre à moi pour cette honorable commission. J'ai déjà parlé de vous à la princesse comme de mon successeur. Ce n'est pas tout, M. Amelot, que j'ai vu plusieurs fois, m'a confié que M. de Maurepas soupçonnoit, avec raison, MM. de Sartine et le Noir d'intriguer pour faire rentrer M. de Choiseul dans le ministère ; il m'a chargé de surveiller leurs démarches, et de lui en rendre compte. Ecoutez-moi; je quêterai les instructions, je canserai avec les secrétaires, j'interrogerai les valets-de-chambre, je corromprai les laquais, et le soir vous rédigerez un mémoire de toutes mes découvertes. Songez que M. de Maurepas est tout-puissant, et qu'il nous sera très-nécessaire. Si nous ne découvrons rien, l'invention ne nous sera pas inutile, et nous serons bien mal-adroits si nous ne les faisons pas sauter. Cette idée de faire sauter des ministres chatouilla pour un instant ma vanité provinciale; mais je la repoussai bientôt, en songeant qu'il est abominable de nuire à des personnes qui ne nous ont fait aucun mal. Je devois même de la reconnoissance à M. le Noir: il m'ayoit soure it prêté son nom

pour faire entrer à Paris des livres prohibés. Ja ine rappelle qu'en m'accordant cette permission, il me dit: Faites venir tout ce que vous voudrez contre la religion, mais rien contre la reine; contre les prêtres, mais rien contre les ministres; contre les saints et les saintes, mais rien contre les femmes entretenues par les gens en place; contre les mœurs, mais rien contre la police: sur tout ne faites rien circuler que je n'en aye reçu deux exemplaires, et M. Martin un; l'un des premiers exemplaires sera pour moi, et l'autre pour le ministre. Par ce moyen, M. le Noir faisoit preuve d'activité; il recevoit de l'argent pour des recherches qu'il ne faisoit pas, et pour des livres qu'il avoit gratuitement.

Je refusai donc fermement la commission de Goupil. Je lui promis néanmoins de l'aider dans tout ce qui pouvoit satisfaire la princesse et sa royale commettante. Je lui promis en même temps la plus sévère discrétion sur l'une et l'autre confidence. Dans l'espoir de me faire un utile établissement, je cherchai tous les moyens de me procurer les nouveautés qui s'imprimoient chez l'étranger. Pour cela, j'entretins des correspondances très-dispendieuses à Londres, en Suisse, à Genève et en Allemagne; enfin, il y avoit plus d'un an que j'étois chargé gratuitement de cette agence, qui m'avoit mis très à découvert, lorsque, le 9 mars, en allant chez Goupil, je rencontrai le sieur Sarraire; cet inspecteur me dit que, de l'ordre du roi, il falloit le suivre chez un commissaire. J'obéis. Rendu chez le commissaire, on dressa un procès-verbal de capture, et l'on me signifia une lettre close, par laquelle je vis clairement que sa majesté vouloit bien se charger de mon logement et de ma nourriture. Je fis bonne contenance, et j'acceptai, sans aucune observation, les offres obligeantes du roi, dont le sieur Sarraire étoit l'interprète. Nous primes une voiture et la rue Saint-Louis, qui nous conduisit, E a

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