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Paris devoient avoir vu et entendu Bezenval concerter ses affreux projets avec Villedeuil, ce ministre né dans un état obscur, qu'il n'auroit pu honorer, ni par ses talens, ni par ses vertus, et qui servoit lachement les aristocrates qui le méprisoient.

Toute la correspondance du département de Paris, à compter du jour de la scène du sieur Réveillon, devoit être examinée par les accusateurs de Bezenval ; car c'est là où doivent être les rapports qu'il a faits en qualité de commandant de la province.

Il faut nécessairement que ceux qui entouroient le roi à l'époque de juillet dernier, soient coupables de l'affreuse conspiration dont le camp du champ de Mars est une preuve invincible, ou que le roiait ordonné, de son propre mouvement, tous ces horribles apprêts; ce qui n'est certainement pas vrai. Il importe donc à la nation, pour sa sûreté et pour la gloire de son roi, que bezenvai et ses complices ne soient point déclarés innocens sur une procédure simulée.

Affaire du sieur Faveras.

Les juges du châtelet s'étoient arrangés de manière que la haine du peuple contre les conspirateurs eût un aliment au moment où la nouvelle de l'élargissement de Bezenval éclateroit. Il ne sortit du Châtelet que dans la nuit du 29 au 30; et, dès le matin, ce même jour, on annonçoit par-tout que les juges étoient assemblés pour juger le sieur Faveras, qui seroit infailliblement condamné à perdre la tête. La séance se prolongea fort avant daus la nuit à onze heures du soir, on répandit que le jugement étoit prononcé; et dès le lendemain des colporteurs privilégiés crièrent d'une manière si lugubre le grand jugement qui condamnoit à mort le sieur de Faveras, qu'on ne pouvoit guère réfléchir à l'élargissement de Bezenval, qu'ils an

nongolent en même temps. C'est une remarque qui a été faite dans toutes les classes. que le sieur Faveras étoit victime de Bezenval, et qu'on avoit précipité sa condamnation, autant pour pallier la faveur faite au courtisan accusé, que pour ne pas être forcé de r chercher les courtisans dont le sieur Faveras pourroit n'avoir été que l'agent.

Cette donnée étoit fausse, au moins pour le moment; on sut positivement, le 31, que , que le procureur du roi seulement avoit donné, d'une voix tremblante, des conclusions à mort contre l'accusé, après avoir fait prononcer l'admission des dépositions des sieurs Morel et Turcati.

preuve

L'avocat du sieur Faveras, Mr. Thilorier, de manda pour son client, qu'il fût admis à faire de ses faits justificatifs. Dans son plaidoyer, il accusa le procureur du roi d'avoir conciu à la mort par foiblesse et par crainte.

Sur quarante-un juges,un assez grand nombre opinoit pour la mort; mais la majorité l'emporta, et fit prononcer qu'avant faire droit, on entendroit en témoignage MM. l'abbé d'Aymar, le comte de Mirabeau, le comte de la Châtre, le marquis de Foucault.

Il faut étre juste, disions-nous (1), méme envers le sieur de Faveras; il faut lui nommer son dénonciateur. MM. Bailly et la Fayette l'ont été. Ils ont écrit, le 24 janvier, à M. le lieutenant civil, au Châtelet de Paris, qu'à la vérité « l'assemblée nationale avoit décidé qu'il n'y avoit lieu à délibérer sur la demande du sicur Faveras ; mais qu'ils déclaroient que M. Morel, second témoin de l'information, est le citoyen à qui ils devoient la première connoissance des projets attribués au marquis de Faveras >>.

Il ne faut point cesser d'être juste envers le marquis de Faveras, et, avant de le condamner an

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supplice auquel il est destiné par le genre de l'accusation, il faut épuiser tous les moyens par lesquels il seroit possible de découvrir s'il est in

nocent.

Si j'avois été assassiné, et qu'il me fût accordé de revenir sur la terre, ce seroit pour effrayer les juges prévaricateurs qui refuseroient d'enten dre les faits justificatifs proposés par mon assassin. C'est une chose si bornée, si vague, si incomplète, que l'échelle de nos certitudes, qu'il est inconcevable que des officiers judiciaires regardent une accusation comme prouvée, tant qu'un accusé offre de démontrer qu'elle ne l'est

pas.

Plus une accusation est invraisemblable, plus il faut être difficile sur les preuves. Or, que le marquis de Faveras ait projeté avec 1200 cavaliers seulement d'attaquer Paris, de faire assassiner MM. Necker, Bailly, la Fayette, d'enlever le roi des Thuileries, et le garde-des-sceaux dans son hôtel au milieu de trente-six mille hommes armés et de trois cent mille citoyens, qu'un coup de cloche ou de canon peut faire mettre sous les armes; qu'on ne trouve ni le dépôt des 1200 chevaux, ni un seul des 1200 hommes enrôlés, hors ceux qui l'ont dénoncé ; il faut convenir que c'est un corps de délit qui, pouvant être vrai, est cependant singulièrement invraisemblable.

La qualité des témoins est encore une des circonstances qui doit rendre le juge plus sévère sur les preuves. Il seroit absurde de dire qu'un recruteur ne peut pas être un honnête homme; mais aussi ce n'est pas un de ces hommes dont la profession soit garant de la loyauté de toutes ses actions. Et si un dénonciateur qui n'a pas une de ces fortunes qui mettent au-dessus de l'appât de 24,000 liv., avoit pu espérer que par la dénonciation il gagneroit cette somme , qu'il feroit sa cour à un général qui a des places à distribuer, il ne faudroit pas. légèrement admettre une pareille déposition.

Quand le corps de délit n'est pas clair, palpable, comme un assassinat, un effraction, un vol, il faut être encore plus difficile sur les preuves. Or, il s'agit dans cette affaire d'un complot, d'une conjuration, et le corps de délit ne paroît consister jusqu'à présent que dans des discours tenus aux sieurs Morel et Turcati, Marquié et Chomel: or, les rapports de ces témoins ne paroissent pas absolument cohérens. Par exemple, le sieur Marquié dépose que le sieur Faveras lui remit l'ouvrage intitulé: Ouvrez donc les yeux, en lui recommandant de le faire lire attentivement à ses grenadiers; et le sieur Morel, qui étoit présent convient à la confrontation qu'il n'a point été question de communiquer, de faire lire cette brochure aux grenadiers. Qu'on juge par cette contradiction, sur le fait peut-être le plus concluant contre le sieur Faveras, de la nécessité de ne rien négliger pour arriver à la vérité.

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Les conclusions du procureur du roi pour faire rejeter les faits justificatifs du sieur de Faveras, ne sont donc guère moins iniques que celles qu'il donna dans l'affaire de l'infortuné Delcrost.

Que le sieur Faveras soit un aristocrate enragé, qu'il n'ait désiré une contre-révolution, qu'il n'eût été satisfait de trouver des moyens de Topé er, qu'il ne les eût embrassés avec chaleur s'ils se fussent présentés, c'est ce dont on ne sauroit douter; mais qu'il ait voulu faire assassiner MM. Necker, Bailly et la Fayette, qu'il ait dû entrer dans Paris avec 1200 cavaliers pour enlever le roi, que l'emprunt qu'il vouloit faire eût pour objet d'effectuer ce plan, c'est ce qui n'est point assez prouvé pour faire rejeter une demande d'être admis à des faits justificatifs.

Il faut bien que le tribunal n'ait pas trouvé les preuves contenues dans la procédure suffisantes pour asseoir une condannation,. puisqu'il a appelé de nouveaux témoins. Mais si ces nouveaux témoins né déposent pas à la charge de l'accusé, elles lais

seront la procédure dans le même état d'insuffi ·

sance.

Ainsi, quoique nous désirions ardemment qu'un grand exemple effraie à jamais les brouillons qui soulèvent çà et là nos bons paysans, qui alarment nos frères les pauvres, les ouvriers, qui nous menacent de la guerre au printemps prochain, des troupes d'Allemagne et des troupes Sardes, nous ne pouvons nous empêcher de dire qu'il faut ou chercher plus de preuves contre le sieur de Fave as, ou l'admettre à détruire celles que la procédure fournit en l'admettant à ses faits justificatifs.

Lettre au Rédacteur.

Monsieur, je vous envoie copie de trois lettres que j'ai vues en original. Ce sont des pièces qui appartiennent à la révolution, etc... Si vous me faites le plaisir de les insérer dans votre ouvrage, obser-. vez de ne mettre que les lettres initiales, parce que ce n'est pas une affaire absolument désespérée, etc... Signé, LANDRY. Bordeaux, ce 3 Février 1790.

MON AMI,

Je viens de recevoir le coup de la mort. Mon père m'a fait appeler; il m'a dit : « Ecrivez à G.... que » je ne consentirai jamais qu'il vous épouse; que » je ne veux plus qu'il se présente ici, qu'il vous » voie, ni qu'il vous écrive. Je vous dirai mes raisons une autre fois. Je compte sur votre prompte » obéissance ». Je ne sais où je suis.. je crois rêver...... je me meurs.

ADELE D***.

Au Père.

MONSIEUR,

J'ai reçu de mademoiselle D*** un billet que je

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