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défigne le droit d'ufufruit, que le furvivant de deux conjoints a fur les biens frappés de dévolution au profit de fes enfans.

La coutume de Liège admet la dévolution (1); comme beaucoup d'autres coutumes des PaysBas; la plupart des difpofitions qu'elle renferme fur cet objet, lui font communes avec elles; ainfi, dans cette coutume, comme dans les autres, la dévolution n'affecte pas les meubles, mais feulement les immeubles; le conjoint furvivant ne peut plus difpofer des biens dévolus; il ne peut pas même les partager entre ceux de fes enfans à qui la dévolution en eft faite, autrement que la coutume ne le prefcrit; l'appréhenfion de ces fortes de biens n'oblige qu'aux dettes contractées avant ou pendant le mariage, & nullement à celles qu'a contractées le furvivant, après la diffolution du mariage; les conjoints peuvent déroger à la dévolution, avant qu'elle ne foit engendrée, & cela foit par contrat de mariage, foit par teftament conjonctif,

Mais, outre ces principes, la coutume de Liège en renfermé d'autres qui lui font propres ; nous allons les parcourir fuccinctement.

Dans les autres coutumes de dévolution, ce lieu n'affecte proprement que les immeubles du furvivant, il eft inutile pour les biens du pré

(1) Les difpofitions de cette coutume ne font pas étrangères au droit françois, puifqu'elles font loi dans beaucoup d'endroits du reffort actuel du parlement de Flandres, tels que les villes de Fumay & de Révin, & les villages de Han, Aubrives, Chooz, Frafnes-lez-Marienbourg, Fépin, Foifche, Mothain, Montigny-fur-Meufe, & Vireux-Saints Martin.

décédé, dont la propriété n'a jamais réfidé fur la tête du furvivant; dans la coutume de Liège, au contraire, la dévolution tombe également fur les biens des deux conjoints, attendu que par le mariage, & en vertu du droit de main-plevie, il ne fe fait qu'une feule maffe, qu'un feul patrimoine des biens des deux conjoints, qui en font tous deux propriétaires, le mari actu, la femme habitu, enforte que le tout appartient au furvivant, par une efpèce de droit de non-décroiffe ment. Voyez Main-plevie,

Dans les autres coutumes de dévolution, le furvivant ne commence à avoir les mains liées que du moment du décès du premier mourant; dans celle de Liège, la dernière maladie de la femme opère une efpèce de dévolution, qui empêche le mari de difpofer, à titre gratuit, & au préjudice de fes enfans; « l'homme ayant fa » femme au lit mortel, dit l'article 30 du cha» pitre 6, ne peut faire tranfport valable de » fes héritages, fi ce n'eft pour payer fes dettes, » faites du vivant de fa femme, ou pour né» ceffité de fon corps, & de prifon fans fraude, ni malenghien......

Dans les autres coutumes de dévolution, les enfans, quoique affurés de pofféder un jour les biens dévolus, n'en font pas pour cela propriétaires; le père ou la mère ne ceffe pas de l'être. La coutume de Liège, au contraire, ne répute plus les parens propriétaires dès le moment de la dévolutton, elle les traite feulement d'ufufruitiers; « où il y a enfant de leur lit, dit » l'art. 15 du chapitre 11, tous biens immeubles » demeurent affectés à leurs enfans en propriété,

» l'ufufruit en demeurant au survivant, soit père » ou mère.....

Il faut néanmoins convenir que cette différence ne confifte guère que dans les mots : car cette propriété, que la coutume accorde aux enfans n'eft en eux qu'une espèce de fideicommis conditionnel, qui s'évanouit, s'ils meurent avant leur parent ufufruitier ; ils font alors réputés n'avoir jamais vécu, & on les regarde, fuivant l'expreffion de l'article 36 du chapitre 11, comme fleurs fans fruits.

De ce principe, résultent plufieurs conféquences:

La première, que cette propriété qu'ont les enfans fur les biens qui leur font dévolus, n'eft point ceffible.

La feconde, que les enfans ne peuvent difpofer 'de cette même propriété, ni entre-vifs, ni à cause de mort, encore, dit l'article 26 du chapitre 6, que, par contrat de mariage, leur auroit été permis dy fuccéder, parce que, comme l'obferve de Méan, ad jus civile Leodienfium, obfervation 481, proprietas quæ erat confuetudinaria ab inteftato, manet etiàm talis, poftquàm pacto dotali promiffa eft.

Néanmoins la difpofition ou la vente que feroit un enfant, des biens dont il eft ainfi propriétaire, deviendroit efficace, s'il furvivoit à fon père; l'exemple du fidéicommis conditionnel, auquel eft affimilée la propriété des enfans dans cette coutume, confirme cette reftriction; car il est conftant, comme l'obferve M. Pollet, qui en rapporte même un arrêt du parlement de Flandres, part. 3, S. 118, que « l'héritier chargé de fubfti»tution jufqu'à un certain temps, peut, dans » l'intervalle, donner le bien substitué en hypo

»thèque; s'il meurt avant le temps, l'hypothèque » ceffe; s'il furvit, elle demeure valable.... » C'est par une fuite de ce principe, qu'il a été jugé à Liège, le 27 janvier 1633, que le créancier, qui avoit obtenu hypothèque fur un bien dévolu pendant la vie du parent ufufruitier, devoit être préféré à celui qui ne l'avoit obtenu qu'après fa mort.

Une troisième conféquence, eft que l'enfant propriétaire, mourant fans defcendant, ne tranfmet rien à fes héritiers ab inteftat, & qu'au contraire, fa part appartient à les frères & à fes fœurs, jure non decrefcendi. C'est ce que décide l'article 21 du chapitre 6.

Une quatrième conféquence eft que, fi tous les enfans propriétaires mouroient fans laiffer d'enfans, le parent ufufruitier demeureroit maître abfolu des biens dévolus, & cela en vertu du droit de main-plevie; « & mourant tous (les en» fans propriétaires fans hoirs) le parent furvi» vant (dit l'article 36 du chapitre 11) eft fait » maître abfolu de tous leurs biens.... ». Cependant, ajoute l'article 31, s'il y avoit des enfans d'un fecond ou autre mariage déjà diffous, la propriété coutumière des enfans décédés pafferoit à ceux-ci, parce que, comme le remarque de Méan, obfervation 131, filii fecundi matrimonii non extantibus liberis ex primo, cenfentur ex primo, fecundum matrimonium cenfetur primum, refpectu

tertii.

Une cinquième conféquence, c'eft que, fi l'enfant propriétaire marié décède fans laiffer d'enfans, il ne tranfmet à fa femme aucun droit, foit actuel, foit expectatif fur les biens dévolus. C'est la décifion de l'article 35 du chapitre 11.

Mais, quel eft le fort de la dévolution, lorfque l'enfant qui meurt avant le père ufufruitier, laiffe des enfans? Alors ceux-ci fuccèdent de plein droit & de leur chef, aux biens qui avoient été ainfi dévolus; & ce qu'il y a de remarquable, c'est que leur mère furvivante ne peut pas prétendre l'ufufruit; car, fuivant l'article 33 du chapitre 11 de la coutume, Humier ne tombe fur Humier, c'eftà-dire, un ufufruitier ne peut remplacer un autre ufufruitier ; & dès que, dans notre espèce, la jouiffance de l'aïeul eft finie, elle fe réunit à la propriété des petits-enfans. A quel titre en effet le conjoint du fils prédécédé la demanderoit-il ? Celui-ci eft censé n'avoir jamais exifté : il n'a par conféquent rien pu tranfmettre à fa femme; fes enfans, en fuccédant à leur aïeul, ne représentent point fa perfonne, mais fon degré, ou, pour mieux dire, ils entrent dans ce degré, comme s'il n'avoit jamais été rempli par leur père, & qu'il eût tou jours été vuide.

Mais cette règle ne concerne pas l'enfant propriétaire, qui fe trouve veuf avec enfans, lors de la mort de fon parent ufufruitier: malgré la maxime, Humier ne tombe fur Humier, il lui fuccède quant à l'ufufruit, & s'il n'en eft pas de même quant à la propriété, c'eft qu'elle eft fubdévolue à fes enfans, par la mort de fon conjoint; c'est ce que porte l'art. 34 du chap. 11; en un mot, le fens de la règle dont il s'agit est, felon de Méan, observation 63, no. 8, quòd· ufusfructus fucceffionis pofteà accedentis, à latere conjugis præmortui, ufufructui fucceffionis jàm delata non incidat, & in fuperftitis conjugis, tanquàm extrane perfonæ non concurrat.

La mort du parent ufufruitier n'eft pas le feul

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